L’austérité ou la violence budgétaire

9624991264_c87b3c824c_nDepuis la crise de 2008, l’austérité budgétaire a durablement pris racine. Tous les prétextes sont bons pour y avoir recours, que ce soit la lutte au déficit, à l’endettement public ou encore pour affronter les « privilèges » des employé.e.s de l’État. Dans chacun de ces cas, l’austérité se présente comme étant inévitable, incontournable. Bien entendu, la réalité est bien plus complexe et une compréhension juste de la conjoncture budgétaire de nombreux États ne peut se contenter de cette austère idée. Pourtant, il semble pertinent de comprendre les dynamiques en cours comme venant renforcir le virage autoritaire que connait notre « démocratie ».

Le gras fait de mauvaises chansons

Vous rappelez-vous du refrain de la chanson libérale la plus populaire de l’été dernier?

Ça allait comme suit : « Les coupures n’affecteront pas les services offerts à la population. On va couper dans le gras ».

Diffusée à travers la province par un appareil suffisamment puissant, sa mélodie devait couvrir le bruit de la scie à chaine que le gouvernement utilisait pour amputer les services publics. Depuis, elle est sortie du palmarès, ou du moins, le gouvernement ne se donne même plus la peine de la chanter… Comme elle servait de justification aux compressions annoncées dans le budget de juin dernier, il est peut-être intéressant de la syntoniser de nouveau pour voir si son air est encore au goût du jour.

L’austérité ou la démocratie confisquée

L’austérité est sur toutes les lèvres au Québec depuis le retour au pouvoir des Libéraux en avril 2014. Le climat politique qui règne chez nous fait écho à la « crise budgétaire » qui affecte l’Europe depuis la crise financière et économique en 2008.

Pourtant, des deux côtés de l’Atlantique l’austérité budgétaire n’est pas une simple réaction à la crise économique. Malgré l’ampleur qu’a pris la politique de l’austérité depuis sept ans, l’obsession pour l’équilibre budgétaire est apparue bien avant que n’éclate la bulle des subprimes et qu’elle n’emporte avec elle l’économie mondiale. L’austérité est simplement la forme que prend aujourd’hui l’enjeu de l’équilibre des finances publiques.

Bye Bye : deux remarques

À chaque Bye Bye sa marée de commentaires. Pas vraiment une critique au sens fort du terme, mais un série de « j’aime » ou « j’aime pas ». « Trop télé » nous dit  Le Devoir. « Au contraire, trop politique » nous dit le Métro. Eh bien. Mais, par delà des goûts et des couleurs, que nous dit le Bye Bye sur nous? Sur l’état de l’idéologie au Québec? Probablement beaucoup de choses – notamment sur notre rapport au poids et au poil facial des femmes –, mais je me contenterai de deux remarques.

Les assistés sociaux

Une étude conjointe du Center for Effective Government et de l’Institute for Policy Studies publiée hier révèle que le montant versé aux PDG de 7 des 30 plus grandes corporations américaines est plus élevé que celui qu’elles ont payé en impôt fédéral en 2013. Malgré des profits avant impôt de 74 milliards de dollars, elles ont reçu un remboursement global de 1,9 milliard de la part du Internal Revenue Service (IRS, l’équivalent de notre agence du revenu). Sur les 100 PDG les mieux payés aux États-Unis, 29 ont en outre touché une rémunération supérieure à ce que leur entreprise a versé au fisc l’année dernière. L’étude souligne aussi que les entreprises où travaillent ces fortunés dirigeants exploitent globalement 237 filiales dans des paradis fiscaux.

La politique selon Martin Coiteux

Dans le cadre d’un portrait de l’actuel président du Conseil du Trésor, Martin Coiteux, un journaliste m’a demandé mon opinion au sujet de ce monsieur. N’ayant croisé la personne qu’à une ou deux reprises dans ma vie et ne l’ayant lu que quelques fois dans les journaux, j’étais bien incapable de fournir une opinion informée à son sujet. Fait rare, le journaliste en question avait du temps devant lui, j’ai donc pu prendre quelques jours pour parcourir environ deux cent pages de ses écrits : surtout des textes publiés dans La Presse, mais également des rapports de recherche et quelques articles scientifiques.

Comment vont les riches?

Depuis la fin de la crise, le gouvernement n’a cessé de nous dire qu’il faut se serrer la ceinture. Tout le monde doit mettre l’épaule à la roue pour sortir le gouvernement du déficit dans lequel il s’est embourbé.

La stratégie du gouvernement est simple : compresser la croissance des dépenses de l’État. À première vue ça n’a pas l’air trop méchant, réduire la croissance des dépenses : elles continuent quand même d’augmenter. Or, comme le gouvernement doit maintenir une croissance rapide de ses dépenses en santé, notamment à cause du salaire des médecins et du coût des médicaments, réduire la croissance des dépenses globales signifie des coupures de postes et de services dans plusieurs ministères.

Pour l’instant, cette stratégie n’a pas donné des résultats très excitants, que ce soit pour la croissance, l’emploi ou l’équilibre budgétaire. Le Québec – comme plusieurs pays dans le monde – vit une période économique plutôt morose.

Morose? Peut-être pas pour tout le monde. 

Nuisibles ballounes

Les gouvernements aiment tester leurs idées. Pour le faire, ils envoient dans l’espace public ce qui a été baptisé des «ballons-sondes» par les médias. Les ballons sont des idées de politiques publiques, pas encore ficelées qu’on propulse – par une fuite ou par une mention lors d’une entrevue – dans l’oreille de la population pour tenter de mesurer sa réaction. On comprend l’idée : les politiques et les gens qui les entourent veulent savoir s’ils auront à affronter ou non l’opinion publique sur un enjeu.

Le Saint Graal

Il ne passe presque plus une journée sans que l’on nous rappelle combien l’économie est dans un piètre état. La semaine dernière c’était au tour de l’ONU de s’inquiéter de la lenteur avec laquelle l’économie mondiale et surtout les pays occidentaux retrouve le chemin de la croissance. Dans un rapport de la Conférence de l’ONU sur le commerce et le développement, l’organisation internationale enjoint les gouvernements d’adopter des mesures pour favoriser la demande (la consommation) et l’activité productive (les investissements des entreprises) et non d’alimenter des bulles spéculatives en favorisant la liquidité sur les marchés financiers. Les conséquences sociales de la morosité actuelle, tel que la hausse inquiétante du chômage de longue durée en Europe, expliquent cette « nostalgie de la croissance ». Les signes d’une reprise économique se font aussi rares au Québec. Tout indique en fait que nous traversons une période de stagnation économique, que viennent renforcer les politiques d’austérité du gouvernement provincial. Ceci se reflète par exemple dans la situation de l’emploi, qui est au beau fixe depuis 2012.

Et les revenus dans tout ça?

Depuis son élection, le Premier ministre Couillard fait tout pour éviter d’utiliser publiquement les termes austérité et coupures. Il préfère parler de « changements budgétaires ». Dans la réalité, nous nous doutons bien que les résultats risquent d’être pas mal les mêmes. Nous avons déjà écrit un billet de blogue sur les effets des politiques d’austérité déjà annoncées sur la vie du commun des mortels au Québec. Comme notre premier ministre, nous ne sommes évidemment pas contre la lutte au gaspillage des fonds publics. Cependant, considérant que depuis le début de la quête de l’atteinte du déficit zéro, l’exercice budgétaire se rapproche davantage à un acharnement à réduire la taille de l’État plutôt qu’à une réelle volonté d’améliorer l’accessibilité et le fonctionnement des services, il faut peut-être se demander si les coupures budgétaires n’ont pas plutôt nui à l’économie au lieu de la favoriser.