Qu’est-ce qui cloche avec la science économique?

unnamed

En cette journée du 5 mai 2014, 22 associations et collectifs étudiants en économie de 18 pays, dont fait partie le Mouvement étudiant québécois pour un enseignement pluraliste de l’économie, signent un manifeste international réclamant des changements profonds à la manière dont l’économie est présentement enseignée dans nos universités. Isolement face aux autres courants de pensée, isolement face à la critique, isolement face aux autres sciences sociales; les reproches adressés à la science économique traditionnelle ratissent large et ne sont pas nouveaux. Face à un modèle d’enseignement dont l’influence est internationale, la critique s’organise aujourd’hui à l’échelle globale.

Pourquoi il ne faut pas privatiser Postes Canada

Dans les derniers mois, on dirait que Postes Canada a tout fait pour qu’on veuille privatiser ses services. D’abord, on nous annonce que la distribution à domicile ne se fera plus dans certaines villes. Ensuite, on hausse radicalement le prix du timbre, le faisant passer à 1$. Beaucoup de gens y verront une bonne raison de se dire : pourquoi continuer à avoir un service public dont on pourrait éventuellement avoir à payer les déficits si c’est pour avoir des diminutions de services et des hausses de tarifs? Prenons garde à ce réflexe, la privatisation de Postes Canada pourrait bien mener à multiplier ces problèmes plutôt qu’à les résorber.

L’avenir est-il à la stagnation économique prolongée?

La « Grande Récession » qui s’est amorcée en 2008 a été la plus importante depuis la « Grande Dépression » de 1929. Nous sommes désormais familiers avec son déclencheur, la crise de subprimes, ces prêts hypothécaires tordus consentis à des ménages qui allaient manifestement faire défaut sur leurs paiements. Cela étant dit, les causes profondes de la Grande Récession et l’avenir qui s’ouvre suite à celle-ci comporte bien des zones d’ombre. De fait, il n’y a pas de consensus ni sur les conditions structurelles ayant mené à la crise, ni sur la robustesse ou sur la précarité de la reprise en cours. J’ai lu avec intérêt les échanges récents à ce sujet entre les économistes Sam Gindin de l’Université de York (Toronto) et  Andrew Kliman de l’Université Pace (New York). Tous les deux sont marxistes et ça tombe bien, puisque Marx fait justement l’objet d’une réhabilitation relative au moment où la théorie économique néoclassique qui domine la discipline échoue à décrire adéquatement les phénomènes contemporains (« Was Marx Right? », était justement le titre d’un autre débat dans les pages du New York Times la semaine dernière).

PKP : l’entrepreneur providentiel

La semaine dernière, un coup de tonnerre a résonné dans une campagne électorale jusque-là calme et terne. Pierre-Karl Péladeau sera candidat pour le Parti Québécois dans Saint-Jérôme! Cette annonce choc a provoqué une chaîne de réactions. De la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) en passant par l’Institut sur la gouvernance des organisations privées et publiques (IGOPP), chacun a exprimé ses inquiétudes liées à cette candidature. Des questions, des doutes et des craintes apparaissent tout naturellement suite à cette annonce : crainte de voir se fondre le rôle de magna des communications dans celui d’homme politique ou incrédulité face à la candidature d’un patron ayant eu recours 14 fois au lock-out afin de contraindre ses employé-es à se plier à ses exigences.

Surenchère olympique

Si, comme le prétend le spécialiste de la sociologie du sport Michel Caillat « analyser le sport c’est aussi analyser la société », il apparaît opportun de se demander ce que nous disent les olympiques des sociétés actuelles alors que les 22e Jeux olympiques (JO) d’hiver battent leur plein dans la ville russe de Sotchi.

Les jeux modernes n’ont bien sûr rien à voir avec leurs ancêtres de l’Antiquité grecque, qui étaient entièrement destinés au culte des divinités hellènes. Cependant, dans leur forme actuelle, les olympiques semblent également prendre une signification différente de l’idée que s’en faisait Pierre de Coubertin au moment de refonder les jeux à la fin du XIXe siècle.

La vieille économie s’en fout

Donc, le Québec serait dans le rouge. Encore. Tout le monde le dit depuis trois jours. Notre niveau de vie serait trop bas, notre productivité anémique, nos dépenses publiques trop élevées. C’est le mantra de ce que j’appellerais « la vieille économie ». Celle d’avant le passage au… 20e siècle.

Dans la vieille économie, tout dépend du produit intérieur brut (PIB), un outil pratique qui permet de mesurer l’ensemble des activités économiques. Quand on vous verse un salaire, ça fait augmenter le PIB, quand une entreprise achète des machines aussi. Bien utile, mais également bien incomplet, voire souvent carrément déformant.

Le capital comme pouvoir

20120600_bn_le_capital_comme_pouvoir_front

Pour comprendre le monde qui est le nôtre, pour le critiquer et pour le transformer, il faut être en mesure de bien saisir ce qui en constitue la forme dominante. De l’âge d’or de l’économie classique anglaise à ses nombreuses critiques (marxiste, féministe, écologiste, etc.), tenter de bien cerner ce que peut bien être le capital a pris les allures d’un véritable travail sans fin. Et si le capital était en fait l’incarnation symbolique des relations sociales de pouvoirs?

En 2009, Jonathan Nitzan et Shimshon Bichler ont publié Le capital comme pouvoir : Une étude de l’ordre et du créordre[i]. Traduit en 2012 chez Max Milo, il s’agit d’une contribution majeure à la réflexion critique contemporaine. La prémisse de base des auteurs peut se résumer ainsi : selon leur perspective, les théories libérales et marxistes ont le même défaut, soit d’être incapables d’expliquer ce qu’est le capital autrement qu’en recourant à des unités fictives (les « utiles » pour les libéraux et le « temps de travail abstrait » pour les marxistes). Dans chacune de ces conceptualisations du capital, le même problème, soit une incapacité de toucher concrètement au capital, d’en définir la forme et surtout d’en expliciter le processus d’accumulation.

Le nouvel étalon

Les dernières décennies nous avaient habitué à une croissance stable du produit intérieur brut (PIB) des pays de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord. Pas le Klondike, mais un constant 2% ou 3%. C’était le niveau normal, l’étalon à partir duquel on se disait : en haut, c’est bon, en bas, ça ne va pas.

Au début novembre, Larry Summers, ancien secrétaire du Trésor de Clinton et proche conseiller d’Obama au lendemain de la crise, a participé à une conférence au Fonds monétaire international (FMI) où il a annoncé qu’il était peut-être temps de mettre cet étalon de croissance au rancart. Il a en effet avancé que le marasme dans lequel était englué les économies développées était the new normal (que je traduis par : le nouvel étalon). La croissance se situerait désormais entre 0,5 et 1,5%.

La surconsommation est le nouveau noir

Dans exactement une semaine, ce sera la fête nationale des étasunien·ne·s. Ou plutôt celle du American Dream dans son incarnation la plus mercantile, superficielle et, disons-le, violente. Dans exactement une semaine, ce sera le Black Friday, la journée qui débute officieusement le magasinage des Fêtes. Chaque année, des montants astronomiques sont dépensés dans une variété de magasins qui utilisent des prix parfois dérisoires sur certains articles pour attirer des clients. À titre d’exemple, l’an dernier, c’était environ 247 millions de personnes qui ont dépensé au total près de 60 milliards de dollars.

Deux éléments ressortent particulièrement de ces séances sportives de magasinage : d’abord, l’efficacité du marketing qui cristallise l’impression d’urgence et d’éphémère (rabais très importants, nombre d’articles limités, ouverture des magasins à des heures inhabituelles, etc.) et ensuite, le comportement souvent sauvage, parfois violent de la foule qui cherche à maximiser leurs économies. On se rappelle, par exemple, de l’homme mort dans l'indifférence en 2011.

Ou d’un échange de coups de feu entourant des places de stationnement en 2012. Mais au-delà de ces nouvelles spectaculaires se cache une Amérique qui voit son pouvoir d’achat diminuer, et ses exigences de consommation augmenter.

La vie privée est une marchandise comme une autre

L'IRIS publiait dernièrement une brochure qui exposait de quelle manière les avancées technologiques se retrouvent au service de la spéculation boursière. Il n'y a rien de bien surprenant de constater que la technologie est utilisée dans le but de générer encore plus de profit. On dirait que l'autonomisation du traitement de l'information nous ramène à de vieux classiques de la science-fiction. Sauf que cette fois-ci, la réalité a peut-être dépassé la fiction. Aujourd'hui, avec la technologie numérique, le fait d'être branché partout, tout le temps est devenu si commun que l'on parle de 81,6% des ménages au Québec qui sont branchés ou encore de 2 personnes sur 3 qui possèdent un cellulaire. Et, il ne faut pas oublier qu'à cela s'ajoute l'engouement de créer des villes intelligentes comme la ville de Québec. Ça fait tellement partie de nos vies que l'on oublie par moment que la technologie que nous possédons nous facilite la vie, mais a pour raison d'être et d'existence d’être viable économiquement. 

La finance, ses robots et nous

Dans une brochure qu’elle publie aujourd’hui, ma collègue Caroline Joly nous montre que plus des deux tiers des décisions mondiales de vente ou d’achat sur les marchés financiers sont aujourd’hui prises par des intelligences artificielles. « Quelle importance? Tant que ça marche », diront certain.e.s. Cette brochure montre pourtant qu’une telle transformation a d’importantes conséquences pour nous.

On imagine les places boursières remplies de traders achetant et vendant à la criée, mais la réalité a bien changé, nous explique Caroline Joly. En ce moment, pour les firmes oeuvrant sur les marchés financiers, la question est de savoir qui a le meilleur algorithme, l’ordinateur le plus puissant ou la plus petite distance entre ses serveurs et ceux des plus grandes bourses. Ces robots permettent de profiter de fluctuations de prix minuscules visibles pendant des microsecondes. Dans ces situations, personne ne peut faire concurrence à ces machines qui échangent plus d’un millier de titres en un seul battement de paupière. 

Le coût du capital

Human-Capital12

Dans l’univers du management, la tendance est au contrôle et au resserrement des coûts du travail. Au nom de la compétitivité des entreprises ou des États, une pression permanente s’est installée avec comme objectifs toujours les mêmes cibles : revoir à la baisse des niveaux de rémunération jugés exorbitants, défaire les filets de protection sociale à la charge des employeurs, flexibiliser les liens d’emploi, etc. Cette obstination masque pourtant une autre réalité, soit que l’un des principaux freins à la compétitivité des entreprises des pays dits développés n’est pas tant un coût du travail trop élevé, mais bien le coût du capital.

Dans une récente étude réalisée par le Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (CLERSÉ), une équipe de chercheur.e.s a étudié l’évolution de ce que l’on peut appeler le coût économique et le coût financier de tout investissement afin d’éclairer l’évolution du poids de la rente financière sur les économies avancées. Bien que l’étude s’intéresse spécifiquement au cas français, ses conclusions nous permettent de mieux comprendre la place grandissante que prend cette rente par rapport à l’économie productive.