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Et les revenus dans tout ça?

9 septembre 2014

  • Bertrand Schepper

Depuis son élection, le Premier ministre Couillard fait tout pour éviter d’utiliser publiquement les termes austérité et coupures. Il préfère parler de « changements budgétaires ». Dans la réalité, nous nous doutons bien que les résultats risquent d’être pas mal les mêmes. Nous avons déjà écrit un billet de blogue sur les effets des politiques d’austérité déjà annoncées sur la vie du commun des mortels au Québec. Comme notre premier ministre, nous ne sommes évidemment pas contre la lutte au gaspillage des fonds publics. Cependant, considérant que depuis le début de la quête de l’atteinte du déficit zéro, l’exercice budgétaire se rapproche davantage à un acharnement à réduire la taille de l’État plutôt qu’à une réelle volonté d’améliorer l’accessibilité et le fonctionnement des services, il faut peut-être se demander si les coupures budgétaires n’ont pas plutôt nui à l’économie au lieu de la favoriser.

Il devient de plus en plus évident que l’austérité ne participe pas à une relance de l’économie. Même qu’une récente étude des économistes du Fonds monétaire international (FMI), que l’on ne peut pas qualifier de marxistes-léninistes convaincus, questionne ce type d’action. Un résumé de l’étude est disponible ici. Comme le résume bien Goetzmann, professeur en finance à Yale :

« La politique de l’austérité revient à considérer que la pluie se met à tomber lorsqu’on ouvre son parapluie, ce qui pose un problème de cause et de conséquence. Cela paraît absurde, mais pas plus que la notion de politique d’austérité telle qu’elle appliquée aujourd’hui. Ce qui est assez incroyable, c’est que cette théorie n’a plus aucun sens, qu’elle est décriée partout, mais qu’elle est toujours la base de la politique européenne. Et tout cela avec le sourire, la conscience du travail bien fait et une certaine moralité retrouvée. »

En période de crise, les États ne doivent donc pas travailler activement à couper des services pour payer la dette, mais plutôt travailler à relancer l’économie, puisque moins de croissance veut aussi dire moins de revenus au total, donc une plus grande dette à services constants. De manière contraire, une relance via l’emprunt public ou non, implique une plus grande entrée d’argent pour le gouvernement et possiblement une plus grande facilité à gérer un budget gouvernemental. La véritable question qui se pose alors est la suivante: comment relancer l’économie et aller chercher plus de revenus?

Devant cette interrogation, les divers gouvernements du Québec reviennent toujours à la charge avec les mêmes types de projets extractivistes, tels que le Plan Nord ou l’extraction d’hydrocarbures. Or, bien que génératrices de revenus à court terme, ces industries sont souvent très liées au prix de la ressource, ce qui les rend instables. Ils sont donc des vecteurs de développements régionaux peu prometteurs, à faible revenus réels sur le long terme. De plus, ils demandent d’importants investissements gouvernementaux et sont souvent très polluants.

Autre problème en termes de politique industrielle : bien que le Québec fasse bonne figure sur le plan de la progression de la productivité entre 1997 et 2012 dans certains secteurs tels que le secteur financier et les services d’utilité publique (fournisseurs de service comme l’électricité), d’autres domaines considérés comme des secteurs à haut rendement ont connu des baisses importantes. Ainsi le secteur de la construction a connu des baisses de productivité de 4,15 %. Le secteur des services professionnels et scientifiques qui, par le passé, faisait rayonner le Québec a connu une progression, somme toute modeste de 3,5 % alors que l’Ontario a observé une hausse de 20%. Ces statistiques, disponibles ici, sont loin de tout expliquer, mais suggèrent un problème dans la structure des politiques industrielles du Québec.

De plus, le gouvernement en période d’austérité continue de miner ses revenus en diminuant dans son budget l’impôt de divers types d’entreprises, alors que l’on ne trouve aucun lien empirique entre la baisse d’impôt des corporations et les investissements privés.

Investissement non résidentiel privé et taux effectif sur les revenus d’entreprise 1981-2012

Graph8sept

Malgré ces données, le gouvernement Couillard fait le choix idéologique de créer des commissions où leurs responsables seront invité.e.s à grands frais (ils feront dorénavant partie du 1%) pour répéter le même sermon en faveur de compressions budgétaires. Notons au passage que ces politiques échouent partout en Europe causant leur lot d’inégalités et de crises politiques. Ne devrions-nous pas, en tant que société, regarder la colonne des revenus et chercher à renouveler l’arborescence des politiques industrielles (qui doit sortir de la simple subvention aux PME) afin d’abandonner une fois pour toutes les vieux discours économiques et nous préparer à mieux supporter les défis à venir?

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