Précarité des jeunes : la faute aux vieux ?

Dans une étude publiée ce mardi, le Conference Board du Canada conclut que « les jeunes travailleurs sont les grands perdants de la montée des inégalités entre les générations depuis 30 ans. » « Le revenu disponible des Canadiens âgés de 50 à 54 ans », montre l’étude, « est aujourd'hui supérieur de 64 % à celui des 25 à 29 ans contre 47 % au milieu des années 1980. » « L’âge plutôt que le sexe est en train de créer un nouveau clivage dans notre société », poursuivent les auteurs de l’étude.

À première vue, ses résultats semblent confirmer la thèse selon laquelle il existe une iniquité intergénérationnelle dans la société canadienne. C’est cette thèse que mettait de l’avant un regroupement de jeunes employés de la Société Radio-Canada la semaine dernière pour dénoncer la précarité de leur situation :

« Deux castes finissent par émerger. Les employés permanents qui se sont battus pour obtenir leurs droits, certes. Et moi, nous, les précaires, leurs enfants, encore et toujours sur le bord de la route.

Je ne suis pas seul dans cette galère. Fonction publique, éducation, santé… les rouages du transfert de génération se grippent, le mal-emploi ronge la jeunesse québécoise. L'attrition et les gels d'embauche forment notre horizon. »

Quand la négociation va, tout va. Sinon…

Les riches s’enrichissent plus vite que le reste de la population ce qui explique l’écart croissant entre les plus riches et les plus pauvres. Ça, on le sait. Des études nous démontrent le fossé encore et encore. Mais pourquoi s’enrichissent-ils aux dépens des autres? La dernière étude de l’IRIS, réalisée par le chercheur-associé Paul-André Lapointe, offre des éléments de réponse. En gros, l’affaiblissement des syndicats a mené à une perte du pouvoir de négociation des travailleuses et des travailleurs, limitant leur capacité à profiter des gains en productivité. Et si on n’arrive plus à avoir de rapport de force, on n’arrive plus non plus à négocier des conditions de travail avantageuses ou qui permettent que les revenus suivent les gains en productivité.

Piqués par Piketty

Décidément, les thèses de l’économiste français Thomas Piketty dans son livre à succès Le capital au XXIe siècle dérangent bien des gens. Plus fondamentalement, ce sont ses recommandations préconisant de taxer davantage la richesse qui agacent. Après le Financial Times britannique qui s’est appliqué à relever des erreurs de calcul dans une œuvre que tous acclament comme une contribution importante en matière de documentation sur les fortunes, et dont les bases de données servent désormais à l’OCDE, voici qu’une nouvelle offensive se déploie dans les médias pour semer le doute dans les esprits. Après le professeur Herbert Grubel, fellow de l’Institut Fraser, (La Presse du 21 juin), c’est au tour du professeur Pierre Chaigneau, chercheur associé à l’Institut économique de Montréal (Le Devoir du 18 juillet) d’y aller de ses critiques.

Contrairement à Piketty, dont l’une des thèses principales est que la richesse se concentre chez les déjà-riches parce que le taux de rendement du capital est systématiquement supérieur au taux de croissance de l’économie, les auteurs évoquent toutes sortes de phénomènes.

Walmart : entre deux fermetures abusives, une bonne nouvelle?

Le 2 février 2005, le Walmart de Jonquière fermait ses portes. Pas assez lucratif ont dit ses propriétaires. Éviter une convention collective? Mais non, ce n’est qu’un hasard que le magasin ferme tout juste après qu’un arbitre soit nommé par le gouvernement à la suite de négociations infructueuses. Et de toute manière, une entreprise peut bien fermer pour les raisons qu’elle veut, quand elle le veut et n’a pas à se justifier. C’est même la Cour suprême qui l’a dit!

Eh bien c’est plus compliqué que ça. Dans la loi québécoise, les entreprises ne peuvent changer unilatéralement les conditions de travail entre la période d’accréditation du syndicat (la reconnaissance que celui-ci représente maintenant les employé·e·s) et la signature de la première convention collective. Mettre à la porte l’ensemble de la force de travail, voilà qui est radicalement changer les conditions de travail…  Et encore une fois, c’est la Cour suprême qui l'a dit

La Fête de la St-Jean : c’est le temps de fêter la richesse de nos différences…

Aujourd’hui, c’est le temps de mettre de côté nos différences politiques, d’origine, de statut social et d’être tous des Québécois.e.s. Cependant, demain matin, le retour à la réalité risque d’être plus accentué pour certain.e.s que pour d’autres. Alors que les revenus d’emploi sont relativement égaux pour les francophones, les anglophones et les allophones, pour les autochtones et les immigrant.e.s de première génération qui travaillent, la différence importante de revenus se vit quotidiennement.

Bonne fête aux pères (présents)

Hier c’était la fête des pères. Ceux et celles qui me connaissent bien (ou me lisent régulièrement) savent que je déteste l’expression « bon père de famille », surtout quand on parle de gouvernement. Je veux bien que cela réfère à une expression juridique, mais celle-ci est démodée et renforce une image de paternité limitée et réductrice. Contrairement à ce que certains sites web semblent prétendre, il n’y a pas qu’une seule manière d’être père, soit d’être un homme stéréotypé, conjoint d’une femme stéréotypée. Les familles sont plutôt de diverses formes, les pères tenant des rôles différents selon les cas.

La productivité au Québec : choisir les données

Jérôme Lussier, a récemment publié sur le blogue politique de L'actualité une critique de l’étude qu’Eve-Lyne Couturier et moi avons réalisée début mai « Productivité : Le Québec est-il en retard ?». Ce texte m’est apparu comme un bon prétexte de préciser certains aspects de notre pensée. Voici donc une réponse à son billet.

Quoique le travail de discussion et de questionnement critique soit souvent une bonne occasion de faire progresser le débat, celui-ci, pour être utile, doit faire montre d’au moins trois éléments : (1) Une certaine compréhension du propos; (2) une bonne lecture de ce qui est critiqué; et (3) dégager des éléments positifs afin de projeter l’analyse vers l’avant. Malheureusement, la critique de Lussier est assez pauvre à ces trois niveaux.

Le retard de productivité du Québec : une fiction

Le Québec aurait un problème de productivité. C’est ce qu’on nous raconte sans cesse, reprochant aux travailleurs et aux travailleuses de ne pas mettre l’effort nécessaire pour combler l’écart qui nous sépare de nos si dynamiques voisins ontariens. Devant cet énoncé mille fois répété comme vérité, nous avons décidé de nous pencher sur la question, de voir de quoi il en retourne réellement. La note publiée aujourd’hui permet de voir que la situation au Québec est beaucoup plus positive qu’on essaie de nous le faire croire.

D’abord, il est important de rappeler ce qu’est la productivité. Pour la calculer, on utilise généralement la valeur de ce qui est produit (par exemple, le PIB) que l’on divise par une unité de travail (par exemple, les heures travaillées). Ce ratio dépend de plus que la simple volonté des personnes qui effectuent le travail. Les investissements technologiques ou les modifications dans l’organisation du travail peuvent avoir un effet encore plus important.

Le coût de la pauvreté au Québec : 17 milliards de $

Presque tous les jours, à mon bureau, je me sens un moment  frustré et impuissant. À cet instant, c’est comme si je me trouvais au bord d’un gouffre en compagnie de mon patient, contemplant la maladie au fond du précipice et la santé, de l’autre côté. Et nous ne parvenons pas, lui et moi, à bâtir cette passerelle qui nous permettrait de traverser. Nous savons à quoi elle ressemblerait, mais nous n’avons pas les matériaux requis pour la construire.

Ce gouffre, je l’ai contemplé avec Fatima, une mère monoparentale avec deux enfants d’âge scolaire, qui travaille à plein temps chez Tim Hortons, au salaire minimum, c’est-à-dire 10,15 $ l’heure. Fatima souffre de maux de dos et d’arthrite. Elle arrive tout juste à payer son loyer. Elle n’a pas le temps de voir un chiropraticien ni de faire de l’exercice. Elle n’a pas les moyens de s’acheter des médicaments antidouleur. Souvent, elle peine à nourrir sa famille à la fin du mois, se privant pour que ses enfants mangent à leur faim.

The Economist et Frankenstein

The Economist présentait récemment en première page une série de robots en train de vaquer aux occupations les plus diverses : transporter des marchandises, s’occuper des personnes âgées, des enfants, des plantes, etc. Le texte qui accompagne cette proposition futuriste nous promet que ces grandes avancées serviront aux consommateurs et consommatrices, mais se demande ce qu’il arrivera des travailleurs et travailleuses qui seront remplacés par des robots. Voilà une bien étonnante question lorsqu’on y pense un peu… c’est comme si le futur vivait constamment dans le passé.

Politiques industrielles : le Québec doit-il imiter le Canada?

Alors qu’une guerre de chiffres fait rage sur le nombre d’emplois créés ou perdus dans la présente campagne électorale québécoise, il me semble important de se questionner sur les grandes tendances en termes de politiques industrielles au Québec et au Canada. On considère généralement qu’une politique industrielle est l’ensemble des interventions économiques déployées sur plusieurs années par un État dans le but d’épauler certaines industries plutôt que d'autres pour créer de l’emploi et de la « richesse ».

Au Canada, cette politique est plutôt claire. Alors que par le passé, le secteur manufacturier était le fer de lance de l’économie canadienne, le Canada semble avoir changé son fusil d’épaule pour encourager l’extraction massive de ressources naturelles, principalement du pétrole. Les subventions de 1,47 G$ entre 2006 et 2011 ainsi que les dépenses de 22 M$ pour promouvoir le pétrole des sables bitumineux aux États-Unis reflètent la volonté de l’État fédéral sur le sujet.