Bye Bye : deux remarques

À chaque Bye Bye sa marée de commentaires. Pas vraiment une critique au sens fort du terme, mais un série de « j’aime » ou « j’aime pas ». « Trop télé » nous dit  Le Devoir. « Au contraire, trop politique » nous dit le Métro. Eh bien. Mais, par delà des goûts et des couleurs, que nous dit le Bye Bye sur nous? Sur l’état de l’idéologie au Québec? Probablement beaucoup de choses – notamment sur notre rapport au poids et au poil facial des femmes –, mais je me contenterai de deux remarques.

Austérité et bordel informatique

Jean-Nicolas Blanchet du Journal de Québec est sans doute le journaliste qui suit de plus près le secteur de l’informatique gouvernementale au Québec. Son dossier « Le bordel informatique » a mis plus d’une fois de l’avant les problèmes de ce secteur. Le 3 décembre dernier, le journaliste faisait état des résultats d’une demande d’accès à l’information qu’il a réalisée, constatant que les consultant.e.s privés en informatique étaient presque aussi nombreux et nombreuses que les fonctionnaires au sein du gouvernement du Québec, ce qui entraîne des coûts importants pour l’administration publique. Blanchet notait par exemple qu’au sein du Centre des Services Partagés du Québec (organisme dont la mission est d’offrir des services aux organismes publics), le budget octroyé aux 324 consultant.e.s privés est plus élevé que celui consacré aux fonctionnaires, pourtant trois fois plus nombreux et nombreuses!

Mise à jour économique : le premier acte s’achève

Carlos Leitão a retrouvé le sourire, le premier acte s’achève. Dans la logique de la politique purement calculatrice et centrée sur le pouvoir qui domine l’espace publique aujourd’hui – et dont je parlais ici –, on peut repérer trois actes classiques. Le premier est celui de l’action contre la catastrophe causée par le gouvernement précédent. Cet acte s’est échelonné sur les huit premiers mois du gouvernement libéral. Le catastrophisme du rapport Godbout-Montmarquette a ouvert le rideau prématurément tôt. Ensuite sont venus le premier budget Leitão, les mesures sur les garderies, le rapport Robillard et, enfin, les annonces de M. Coiteux. La mise à jour économique d’hier ouvre la période de transition entre le premier et le deuxième acte, celui qu’on pourrait nommer la fanfaronnade rassurante. M. Leitão disait en gros hier : c’est fait, le pire est passé, nous atteindrons nos objectifs. Le message se décompose en deux énoncés : le premier (le pire est passé) concerne la population et le deuxième (nous atteindrons nos objectifs) prétend s’adresser aux investisseurs et aux agences de notation. Il faut s’habituer, ces message seront au cœur de la stratégie de communication du gouvernement pendant la prochaine année et demi… si tout va bien.

Le Bonhomme Sept Heures

Le président du Conseil du trésor a ouvert son allocution de mardi en voulant nous rappeler des chiffres. D’abord le service de la dette, ensuite le montant absolu de la dette. Une fois ces mots prononcés, tout était clair et plus rien n’était possible. Sans les mettre en rapport avec rien, par leur seule valeur en soi, ces chiffres exigeaient impérieusement, d’eux-mêmes, les changements que M. Coiteux allait par la suite nous présenter.

Au Québec, mais ailleurs aussi soyez-en assurés, la dette est un Bonhomme Sept Heures. Comme pour les enfants indisciplinés qui refusent d’aller se coucher, la dette publique sert à mettre fin aux discussions sur les finances publiques. Vous pouvez avoir n’importe quelle bonne idée, offrir une réflexion originale ou importante, on vous répondra systématiquement: «oui, mais la dette» comme si sa seule évocation suffisait à clore le débat. Mon collègue Francis Fortier et moi nous sommes penchés sur l’état de la dette du Québec pour voir dans quelle situation nous étions réellement et si la dette justifiait vraiment tous les sacrifices.

La rigueur, c’est pour les autres

Dimanche dernier, Lucienne Robillard, ex-ministre libérale, présentait les premières recommandations de la Commission de révision permanente des programmes En juin, le gouvernement Couillard a donné au comité le mandat de cibler des économies potentielles de 3,2 G$ afin de tenter de redresser les finances publiques du Québec ainsi que de réduire le paiement des intérêts sur la dette du Québec.

Ce rapport préliminaire de 176 pages (dont 55 pages blanches…) propose des économies d’environ 2,3 G$ en ayant recours à l’abolition de programmes, à la réduction de transferts ou à une tarification accrue. Divers domaines sont touchés, mais on a pour l’instant plutôt épargné la santé et l’éducation. Il faudra attendre à juin pour un rapport plus complet qui abordera tant ces secteurs publics importants ainsi que les sociétés d’État. Malheureusement, les propositions présentées sont très peu élaborées et ne sont pas mises en contexte, ne permettant pas de juger de leur réelle pertinence. Ainsi on propose des coupes au cœur même de l’État social sans même questionner les impacts et les répercussions des mesures proposées. L’austérité à son meilleur.

Pas si déficitaire, le Québec

Le 19 novembre dernier, Statistique Canada publiait des données sur les finances publiques des provinces canadiennes pour la période de 2008 à 2012. L’événement est passé complètement inaperçu dans les médias québécois. Pourtant, c’est la première fois depuis 2009 que des données plus à jour sont présentées, ce qui revêt un intérêt certain. En effet, Statistique Canada présente des données fondées sur une même méthodologie pour toutes les administrations publiques, ce qui rend les comparaisons possibles, alors que les pratiques comptables sont fort diversifiées. Qu’est-ce qui en ressort ?

La politique selon Martin Coiteux

Dans le cadre d’un portrait de l’actuel président du Conseil du Trésor, Martin Coiteux, un journaliste m’a demandé mon opinion au sujet de ce monsieur. N’ayant croisé la personne qu’à une ou deux reprises dans ma vie et ne l’ayant lu que quelques fois dans les journaux, j’étais bien incapable de fournir une opinion informée à son sujet. Fait rare, le journaliste en question avait du temps devant lui, j’ai donc pu prendre quelques jours pour parcourir environ deux cent pages de ses écrits : surtout des textes publiés dans La Presse, mais également des rapports de recherche et quelques articles scientifiques.

Je ne me souviens plus

Le propre d’un institut de recherche comme l’IRIS est d’analyser de la manière la plus rigoureuse qui soit des données socioéconomiques afin de mesurer, autant que faire se peut, l’impact des politiques publiques et de notre structure économique sur le bien-être de la population. Ce faisant, nous sommes grandement dépendants, comme quiconque s’intéresse à la société en général, des données que produisent les scientifiques du gouvernement, les organismes de statistiques au pays de même que les universitaires dont les recherches sont financées par des fonds publics.

Tant que maman reste à la maison

La semaine dernière, Stephen Harper a annoncé en grande pompe, entouré de familles radieuses et heureuses, son nouveau plan pour aider les familles coast-to-coast. Il fallait agir vite : Thomas Mulcair était en train de gagner des points avec sa proposition de reprendre l’idée des garderies québécoises pour en faire un programme pour l’ensemble du Canada. C’est ainsi qu’on apprenait le 30 octobre, directement d’une banlieue torontoise, que les familles recevront bientôt 60$ de plus par mois par enfant et qu’il serait maintenant possible de déduire plus d’argent pour leurs dépenses sportives. Mais ce n’est pas tout! En bonus, pour toutes les familles avec deux revenus, un tout nouveau tout beau programme qui permettra de séparer ses revenus quand viendra le temps de faire son rapport d’impôt. À la clé, une économie pouvant aller jusqu’à 2000$. Profitez-en maintenant et votez plus tard. Les Conservateurs n’ont jamais été aussi généreux.

PIB : le vernis craque

L’OCDE vient de produire un rapport imposant – tant par sa dimension que par la recherche qu’il a dû exiger – sur l’évolution de la qualité de 25 pays du 19e siècle à aujourd’hui. Vous en avez peut-être entendu parler si vous avez lu cet article du Devoir, dont le titreur particulièrement jovialiste ne semble pas avoir compris toute la portée du rapport, pas plus que celle de l’article. Difficile en effet d’affirmer que « l’humanité prend du mieux » après avoir parcouru ces pages. Une chose qui ressort sans le moindre doute cependant, c’est que le Produit intérieur brut (PIB) comme indicateur de richesse et de développement perd grandement en pertinence.