De Wal-Mart à Denis Coderre : la privatisation tranquille

L’idée selon laquelle il faut diminuer l’emprise de l’État sur nos vies et notre économie est sans doute un des lieux communs les plus persistants de la pensée néolibérale. Cette position s’appuie sur la croyance que l’État brime les libertés individuelles et l’initiative privée (on trouve un exemple de ce point de vue ici), en plus de nuire à la compétitivité des entreprises (ce point de vue est exprimé ici) en mettant d’innombrables obstacles sur le chemin de la croissance de leur profit (taxes, impôt, réglementations environnementales, normes du travail, etc.).

Sans nier l’importance des pouvoirs publics dans les sociétés actuelles, on se demande tout de même si cet acharnement contre la supposée toute-puissance de l’État ne nous empêche pas de voir l’extraordinaire emprise qu’ont en revanche les grandes entreprises sur nos vies, sur l’économie et sur nos gouvernements.

Le Québec doit améliorer sa productivité, vraiment?

Plusieurs commentateurs s’inquiètent souvent de la trop faible productivité de l’économie québécoise, une meilleure productivité étant supposée générer ou maintenir des emplois de qualité et améliorer la rémunération de tout le monde. Cependant, la réalité n’est pas si simple, les gains de productivité ne se sont pas traduits en une augmentation équivalente de la rémunération des salarié.es québécois.es.

Entre 1981 et 2010, la richesse produite au Québec par heure travaillée a augmenté de 30%. C’est une progression considérable et on aurait pu s’attendre à une évolution comparable de la rémunération des travailleuses et travailleurs de la province. Mais ce n’est pas le cas. La rémunération totale n’a augmenté que de 15 % pour la même période. Concrètement, l’écart entre l’évolution des gains de productivité et celle de la rémunération des salarié.es équivaut à un peu plus de 3 $ l’heure, soit environ 6000 $ par année.

Libre-échange avec l’Europe : des médicaments plus chers

En début de semaine, j’écrivais sur le peu d’attention donnée à l’Accord de libre-échange que le Canada a signé avec l’Union européenne et qui attend sa ratification. Une étude publiée aujourd’hui par nos collègues du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) montre comment cet accord mènera à une hausse du coût des médicaments.

Même si les négociations ont été tenues en secret et que le texte de l’accord demeure inaccessible aux citoyennes et citoyens, certains éléments ont filtré. Ainsi, nous savons qu’il :

La solidarité à 20$

Agnès Maltais nous apprenait aujourd’hui que les prestations d’aide sociale seront augmentées de 20$ par mois pour les personnes seules et bonifié par la suite jusqu’à un supplément de 50$ en 2017. Associée à cette mesure, la ministre annonçait également une nouvelle conception de l’aide et du soutien aux personnes qui se retrouvent sur l’assistance économique de dernier recours. Fini la lutte à la pauvreté. Maintenant, la solidarité, elle est durable.

Dans les faits, qu’aura comme effet la hausse annoncée? Est-ce qu’elle aidera vraiment la situation des personnes qui touchent ces prestations? D’abord, rappelons que les montants reçus de l’aide sociale sont déjà très bas, bien en dessous du seuil de faible revenu pour une personne seule. Entre 2006 et 2009, on a cru pertinent de ne pas indexer complètement les prestations au coût de la vie. Résultat? Les plus pauvres sont encore plus pauvres et un rattrapage est nécessaire. Ainsi, le 20$ de plus qui sera versé aux prestataires, s’il augmente leurs revenus, ne sera même pas suffisant pour les ramener à ce que ces personnes obtenaient en 2006. Et les sommes demeurent bien en-deçà du seuil de faible revenu. En fait, les deux premières années de ce “réinvestissement” ne couvrent même pas les compressions de 19 M$ réalisées par le gouvernement péquiste.

Panne globale de David McNally : petit cours d’autodéfense contre le capitalisme et le néolibéralisme

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Si bien des gens voient dans l’économie une science obscure et un domaine réservé aux expert.e.s, c’est en partie parce que le discours économique dominant cultive souvent l’incompréhension en se faisant hermétique et hyperspécialisé. Rendre les processus économiques intelligibles au plus grand nombre, dans le but éventuel de les transformer, est une tâche à laquelle s’attèle cependant contre vents et marées d’irréductibles Gaulois.e.s de la pensée. Avec son essai Global Slump, dont la traduction française vient de paraître aux éditions Écosociété et qui sera lancée ce vendredi à Montréal, David McNally, professeur de science politique à l’Université York, participe admirablement à cet effort.

Dans Panne globale, McNally analyse la crise financière de 2008 comme un nouvel épisode de la « période d’expansion néolibérale » du capitalisme. Le néolibéralisme désigne la stratégie déployée depuis quarante ans par les élites économiques et politiques afin de combattre le pouvoir acquis de chaudes luttes par les salarié.e.s et ainsi les déposséder des fruits de leur travail. À grand renfort d’exemples tirés aux quatre coins du globe, l’auteur montre que depuis les années 1970, la croissance de nos économies s’est faite aux dépens des travailleuses et des travailleurs des pays riches, et a été rendue possible par la création d’une main-d’œuvre précaire dans les pays de la périphérie – la Chine étant évidemment un pôle fondamental de cette nouvelle organisation de la production à l’échelle mondiale.

Sacrifier notre fromage pour nous protéger des Talibans?

En ces temps d’islamisation accélérée du Québec, on ne peut pas demander au gouvernement de tout faire. Bien entendu, dans un monde idéal, il s’inquièterait des conséquences de l’oléoduc à travers lequel Enbridge transportera du pétrole sale à travers le Québec et il cesserait aussi l’austérité budgétaire qui s’avère contre-productive tant d’un point de vue économique que des services à la population.

Mais, il faut savoir prioriser. C’est ainsi que le gouvernement s’est engagé dans la lutte aux signes religieux dans la fonction publique et que cette offensive occupe désormais une place prépondérante dans les débats de société.

Entreprises responsables : faire bien ou faire mieux?

Cet été, le Québec a vécu deux événements importants qui ont chaque fois soulevé la question de la responsabilité sociale des entreprises. D’abord, la tragédie de Lac-Mégantic a mis à jour les stratégies dangereuses mises en place par des compagnies ferroviaires pour économiser de l’argent. Ensuite, il y a eu la découverte de BPC entreposés illégalement à Pointe-Claire et le long silence de l’entreprise fautive à propos de ses activités réalisées dans l’ombre.

Drôle de hasard : le magazine L’Actualité publiait justement cet été un dossier spécial sur les entreprises canadiennes les plus responsables socialement. À partir du palmarès dressé par Sustainanlytics, on nous présentait l’ensemble des entreprises primées, avec une description qui mettait en lumière les critères particuliers qui ont permis à celles-ci de se distinguer des autres. Les entreprises impliquées dans les deux cas cités sont absentes de la liste. Au moins. Reste que plusieurs choix sont discutables.

Les effets de la déréglementation sur la tragédie de Lac-Mégantic

Alors que les gouvernements québécois et canadien se font une guerre politique sur qui et comment doivent être dédommagés les habitant.e.s de Lac-Mégantic et qu’un autre train contenant des matières dangereuses a déraillé en Alberta, le Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) dévoile aujourd'hui un rapport qui établit des liens entre la déréglementation du secteur ferroviaire et la tragédie de Lac-Mégantic. Le rapport est disponible ici.

Bien qu’il soit trop tôt pour dresser un bilan complet, le rapport a le mérite de poser plusieurs questions sur le rôle du gouvernement fédéral dans la déréglementation de l’industrie ferroviaire. 

Le Conseil des universités : Réforme managériale et soumission des universités à la concurrence internationale

Ces derniers mois, les annonces gouvernementales quant à l’enseignement supérieur se sont multipliées : lancement de la Politique nationale de la recherche et de l’innovation, dépôt du Rapport sur la loi-cadre des universités, dépôt du Rapport sur le Conseil national des universités, etc. Principalement issus des consultations menées durant le Sommet sur l’enseignement supérieur, ces dossiers doivent garder toute notre vigilance en raison de leur importance quant à l’orientation future de nos universités.

Dans des notes de recherche publiées aujourd'hui, l’IRIS arrête son regard sur le Rapport issu du chantier sur le Conseil national des universités (CNU) déposé par Claude Corbo en juin dernier et dont le mandat était d’élaborer une proposition de structure et de mandat du futur CNU. Dans la mesure où une annonce du ministre de l’enseignement supérieur est prévue cet automne à propos des suites à donner au Rapport ainsi que de l’encadrement législatif proposé, il est important d’y faire retour et d’en proposer une analyse complète.

Les données fiscales et le 1 % le plus riche

L'IRIS a publié le 1er octobre dernier une note socio-économique intitulée Les inégalités : le 1 % au Québec. Comme son titre l'indique, cette étude porte en premier lieu sur le «1 % le plus fortuné au Québec». Mais le 1 % de qui? De la population adulte, comme on pourrait le penser? Non! La note le mentionne d'ailleurs dès la page 2 : cette note parle des «déclarant·e·s de revenus», soit des personnes qui ont rempli une déclaration de revenus.

Lorsque l'on veut faire des comparaisons dans le temps avec n'importe quel type de données, il faut toujours se demander si la population visée par ces données est fixe dans le temps. Or celle-ci ne l'est pas… Veuillez noter que j'écris ce billet à la demande de Simon Tremblay-Pepin, un des auteur·e·s de la note, à qui j'ai fait part des conséquences de la variation importante dans la composition de la population étudiée dans les données fiscales entre 1982 et 2010. J'en profite pour le féliciter de son honnêteté intellectuelle.

Accéder à la propriété, mais à quel prix?

Tandis que les candidat.e.s à la mairie de Montréal semblent s’entendre pour soutenir l’accès à la propriété, le programme actuellement en place favorise la spéculation et le surendettement des ménages. C’est ce que révèle une note que mes collègues Louis Gaudreau et Minh Nguyen publie aujourd’hui. Ils montrent également que ces programmes pourraient avoir de fâcheuses conséquences pour les finances de la Ville.

Les programmes d’accès à la propriété se fondent sur l’espoir que l’immobilier prendra sans cesse de la valeur. Par exemple, dans le cas du programme Accès Condos de la Ville de Montréal, les crédits d’achat de la Société d’habitation et de développement de Montréal (SHDM) sont accordés sans intérêt. Ce programme tire ses principaux revenus du prélèvement qu’il opère sur les gains en capitaux que réaliseront les personnes qui achètent des condos. Cela se traduit concrètement par un incitatif à revendre la propriété plus cher qu’elle n’a été payée. Ainsi, le programme de la Ville encourage la spéculation immobilière.

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