État des droits de scolarité dix ans après le « printemps érable »

Photo: André Querry

La semaine dernière marquait le 10e anniversaire de la première manifestation contre la hausse des droits de scolarité décrétée par le gouvernement libéral de l’époque. On connaît la suite : un mouvement de grève sans précédent était déclenché à l’hiver qui, l’automne suivant, a mené à des élections et au remplacement de ce projet par une politique d’indexation. 

Le Québec est-il en retard au niveau de la diplomation postsecondaire?

Les bas droits de scolarités québécois encouragent-ils la fréquentation scolaire et la diplomation? Sur le premier point, il n’y a pas vraiment de débat : la majorité des intervenants s’entendent pour reconnaître que le cumul entre la quasi-gratuité scolaire au collégial et les bas droits de scolarité à l’université représente un puissant stimulant pour encourager la fréquentation. Cependant, d’après certains, le Québec serait systématiquement en retard au niveau de diplomation, ce qui fait dire aux détracteurs de la situation québécoise que celle-ci ne parvient pas à inciter suffisamment d’étudiant.e.s à non seulement s’inscrire dans un établissement d’enseignement postsecondaire, mais à effectivement terminer leur parcours avec un diplôme.

J’ai voulu vérifier si tel était bien le cas : souffrons-nous, au Québec, d’un retard de diplomation postsecondaire par rapport au reste du Canada? Pour répondre à cette question, j’ai utilisé les données fournies au tableau 14-10-0019-01 de Statistique Canada. Voyons cela de plus près.

Soyons créatifs : détruisons l’université

Dans son premier numéro de juillet, la revue The Economist proposait, en première page, la photo d’un mortier de diplômé transformé en bombe sur le point d’exploser sous le titre : « Creative destruction : reinventing the university ». Reprenant la célèbre expression de Joseph Schumpeter, on nous annonçait cette fois que la vénérable institution subirait une véritable révolution à cause de ses coûts croissants, d’une transformation du monde du travail et d’une rupture technologique importante.

Le plus étonnant dans la série d’articles est le fait qu’ils aient été écrits si récemment. En effet, The Economist reprend essentiellement le même discours sur l’université qu’on entend de la part de l’OCDE et d’une série d’agences internationales depuis bientôt 20 ans. Depuis le milieu des années 1990, tant des intellectuels comme Michael Gibbons et Helga Nowotny que des gouvernements comme celui du Québec ou celui de la Grande-Bretagne n’ont eu cesse de nous dire que le marché de l’emploi avait changé et qu’il fallait que l’université participe à un nouveau mode de production du savoir. À cela se sont ensuite greffés les impacts d’Internet sur l’enseignement, les vagues successives de compression des coûts dans les missions d’enseignement et les investissements pour favoriser la recherche commercialisable. Bref, la « révolution » qu’attend The Economist est déjà en cours depuis longtemps.

Le gouvernement fédéral est-il responsable du mal-financement des universités?

On se souvient tous et toutes du printemps érable de 2012. Comment ne pas s’en rappeler? De la grève étudiante aux manifestations en passant par les concerts de casseroles, ce printemps a laissé sa trace. À l'arrière-plan de ces événements souvent spectaculaires, un débat de chiffres n’a pas cessé de se tenir. La hausse des droits de scolarité étant le plus souvent justifiée par les besoins financiers des universités, plusieurs, dont l’IRIS, ont fortement critiqué cette manière simpliste de voir les choses.

Pour le dire sommairement, les universités québécoises ne souffrent pas d’un « sous-financement », mais bien d’un « mal-financement ». Une part de plus en plus importante de leur budget va aux projets immobiliers, à la recherche commercialisable et à l’appareil administratif. Bref, le problème n’est pas tant un manque de fonds, mais bien que le financement de l’enseignement, qui est pourtant ce qui doit être au cœur d’une université,  se voit systématiquement marginalisé. Résultat des courses, plus on met de l’argent dans une machine universitaire devenue dysfonctionnelle, plus on aggrave le problème.

L’université québécoise toujours à vendre

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Afin d’éviter une autre « crise importante » comme la grève étudiante du printemps 2012, et afin de préserver « la paix sociale », le ministre Duchesne « incite les directions » des CÉGEP « à organiser des « ateliers politiques » pour que les jeunes puissent exprimer leurs idées. C’est une bonne idée de favoriser l’engagement des jeunes. Cependant, il faudrait d’abord reconnaître que les étudiant.e.s n’ont pas attendu ces « ateliers » pour parler, et qu’ils et elles ont déjà exprimé un profond malaise que l’on s’empresse aujourd’hui d’oublier.

En effet, l’an dernier, nombre d’étudiant.e.s, professeur.e.s et citoyen.ne.s ont, à travers une mobilisation importante, exprimé leur rejet d’une orientation commerciale et instrumentale donnée à l’éducation par l’État québécois. Ses élu.e.s ont beau avoir porté le carré rouge au moment opportun, on constate, encore une fois, que le gouvernement du Parti Québécois persiste dans la voie de son prédécesseur libéral : celle d’une privatisation accrue de l’éducation, tant en ce qui concerne les espaces physiques que les finalités qui orientent l’enseignement et la recherche. Bref, malgré les nombreuses mises en garde, le cap est encore résolument orienté vers les mirages de « l’économie du savoir » et de la privatisation de l’éducation.

L’Université Alouette

Le 20 août 2013, le ministre de l’Éducation Pierre Duschesne annonçait qu’un pavillon « universitaire » privé, financé par une aluminerie, sera construit à Sept-Îles : « Évalué à 10 millions de dollars, l'investissement dans cette construction est entièrement assumé par Aluminerie Alouette ». Le Journal de Montréal considère qu’il est évident qu’une logique donnant-donnant doive s’installer entre l’université et le secteur privé : « Évidemment, comme la construction est financée par Alouette, on offrira une formation en transformation d'aluminium supervisée par l'Université du Québec à Chicoutimi ». « Évidemment », donc, Alouette peut se payer une université privée de l’aluminium et le concours de l’UQAC, le tout avec la bénédiction du gouvernement. Et, à l’inverse, il semble désormais que l’État, pour construire des universités, ne puisse se passer du secteur privé.

La CREPUQ est morte : vive la concurrence

crepuq_w2_0Depuis plusieurs années, et durant le conflit étudiant, la Conférence des recteurs et principaux du Québec (CREPUQ), instance de représentation des recteurs.trices d’université, exerçait des pressions fortes en faveur de la hausse des frais de scolarité et de « l’internationalisation » universitaire, c’est-à-dire de l’adaptation de nos universités à l’économie globalisée. Avril 2013, coup de théâtre : les recteurs Denis Brière (ULaval) et Guy Breton (UdM) parlent de quitter le navire, rapidement suivis par 12 de leurs 18 collègues recteurs. Rien ne va plus au royaume des recteurs…pourquoi?

Point de fuite au sommet (2 de 5) : l’indexation

Deuxième d’une série de cinq bandes dessinées sur les enjeux du Sommet sur l’éducation supérieure. Au menu aujourd’hui: François Samson-Dunlop et Alexandre Fontaine Rousseau goûtent la recette secrète de l’indexation.

Vers le sommet (1): le Québec se prive volontairement de 27 000 étudiant·e·s

Dimanche dernier, lors du mot de clôture de l’École d’hiver de l’Institut du nouveau monde (INM), le ministre de l’éducation supérieure, Pierre Duchesne, a annoncé qu’il rejetait une bonne fois pour toute l’option de la gratuité scolaire. Trois possibilités resteraient sur la table, toutes différentes formules d’indexation des droits de scolarité.