Quelques semaines avant le dépôt du projet de loi 59 visant la « modernisation » du régime de santé et de sécurité du travail, je publiais un billet affirmant que le Québec ne peut plus se permettre d’être le cancre de l’Amérique du Nord dans ce domaine. Or, loin de renforcer et d’étendre les dispositions du régime actuel, la réforme proposée par le ministre Jean Boulet aura pour effet, si elle est adoptée telle quelle, de provoquer des reculs majeurs. Sans surprise, le projet de loi fait face à un barrage de critiques, dont certaines ont toutefois eu très peu d’écho médiatique, même si elles méritent d’être entendues.
Catégorie : Santé
Protocole de priorisation : les profits ou la vie?
Le gouvernement et les médias nous préparent depuis plusieurs jours à l’application imminente du « Protocole de priorisation aux soins intensifs ». Ce terme pudique et en apparence purement bureaucratique désigne la procédure à suivre et les critères éthiques à respecter pour celles et ceux qui, si ce protocole devait s’appliquer, auraient la tâche ingrate de choisir entre les personnes qui auront accès aux soins intensifs, et celles qui en seront privées. Il peut paraître étonnant que le recours à de tels extrêmes (on parle ici de choisir entre soigner ou laisser mourir) soit envisagé avec résignation et fatalisme, comme s’il était normal, ou du moins inévitable, d’en arriver là en temps de pandémie. Or, la pandémie ne fait qu’exacerber le « triage » généré par un autre « protocole de priorisation », qui s’applique quant à lui depuis déjà très longtemps : celui imposé par le capitalisme et son impératif de profits.
Réquisitionner les GMF pour faire face à la COVID
Depuis plusieurs semaines, on nous répète que les hôpitaux du Québec sont sur le point d’être débordés par les cas de COVID-19 qui se multiplient. On apprend aujourd’hui que le scénario du pire semble se dessiner dans les hôpitaux montréalais qui, à la veille du congé des Fêtes, sont déjà surchargés par les patient·e·s atteint·e·s de la COVID. La plupart d’entre eux sont aux prises avec des éclosions, et c’est la crainte de rupture de services dans le réseau hospitalier qui explique en bonne partie les sacrifices importants demandés à la population pour la période des Fêtes. Cette attention portée sur les hôpitaux laisse toutefois en suspens une question importante : que font les GMF pour protéger le réseau face au virus?
En un graphique: les déterminants de la santé
La pandémie de COVID-19 a braqué les projecteurs sur les impacts dévastateurs que peut avoir un virus sur la santé, ce que la population des pays occidentaux, protégée par des vaccins trop souvent inaccessibles ailleurs, avait eu tendance à oublier depuis quelques décennies. L’incursion brutale de ce virus dans nos vies et la course au vaccin qu’elle a stimulée tend néanmoins à renforcer la conception de la santé qui prédomine dans ces mêmes pays, conception largement centrée sur les causes biologiques et individuelles de la maladie (génétique, bactéries, virus, mauvaises habitudes de vie, etc.), ainsi que sur le rôle du système de soins (et en particulier des médecins, des hôpitaux et des médicaments) comme remède principal aux problèmes de santé. Or, ces facteurs sont loin d’être les seuls déterminants de l’état de santé des populations. En fait, ce ne sont même pas les plus importants.
Une résidence pour tous, mais les profits pour qui?
Le 26 septembre dernier, le Regroupement québécois des résidences pour aînés (RQRA) lançait sa campagne « Une résidence pour tous ». Malgré ce que suggère son titre, cette campagne ne vise pas à favoriser l’accès à des services d’hébergement pour toutes les personnes qui en ont besoin. Elle est en fait le visage public d’une offensive des propriétaires de résidences privées pour aîné·e·s (RPA), qui font pression depuis plusieurs mois pour un sauvetage de leur modèle d’affaires par l’État. Les propriétaires de CHSLD privés non conventionnés ne sont pas en reste, revendiquant eux aussi une bonification substantielle du financement public dont ils profitent déjà. Un rapport de recherche récemment publié par les autrices de ce billet permet de jeter un éclairage critique sur ces demandes, qui consistent pour l’essentiel à renforcer un écosystème de l’hébergement basé sur la socialisation des coûts et la privatisation des profits.
50 ans de la Loi sur l’assurance maladie — Une bataille inachevée
Il y a exactement 50 ans, soit le 1er novembre 1970, la Loi sur l’assurance maladie entrait en vigueur. Le Québec devenait ainsi la dernière province à adhérer au programme mis en place par le gouvernement fédéral cinq ans plus tôt, lui-même à la remorque de la plupart des autres pays occidentaux. Si la pandémie actuelle nous rappelle l’importance d’un accès universel à des services de santé de qualité, elle démontre également que les luttes ayant entouré la mise en place de l’assurance maladie demeurent aujourd’hui inachevées.
Le gouvernement québécois sait comment freiner la pandémie, mais tarde à agir
La deuxième vague de COVID-19 est bel et bien en cours au Québec et les conséquences négatives des restrictions sanitaires s’accumulent quotidiennement. Dans ce billet, je présente trois éléments clés qui permettraient de ralentir considérablement, voire complètement, la progression du virus en sol québécois. Le gouvernement caquiste est nécessairement au courant de ces éléments, mais il tarde à les appliquer. Je conclus en expliquant pourquoi le gouvernement agit de la sorte et comment une telle inaction risque de se retourner contre lui à plus long terme.
Des solutions systémiques au racisme systémique en santé et services sociaux
La mort de Joyce Echaquan et le traitement abominable que lui ont fait subir des membres du personnel de l’hôpital de Joliette ont ravivé le débat sur l’existence du racisme systémique au Québec, braquant cette fois les projecteurs sur le racisme anti-autochtone dans le domaine de la santé et des services sociaux. Malgré des divisions à ce sujet au sein de son gouvernement, le premier ministre Legault et son nouveau ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, refusent toujours de reconnaître que ce problème dépasse les comportements de quelques individus déviants et qu’il s’inscrit plutôt dans nos institutions et notre histoire coloniale. Outre le fait que l’usage de ce mot hérisse une partie de sa base électorale, une autre raison explique probablement ce rejet de la notion de racisme systémique : cela reviendrait à reconnaître que les solutions au racisme ne se limitent pas à pointer du doigt et à sanctionner quelques coupables, mais qu’elles sont, elles aussi, systémiques.
Québec doit ajouter 500 M$ en santé mentale
Le 10 octobre a été désigné comme Journée mondiale de la santé mentale par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). On nous rappelle généralement lors de cette journée certaines statistiques peu réjouissantes, comme le fait que 1 personne sur 5 sera atteinte par des troubles de santé mentale au cours de sa vie, que les coûts liés à ces troubles s’élèvent au Canada à entre 20 G$ et 30 G$ annuellement, ou encore que chaque dollar investi en prévention et en soins de santé mentale rapporte 1,62 $. Les organismes les plus variés reconnaissent par ailleurs que la santé mentale ainsi que la santé physique sont des composantes intrinsèques du bien-être et que les préserver est non seulement nécessaire, mais même payant. Le gouvernement du Québec a lui aussi reconnu cette réalité dans la dernière année et a posé des gestes afin de s’attaquer à ce problème. Or, en ces temps de crise sanitaire et de ralentissement économique où la santé mentale de plusieurs Québécois·es est mise à rude épreuve, Québec devrait ajouter une somme de 500 M$ au budget déjà prévu à cet effet afin de répondre adéquatement aux besoins de la population.
Le scepticisme compulsif n’équivaut pas à de l’esprit critique
Dans une lettre ouverte publiée le 3 septembre 2020, le professeur titulaire et directeur du département de français de l’Université d’Ottawa, Maxime Prévost, soulevait plusieurs interrogations quant aux mesures de restriction sanitaire appliquées un peu partout au pays. Sous couvert de questionnement raisonnable, les sous-entendus du directeur sont toutefois problématiques autant d’un point de vue logique que factuel.
Faire la grève pour protéger les services essentiels et mettre fin au régime « d’exception permanente »
Au milieu des années 1960, après plusieurs vagues de grèves illégales menées par les travailleurs (et surtout les travailleuses) de la santé et de l’éducation, un gain majeur est arraché au gouvernement du Québec : le droit de grève dans le secteur public.
CHSLD privés contre publics — L’historique derrière les statistiques
Dans sa chronique, Francis Vailles relance le débat sur la nationalisation des CHSLD. Il s’appuie sur un article publié la veille où l’on apprenait que les CHSLD privés sont fortement surreprésentés parmi les 10 CHSLD ayant le pire taux de mortalité dû à la COVID-19 : ils occupent la moitié de ce morbide palmarès alors qu’on ne compte qu’environ un tiers de CHSLD privés au Québec.