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Mise à jour économique : il n’y a pas qu’une seule avenue

11 novembre 2020

  • Guillaume Hébert

Jeudi, le ministre des Finances Éric Girard présentera sa mise à jour économique. On saura comment évolue le déficit du gouvernement québécois que l’on estimait à 15 milliards de dollars en juin. On pourrait en savoir plus par ailleurs sur les orientations qui risquent de guider le gouvernement Legault dans les prochaines années en matière de finances publiques.

Un premier indice des intentions de M. Girard est néanmoins venu d’une entrevue qu’il a accordée le 12 octobre à l’émission Zone Économie et d’une intervention à la Commission des finances publiques à l’Assemblée nationale. Le journaliste Gérald Fillion retenait des réponses du ministre que le gouvernement compte respecter le retour à l’équilibre budgétaire en cinq ans même si des circonstances exceptionnelles rendent cet objectif pour le moins périlleux et même si M. Girard admet que les six prochains mois seront difficiles. Par ailleurs, le ministre des Finances n’exclut pas de réaliser des compressions budgétaires dans tous les domaines (à l’exception de la santé), il se montre attaché au Fonds des générations et, plus généralement, il s’inscrit dans la tradition néolibérale de remise en question du modèle québécois.

Bref, le ministre Girard ne se démarque pas de ses prédécesseurs: son gouvernement loge à l’enseigne du conservatisme fiscal et ce n’est pas une pandémie ou des bouleversements mondiaux qui changeront l’ordre des priorités dans la province de Québec.

Or, il faut faire preuve d’un entêtement idéologique déconcertant pour mettre le cap sur l’austérité alors que cette approche est couverte de discrédit un peu partout dans les économies comparables, et ce depuis la dernière crise économique. Non seulement l’austérité a sérieusement affaibli les services à la population ici et ailleurs, elle s’est avérée contre-productive d’un point de vue économique, menant même à un nouveau mea culpa du FMI.

La mauvaise option

Perpétuer le système qui vulnérabilise et atomise la population, accroît les écarts de richesse et néglige la crise climatique a contribué au discrédit des élites dirigeantes un peu partout dans le monde. En recommençant dès maintenant à parler de rigueur budgétaire, le ministre des Finances montre qu’il a omis de télécharger les dernières mises à jour en matière de gestion des finances publiques.

Le gouvernement fédéral se démarque pour sa part du gouvernement québécois depuis l’élection de Justin Trudeau. Même si le Parti libéral du Canada n’a rien d’un parti de gauche, le gouvernement Trudeau a au moins eu la décence de rompre avec le fétiche contre-productif de l’équilibre budgétaire à tout prix. De même, la perspective de creuser le déficit n’a pas freiné cette année l’intervention du gouvernement fédéral pour soutenir les entreprises et les ménages. Il est inconcevable que Québec veuille encore s’attaquer au déficit alors qu’il est cinq fois moins élevé en proportion que celui réalisé par le fédéral pour apporter une aide financière à la population.

Ce n’est cependant pas en tentant de ménager la chèvre et le chou que Justin Trudeau réussira à transformer l’économie canadienne. Plus que jamais, les populations seraient réceptives à une approche qui met l’accent sur le bien commun à travers le recours à des solutions et des instruments collectifs. Ce virage refermerait la parenthèse des quarante dernières années où les gouvernements ont servi en priorité l’intérêt des élites d’affaires en suggérant que leur prospérité finirait par percoler vers le restant de la population.

La croisée des chemins

Pour renverser la vapeur, il faudrait renouer avec une politique fiscale qui permette une véritable redistribution de la richesse. Comme l’écrivaient mes collègues Eve-Lyne Couturier et Raphaël Langevin, l’heure est venue de rompre avec la fable selon laquelle trop d’impôt tue l’impôt et de taxer la fortune. Autrement, les dés continueront d’être pipés et les inégalités continueront au Québec et Canada d’évoluer vers le niveau intenable qu’elles atteignent ailleurs dans le monde.

Au Québec, comme l’écrivait Pierre Beaulne, l’architecture budgétaire est à la croisée des chemins et l’occasion est belle de se libérer du carcan idéologique de la Loi sur l’équilibre budgétaire (du moins en l’assouplissant) ainsi que de la marge de manœuvre budgétaire grugée année après année par le Fonds des générations. Et une fois que les institutions québécoises auront rompu avec l’orthodoxie, il sera à nouveau possible de se projeter vers un tout autre horizon socioéconomique.

Pour l’instant, retenons au moins qu’il n’existe aucune raison d’envisager des compressions budgétaires. L’IRIS publiait d’ailleurs une note socioéconomique le mois dernier qui montrait que la situation budgétaire du Québec n’avait rien d’inquiétant, même en considérant un déficit de l’ordre de 15 milliards de dollars pour l’exercice 2020-2021.

Ajoutons que, bien que les tenants du conservatisme fiscal soient prompts à rappeler que le Canada et les États-Unis figurent parmi les pays qui ont le plus dépensé pour soutenir leur économie depuis le début de la pandémie, le Canada demeurera tout de même le pays le moins endetté du G7, et ce malgré son déficit de 343 milliards de dollars.

Comme le montre en outre le graphique 1, le déficit de 15 milliards de dollars du gouvernement québécois ne devrait pas nous faire perdre de vue les surplus engrangés durant les cinq exercices précédents et qui atteignent plus de 25 milliards de dollars. Sur six ans, le bilan demeure largement excédentaire.

En somme, il y a toute une série de raisons de se tenir loin de l’austérité budgétaire. L’heure est au contraire à mieux protéger la population et à investir le nécessaire pour dessiner aujourd’hui l’économie résiliente de demain. Malheureusement, tout porte à croire que, ce jeudi, le ministre Girard fera exactement l’inverse.

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