Poissons gluants et malabars

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Un ami m’a déjà dit que Michel Foucault – sur qui il faisait sa thèse – est comme un poisson gluant. Quand on pense l’avoir attrapé, il nous glisse des mains. Cette métaphore illustre bien comment je me sens devant plusieurs concepts économiques. Cette science qui se prétend impitoyablement froide repose en fait sur quelques idées étonnamment fuyantes.

La première fois que j’ai été frappé par ce constat, c’est en me penchant sur le concept de productivité pour un billet sur ce blogue. En apparence, l’idée est à la fois solide et vitale au processus économique. Elle est l’ennemie du gaspillage. Or, comment peut-on aimer le gaspillage? Surtout à l’époque des 3R-V. On veut faire le plus possible dans le moins de temps de travail possible. C’est logique, mais pas si simple que ça à calculer. À l’époque, je rappelais qu’on procède en général de façon simpliste pour calculer la productivité. On compte l’argent produit par un secteur et on le divise par le nombre d’heures travaillées dans ce secteur. Un secteur est productif s’il génère beaucoup d'argent avec peu d’efforts. Viennent alors à l’esprit la mafia et la spéculation financière et l’avenir promet d’être radieux. Plus sérieusement, le voile de la monnaie obscurcit tellement la question de la productivité, on se demande si elle finit par vouloir dire véritablement quelque chose.

Vérificateur général, ristournes et doigt d’honneur

Lorsque le Vérificateur général (VG) par interim a remis son rapport la veille du budget du Québec, l’attention s’est concentrée sur la méthode douteuse utilisée par Michel Samson (le VG) pour mesurer l’ampleur du déficit budgétaire. Une semaine plus tard, le VG remettait son rapport régulier et c’est le manque de coopération cette fois d’Hydro-Québec qui a accaparé l’attention du public (un fait embêtant que l’IRIS a également subi à plusieurs reprises dans le passé). Tout ceci a relégué au second plan les remarques du VG consignées au chapitre 6 sur les médicaments payés par le réseau hospitalier du Québec.

Or, les constats qu’on y trouve sont importants.

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Bonne fête aux pères (présents)

Hier c’était la fête des pères. Ceux et celles qui me connaissent bien (ou me lisent régulièrement) savent que je déteste l’expression « bon père de famille », surtout quand on parle de gouvernement. Je veux bien que cela réfère à une expression juridique, mais celle-ci est démodée et renforce une image de paternité limitée et réductrice. Contrairement à ce que certains sites web semblent prétendre, il n’y a pas qu’une seule manière d’être père, soit d’être un homme stéréotypé, conjoint d’une femme stéréotypée. Les familles sont plutôt de diverses formes, les pères tenant des rôles différents selon les cas.

Piketty : contre les inégalités du capitalisme et pour un savoir libre de propriété intellectuelle?

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Au cours des dernières semaines, voire des derniers mois, le livre de Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle, est devenu un véritable bestseller. C’est un fait assez rare de voir un livre économique, et académique par surcroît, devenir le centre de l’univers médiatique. Mais son succès n’est pas si surprenant. Le livre comporte une solution politique qui s’attaque à une vache sacrée de la droite économique, soit une taxation accrue des revenus provenant du capital. Et cela, pour s’attaquer au problème des inégalités économiques qui est en pleine explosion partout dans le monde. Ce constat sur le problème des inégalités croissantes est également fait par des institutions internationales, la Banque Mondiale et le Fonds monétaire international (FMI), qui ne sont pas nécessairement reconnues comme étant progressistes. Et de l’autre côté, le livre de Piketty met des chiffres sur le mouvement Nous sommes le 99%. Toutefois, le succès médiatique de l’ouvrage et les critiques de la droite économique ont éclipsé un des projets derrière les chiffres utilisés par Piketty. Mais qu’est-ce qui se cachent véritablement derrière ces chiffres?

 

Retour sur le dernier budget du Québec : les négos sont lancées…

Le dépôt du premier budget de Carlos Leitão a fait couler beaucoup d’encre. Après que le Vérificateur général du Québec ait décrit la situation budgétaire du Québec en des termes catastrophiques, le ton était résolument donné. En gros, ce budget a définitivement placé le Québec sur la voie de l’austérité tout en lançant des réformes structurelles majeures destinées à limiter durablement la capacité de l’État à remplir son rôle social.

Un volet peu discuté du budget fut toutefois celui de la prochaine négociation entre l’État et ses employé.e.s. En effet, le 31 mars prochain, la convention collective qui définit les conditions d’emploi des employé.e.s de l’État viendra à échéance. Le moins que l’on puisse dire, c’est que M. Leitão a placé ses billes.

Carton jaune pour la Coupe du monde

Le niveau d’enthousiasme de toute amatrice ou amateur de soccer qui se respecte suit une trajectoire ascendante à l’approche de la Coupe du monde de la FIFA, qui se déroulera cette année du 12 juin au 13 juillet au Brésil. Cette fébrilité ne saurait toutefois nous faire oublier les travers de la planète foot ainsi que les paradoxes et les scandales que comporte invariablement ce type d’événement.

Du « grand fiou » à la transition

Vous êtes ministre des Finances et vous annoncez à grands cris une catastrophe à venir. Lorsque vous présentez finalement des changements plus timides, tout le monde pousse un grand « Fiou! » de soulagement : on l’a échappé belle. Personne ne porte alors attention aux transformations bien réelles en cours. De toute évidence, Carlos Leitão connaît bien cette stratégie baptisée « le grand fiou » par le groupe d’humoristes Les Zapartistes.

L’austérité, ça brise des vies

Entre 1991 et 1994, l'espérance de vie des hommes russes dans l’ex-URSS est passée de 64 à 57 ans.  Il s’agissait de la pire baisse de l'espérance de vie enregistrée sur une aussi courte période dans un pays qui n'était en proie ni à la guerre, ni à la famine. Les causes relevaient plutôt de l'alcoolisme, des agressions et d’accidents chez les jeunes hommes sans emploi suite à l'effondrement du bloc soviétique et la privatisation accélérée des services publics qui s'en est suivie.

À partir de 1998, la Thaïlande a vu son taux de mortalité dû aux maladies infectieuse soudainement doubler en cinq ans alors qu’il était à la baisse depuis une quarantaine d’années. Ce revirement survenu pendant la crise économique asiatique était principalement dû à une recrudescence du taux d'infections au VIH suite à l'élimination du programme gouvernemental « no condom, no sex » et à l'arrêt de l'envoi de travailleuses et travailleurs sociaux dans les quartiers chauds de la prostitution.

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Budget Leitão : faire l’austérité sans la nommer

Avant le dépôt du budget, comme pendant sa présentation, le ministre des Finances Carlos Leitão a parlé de rigueur et de sérieux, mais jamais d’austérité. Pourtant, il est bien question d’austérité dans ce budget, plusieurs ministères obtiendront moins d’argent l’an prochain qu’ils n’en ont cette année. Voici les compressions :

La productivité au Québec : choisir les données

Jérôme Lussier, a récemment publié sur le blogue politique de L'actualité une critique de l’étude qu’Eve-Lyne Couturier et moi avons réalisée début mai « Productivité : Le Québec est-il en retard ?». Ce texte m’est apparu comme un bon prétexte de préciser certains aspects de notre pensée. Voici donc une réponse à son billet.

Quoique le travail de discussion et de questionnement critique soit souvent une bonne occasion de faire progresser le débat, celui-ci, pour être utile, doit faire montre d’au moins trois éléments : (1) Une certaine compréhension du propos; (2) une bonne lecture de ce qui est critiqué; et (3) dégager des éléments positifs afin de projeter l’analyse vers l’avant. Malheureusement, la critique de Lussier est assez pauvre à ces trois niveaux.

Le prochain budget du Québec : vérité ou mensonge?

Mercredi prochain, le gouvernement Couillard déposera son premier budget. Avec son tout nouveau ministre des Finances, le premier ministre tentera de réaliser un tour de magie. À la fois faire adopter des coupures de 3,7 milliards $ tout en se défendant de proposer un plan budgétaire centré sur l’austérité. Avec un budget total de 73,7 milliards $, un tel serrement de ceinture représentera des compressions, pour une seule année, de l’ordre de 5 %.

Voici un blogue qu’une personne sur deux au Québec ne pourra comprendre

D’entrée de jeu, le titre de ce billet peut sembler prétentieux, mais il souligne une réalité politique alarmante. Selon la Fondation pour l’alphabétisation : «près d’un Québécois sur deux (âgé de 16 à 65 ans) n’a pas les compétences nécessaires pour utiliser l’information afin de fonctionner pleinement au sein de la société et de l’économie (niveaux 1 et 2).» Ce n’est pas une nouvelle statistique, mais il est bon et nécessaire de le répéter : 49% des personnes québécoises ont des difficultés de lecture.

Ironiquement, nous parlons moins des statistiques liées aux problèmes de littératie statistique, proportion qui se retrouve également à près d’une personne sur deux. Ceci ne minimise en rien le problème d’alphabétisation, c’est probablement le contraire puisqu’il faut y ajouter les problèmes de lectures des statistiques. Dans nos sociétés contemporaines, il semble que la simple mention d’un chiffre pourrait répondre à la «Grande Question sur la vie, l’univers et le reste». Mais sommes-nous en mesure de comprendre la démarche statistique en dessous de ce chiffre? Sommes-nous en mesure de critiquer la démarche scientifique sur une autre base qu’un «feeling» politique?