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Voici un blogue qu’une personne sur deux au Québec ne pourra comprendre

30 mai 2014

  • FF
    Francis Fortier

D’entrée de jeu, le titre de ce billet peut sembler prétentieux, mais il souligne une réalité politique alarmante. Selon la Fondation pour l’alphabétisation : «près d’un Québécois sur deux (âgé de 16 à 65 ans) n’a pas les compétences nécessaires pour utiliser l’information afin de fonctionner pleinement au sein de la société et de l’économie (niveaux 1 et 2).» Ce n’est pas une nouvelle statistique, mais il est bon et nécessaire de le répéter : 49% des personnes québécoises ont des difficultés de lecture.

Ironiquement, nous parlons moins des statistiques liées aux problèmes de littératie statistique, proportion qui se retrouve également à près d’une personne sur deux. Ceci ne minimise en rien le problème d’alphabétisation, c’est probablement le contraire puisqu’il faut y ajouter les problèmes de lectures des statistiques. Dans nos sociétés contemporaines, il semble que la simple mention d’un chiffre pourrait répondre à la «Grande Question sur la vie, l’univers et le reste». Mais sommes-nous en mesure de comprendre la démarche statistique en dessous de ce chiffre? Sommes-nous en mesure de critiquer la démarche scientifique sur une autre base qu’un «feeling» politique?

Ainsi, pour répondre aux deux questions posées plus haut, prenons un exemple qui, admettons-le, est capillotracté, mais permet de comprendre la différence entre la mécanique statistique et la pratique scientifique de la statistique. L’exemple de la corrélation est emprunté à Tyler Vigen :

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En analysant le graphique, nous pouvons stipuler que les dépenses américaines en science suivent exactement la même courbe que celle des suicides. En plus, nous constatons qu’il y a une corrélation très, mais très forte entre les deux variables (99.2%). Tout ça est vrai, les chiffres sont véridiques, le calcul est juste (c’est la mécanique de l’application d’un test statistique). Toutefois, est-ce que nous pouvons dire pour autant que si nous voulons diminuer le nombre de suicides aux États-Unis, nous n’avons qu’à couper dans les dépenses en science? (Ce qui est l’analyse statistique.) En somme, nous avons raison en ce qui concerne la mécanique de la statistique, mais nous avons tort au niveau de l’analyse des chiffres. Nous oublions trop rapidement que la statistique et la science économique sont des sciences sociales qui utilisent les chiffres comme principal langage. Et c’est à ce moment que les problèmes de littératie statistique entrent en ligne de compte. Si nous ne pouvons pas comprendre pourquoi et comment sont utilisés les chiffres, comment pouvons-nous faire la distinction entre la portion mécanique de la statistique et la portion science sociale des chiffres et analyses avancés?

Pire encore, la littératie statistique semble avoir généré deux positions antagoniques qui limitent les débats sociaux et scientifiques. D’un côté, il y a un certain culte voué aux chiffres. Culte qui pourrait (nous n’avons pas de chiffres ou de corrélation à l’appui, c’est plutôt une hypothèse) être engendré par un oubli conscient ou inconscient de considérer la portion science sociale de l’analyse statistique et économique et de croire que la vérité émane d’un chiffre. Ce qui pourrait donner des affirmations absurdes comme : «Il n’y a pas de 1% au Québec». Il va toujours y avoir un 1%, puisque le principe est de diviser, selon le revenu, la population en cent groupes égaux. Ou encore : « La moyenne des revenus au Québec nous montre que 50% des gens gagnent plus que 37 000$». C’est plutôt la médiane qui sépare en deux la distribution et au Québec, la médiane est d’environ 30 000$. De l’autre, lorsque des chiffres sont avancés et viennent contredire une position politique forte, nous avons tendances à dire : «Vos chiffres sont pas bons, vous avez fait du «cherry picking» : le réchauffement climatique est une invention des scientifiques pour avoir des subventions…». Alors que les chiffres nous montrent clairement que c’est la disparition des pirates qui a engendré le réchauffement climatique

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