Dépenser vite pour négocier moins

Québec City, Québec, Canada

Le gouvernement de François Legault vient d’annoncer la fin du tarif différencié selon les revenus pour les CPE et les garderies subventionnées et la bonification de l’allocation familiale québécoise. Il s’agissait là de promesses faites lors de la campagne électorale, mais la nouveauté tient à deux éléments : d’une part, l’échéancier est beaucoup plus rapide que prévu (au départ, on parlait d’un étalement jusqu’en 2022) et d’autre part, ce sera rétroactif pour 2019. De quoi se réjouir pour les familles de jeunes enfants. Cependant, cette bonne nouvelle pourrait cacher autre chose de moins noble.

À combien s’élève la dette de l’État envers les plus vulnérables?

La Protectrice du citoyen publiait la semaine dernière son rapport annuel, dans lequel elle dénonce le fait qu’en raison d’obstacles bureaucratiques, des dizaines de milliers de citoyens et de citoyennes – souvent parmi les plus vulnérables – n’ont pas accès à des prestations ou à des services publics auxquels ils et elles ont pourtant droit. Ce rapport, s’il ne permet pas de dresser un portrait exhaustif de ces problèmes systémiques d’accès, a au moins le mérite de mettre en lumière un phénomène très peu documenté au Québec : le non-recours aux droits. Regard sur une dette publique dont on ne parle pas assez.

« Maître chez nous »? Pas vraiment!

Depuis quelques jours, le second tome de l’ouvrage Dépossession : une histoire économique du Québec est en vente dans les librairies. Tandis que le premier volet de la série s’est attardé à retracer l’histoire de l’exploitation des ressources naturelles de la province, cette suite s’interroge sur la trajectoire des institutions publiques qui façonnent notre vie collective. Notre point de départ se résume ainsi : et si le récit glorifiant l’époque de la Révolution tranquille comme moment de réappropriation populaire cachait en fait une mutation des rapports de pouvoir et de domination que le recours au concept de « dépossession » permettrait de révéler?

Les soins à domicile : une affaire rentable

La semaine dernière, Statistique Canada publiait une série de données fort intéressante au sujet des soins à domicile. Nous y apprenions que les revenus d’exploitation des entreprises du secteur privé dans ce domaine étaient en hausse de 5,1 %, passant de 5,1 G$ à 5,4 G$ entre 2016 et 2017 pour l’ensemble du Canada. Le vieillissement de la population n’est certes pas étranger à cette situation. La proportion des aîné·e·s (personnes de 65 ans et plus) est passée de 7,9 % de la population totale en 1971 à 17,2 % l’an dernier. Lorsqu’on connaît les grands besoins de soins à domicile de cette population, il n’est pas étonnant de voir le chiffre d’affaires des entreprises de ce secteur suivre une courbe ascendante. 

L’austérité était une erreur et elle laissera des traces

Loin d’être une « vue de l’esprit » comme le prétendait Philippe Couillard, les politiques de restrictions budgétaires ont eu des effets concrets et permanents tant sur nos services publics que sur les personnes qui en font usage. Il ne s’agit pas ici d’évidences anecdotiques : la Protectrice du citoyen a publié un rapport accablant à cet effet. Au contraire d’avoir « coupé sans affecter les services », l’austérité a été ressentie de plein fouet par les personnes vulnérables.

Faire de l’argent avec la misère des autres

Philippe Couillard annonçait récemment qu’il envisageait de mettre en place des obligations à impact social pour financer certains programmes ou initiatives. Qu’est-ce que c’est et devons-nous nous en réjouir? Réponse rapide : il s’agit de donner une logique (encore plus) comptable au filet social, et c’est plus qu’inquiétant quand on pense au genre de société qu’on veut créer.

Ne croyez pas aux slogans (économiques)

Le 27 février, je me suis retrouvée sur le plateau de l’émission de débat de MaTv, Open Télé, pour discuter fiscalité et services publics. On m’avait invitée avec sept autres personnes à répondre à une question : est-ce que les contribuables québécois en ont pour leur argent? Comme le format de l’émission rend difficile la possibilité d'aller au fond de sa pensée (1 heure, 8 invités, 1 animatrice et quelques incursions dans le merveilleux monde des réseaux sociaux) et que je n’ai souvent pas pu me prononcer même si j’essayais de mon mieux d’attirer l’attention de l’animatrice, j’utiliserai cet espace pour répliquer à certaines affirmations entendues durant les échanges.

Éloge de la gratuité

La situation budgétaire du Québec en inquiète plus d’un (comme il est possible de le voir iciici et ici). Les Québécois-e-s, au travers leur État et leurs institutions publiques, vivraient bien au-dessus de leurs moyens, et ce, depuis fort longtemps. En conséquence il faudrait augmenter les tarifs exigés des utilisateurs des services publics. C’est exactement ce principe qu’a suivi Mme Marois il y a quelques semaines en annonçant une augmentation des tarifs des services de garde, ceux-ci devant passer de 7$ par jour à 9$.

Ce principe, que l’on nomme souvent « l’utilisateur-payeur », repose sur une idée toute simple voulant qu’il n’existe pas une telle chose qu’un service public gratuit, quelqu’un quelque part devant payer la facture (pour les infrastructures, les salaires, l’administration, etc.). Il serait donc injuste d’imposer le paiement de ce coût à l’ensemble de la population.

De Wal-Mart à Denis Coderre : la privatisation tranquille

L’idée selon laquelle il faut diminuer l’emprise de l’État sur nos vies et notre économie est sans doute un des lieux communs les plus persistants de la pensée néolibérale. Cette position s’appuie sur la croyance que l’État brime les libertés individuelles et l’initiative privée (on trouve un exemple de ce point de vue ici), en plus de nuire à la compétitivité des entreprises (ce point de vue est exprimé ici) en mettant d’innombrables obstacles sur le chemin de la croissance de leur profit (taxes, impôt, réglementations environnementales, normes du travail, etc.).

Sans nier l’importance des pouvoirs publics dans les sociétés actuelles, on se demande tout de même si cet acharnement contre la supposée toute-puissance de l’État ne nous empêche pas de voir l’extraordinaire emprise qu’ont en revanche les grandes entreprises sur nos vies, sur l’économie et sur nos gouvernements.