La productivité au Québec : choisir les données

Jérôme Lussier, a récemment publié sur le blogue politique de L'actualité une critique de l’étude qu’Eve-Lyne Couturier et moi avons réalisée début mai « Productivité : Le Québec est-il en retard ?». Ce texte m’est apparu comme un bon prétexte de préciser certains aspects de notre pensée. Voici donc une réponse à son billet.

Quoique le travail de discussion et de questionnement critique soit souvent une bonne occasion de faire progresser le débat, celui-ci, pour être utile, doit faire montre d’au moins trois éléments : (1) Une certaine compréhension du propos; (2) une bonne lecture de ce qui est critiqué; et (3) dégager des éléments positifs afin de projeter l’analyse vers l’avant. Malheureusement, la critique de Lussier est assez pauvre à ces trois niveaux.

Le retard de productivité du Québec : une fiction

Le Québec aurait un problème de productivité. C’est ce qu’on nous raconte sans cesse, reprochant aux travailleurs et aux travailleuses de ne pas mettre l’effort nécessaire pour combler l’écart qui nous sépare de nos si dynamiques voisins ontariens. Devant cet énoncé mille fois répété comme vérité, nous avons décidé de nous pencher sur la question, de voir de quoi il en retourne réellement. La note publiée aujourd’hui permet de voir que la situation au Québec est beaucoup plus positive qu’on essaie de nous le faire croire.

D’abord, il est important de rappeler ce qu’est la productivité. Pour la calculer, on utilise généralement la valeur de ce qui est produit (par exemple, le PIB) que l’on divise par une unité de travail (par exemple, les heures travaillées). Ce ratio dépend de plus que la simple volonté des personnes qui effectuent le travail. Les investissements technologiques ou les modifications dans l’organisation du travail peuvent avoir un effet encore plus important.

Le coût de la pauvreté au Québec : 17 milliards de $

Presque tous les jours, à mon bureau, je me sens un moment  frustré et impuissant. À cet instant, c’est comme si je me trouvais au bord d’un gouffre en compagnie de mon patient, contemplant la maladie au fond du précipice et la santé, de l’autre côté. Et nous ne parvenons pas, lui et moi, à bâtir cette passerelle qui nous permettrait de traverser. Nous savons à quoi elle ressemblerait, mais nous n’avons pas les matériaux requis pour la construire.

Ce gouffre, je l’ai contemplé avec Fatima, une mère monoparentale avec deux enfants d’âge scolaire, qui travaille à plein temps chez Tim Hortons, au salaire minimum, c’est-à-dire 10,15 $ l’heure. Fatima souffre de maux de dos et d’arthrite. Elle arrive tout juste à payer son loyer. Elle n’a pas le temps de voir un chiropraticien ni de faire de l’exercice. Elle n’a pas les moyens de s’acheter des médicaments antidouleur. Souvent, elle peine à nourrir sa famille à la fin du mois, se privant pour que ses enfants mangent à leur faim.

The Economist et Frankenstein

The Economist présentait récemment en première page une série de robots en train de vaquer aux occupations les plus diverses : transporter des marchandises, s’occuper des personnes âgées, des enfants, des plantes, etc. Le texte qui accompagne cette proposition futuriste nous promet que ces grandes avancées serviront aux consommateurs et consommatrices, mais se demande ce qu’il arrivera des travailleurs et travailleuses qui seront remplacés par des robots. Voilà une bien étonnante question lorsqu’on y pense un peu… c’est comme si le futur vivait constamment dans le passé.

Politiques industrielles : le Québec doit-il imiter le Canada?

Alors qu’une guerre de chiffres fait rage sur le nombre d’emplois créés ou perdus dans la présente campagne électorale québécoise, il me semble important de se questionner sur les grandes tendances en termes de politiques industrielles au Québec et au Canada. On considère généralement qu’une politique industrielle est l’ensemble des interventions économiques déployées sur plusieurs années par un État dans le but d’épauler certaines industries plutôt que d'autres pour créer de l’emploi et de la « richesse ».

Au Canada, cette politique est plutôt claire. Alors que par le passé, le secteur manufacturier était le fer de lance de l’économie canadienne, le Canada semble avoir changé son fusil d’épaule pour encourager l’extraction massive de ressources naturelles, principalement du pétrole. Les subventions de 1,47 G$ entre 2006 et 2011 ainsi que les dépenses de 22 M$ pour promouvoir le pétrole des sables bitumineux aux États-Unis reflètent la volonté de l’État fédéral sur le sujet. 

L’illusion gestionnaire

Lors du premier débat des chefs le 20 mars dernier, le chef de la Coalition Avenir Québec a demandé à plusieurs reprises à son vis-à-vis libéral Philippe Couillard combien d’emplois celui-ci avait créé au cours de sa carrière. En adressant cette question à son adversaire, François Legault a voulu mettre de l’avant le fait qu’il avait pour sa part fondé et dirigé une entreprise d’envergure internationale avant de faire le saut en politique. Il laissait ainsi entendre que, en sa qualité d’ancien dirigeant d’entreprise, seul lui serait en mesure de créer des emplois s’il était porté au pouvoir.

Derrière cet échange réside un présupposé quant à la piètre situation de l’emploi au Québec qui a été largement discutée et qu’une analyse rigoureuse des données de Statistique Canada nous permet de modérer. L’économie stagne et donc la création d’emplois également. Cependant, on est loin de la catastrophe dont la CAQ et le PLQ parlent constamment pour discréditer le Parti Québécois.

Pourquoi il ne faut pas se fier aux chiffres sur l’emploi que vous lisez dans les médias

Pendant cette campagne électorale qui s’amorce le mot « emploi » prend beaucoup de place. D’abord on nous parle du chômage et du bilan du Parti québécois en matière de création d’emplois. Le débat a commencé avant la campagne, mais prend une nouvelle ampleur depuis. Je vais tenter de montrer ici à quel point on ne comprend à peu près rien des chiffres sur l’emploi dans les médias et comment cette mauvaise compréhension nuit au débat public.

Le Québec aurait perdu 26 000 emplois en février, la nouvelle est tombée comme une bombe ébréchant au passage le bilan de Mme Marois. On connaît la chanson, l’opposition accuse et le gouvernement minimise. Devant ces désaccords sur l’emploi qui durent depuis des mois, la première question qu’on peut se poser est : les données sur lesquelles se fonde la discussion sont-elles fiables?

Adieux à la classe moyenne

Depuis que Justin Trudeau est à la tête du Parti Libéral du Canada, il n’a cessé de se dépeindre en fervent défenseur de la classe moyenne. Une stratégie qui, d’un point de vue électoral, pourrait être payante si l’on considère qu’une grande majorité de gens est susceptible de s’identifier à cette catégorie. Mais si plusieurs se montrent préoccupés par le sort de la classe moyenne, c’est que les familles canadiennes gagnant des revenus moyens se trouvent dans une situation financière précaire.

C’est du moins la conclusion qui se dégage d’une étude interne du ministère fédéral de l’Emploi révélée par La Presse canadienne il y a quelques jours. Entre 1993 et 2007, le revenu après impôt des familles qui ont un revenu moyen (compris entre 75% et 150% du revenu médian) a cru d’environ 3,6% par année, tandis que leurs gains (revenus du marché du travail avant impôt) n’ont augmenté qu’au rythme de 1,7% par année. Le poids de leur endettement par rapport à leur revenu a aussi cru d’environ 20% entre 1999 et 2005.

Un mois des Noirs au Québec, mais pourquoi?

Février, nous le connaissons comme le mois le plus court, celui de la St-Valentin et, cette année, celui des Olympiques. Nous oublions par contre que c'est aussi le mois de l'histoire des Noirs. La raison d'être de ce mois est entre autres de préserver le devoir de mémoire du passé et de célébrer l'apport de la culture afro-américaine à nos sociétés. Mais pourquoi est-ce pertinent de souligner l’histoire des Noirs au Québec et en 2014? Nous ne sommes pas les États-Unis avec ses grandes plantations de coton et l'héritage esclavagiste qui en découle. Nous sommes une province qui donne une chance égale à tous et toutes peu importe leur origine. Et si nous prenions le temps, aux côtés de nos concitoyen.ne.s noir.e.s qui commémorent la mémoire de leur lutte et de leur héritage culturel, de voir quelle place le Québec actuel et passé leur offre? Et si nous n'étions pas si différents des États-Unis, mais juste un peu moins pire?

L’exploitation goûte meilleure quand on l’aime

Êtes-vous de ceux ou celles dont le travail est également la passion? Seriez-vous prêt·e·s à accepter une réduction de salaire simplement pour le plaisir de conserver l’emploi que vous avez actuellement, avec les collègues que vous avez présentement? Selon un sondage mené par la firme de recrutement Monster l’an dernier, ce sont ceux et celles qui gagnent le plus cher qui se retrouvent le plus dans cette catégorie. Il ne faut pas s’en étonner. Les salaires élevés sont souvent le lot de travail que l’on choisit de son plein gré, qui vient avec des responsabilités, de l’influence et de la reconnaissance. Par contre, pour la grande majorité des travailleurs et travailleuses, le travail est plutôt une corvée rémunérée, avec trop souvent peu de chance d’avancement et encore moins de pouvoir sur les orientations de la boîte ou la manière de faire les choses.

La pauvreté alimentaire: l’autre visage des inégalités

Ces dernières années, la question de savoir si les écarts de richesse dans la population québécoise s’accentuent ou s’amenuisent fait à la fois les manchettes et, surtout, fait débat. Toutefois, lors de ces débats, les différentes positions limitent leur réponse aux revenus. L’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal a publié un rapport il y a quelques années qui apportait un tout autre regard face aux inégalités de revenus. Dans ce rapport, l’évolution de l’espérance de vie entre des quartiers riches et d’autres plus défavorisés de Montréal est analysée. L’espérance de vie a augmenté pour tous et donc, l’écart d’espérance de vie entre les riches et les pauvres est demeuré stable. Cependant, cette stabilité n’est pas très réjouissante, on parle d’une différence de 11 ans d’espérance de vie entre certains quartiers. Il y a donc des impacts beaucoup plus larges et importants que le simple fait d’une inégalité des revenus, lorsque l’on parle d'écart de richesse. On pourrait réduire le débat en disant que la pauvreté est moins pire ici qu’ailleurs, ou encore qu’il y a une culture de la malbouffe qui serait le corolaire de la précarité. Et si la bonne nutrition était plus un problème systémique qu’une question de choix personnel ou culturel? Ce qui expliquerait en partie l’écart de l’espérance de vie entre les riches et les pauvres.