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La solution est avant tout entre les mains des gouvernements

3 octobre 2020

  • Anne Plourde

« Une bonne partie de la solution est entre vos mains. » C’est ce qu’a gravement affirmé François Legault au lendemain de l’annonce du passage en zone rouge pour plusieurs régions du Québec. Il s’adressait ici aux jeunes, mais cette phrase condense l’essentiel du message martelé par le gouvernement depuis le début de la pandémie : c’est avant tout aux individus qu’incombe la responsabilité de freiner la progression du virus mortel, et c’est sur leur conscience que devront peser les morts et les souffrances qui résulteront de la deuxième vague qui s’amorce.

Soyons très clairs : dans les circonstances actuelles, il est vital que les individus acceptent de faire des sacrifices énormes pour stopper la catastrophe sanitaire en cours. Sans ces efforts, un grand nombre de décès s’ajoutera aux milliers de personnes condamnées à mourir seules durant la première vague, plusieurs écoles devront à nouveau fermer leurs portes et le système de santé sera rapidement débordé, incapable de soigner les personnes atteintes de la COVID-19 ainsi qu’une partie importante de celles et ceux qui nécessiteront d’autres types de soins.

Toutefois, le discours gouvernemental masque deux réalités essentielles. D’une part, cette injonction à la discipline individuelle passe sous silence le fait que la plupart des éclosions se produisent dans les écoles et les milieux de travail, que la population est contrainte de fréquenter suite à la réouverture de l’économie décidée par le gouvernement. D’autre part, si les individus sont aujourd’hui forcés de sacrifier leur vie sociale et, dans plusieurs cas, leur santé mentale, c’est en bonne partie parce que, sous la pression du milieu des affaires et de ses idéologues, les gouvernements des dernières décennies n’ont pas assumé leurs responsabilités. Ces gouvernements et ce milieu des affaires, desquels sont issus plusieurs membres du gouvernement actuel (y compris le premier ministre) ont au contraire permis la dégradation des services publics, au point où l’on se retrouve contraints de faire face à une pandémie mondiale avec des systèmes sociaux, de santé et d’éducation en lambeaux.

Les ravages

Si le virus a fait de tels ravages au Québec durant la première vague, et s’il parvient à en faire autant (ou même plus) durant la seconde, ce sera avant tout parce que les écoles sont mal ventilées, parce que le manque de locaux et les pénuries de personnels en éducation empêchent la généralisation de petits groupes permettant une distanciation sécuritaire dans les classes, parce que les ressources communautaires sont insuffisantes pour briser l’isolement et prendre soin adéquatement des plus vulnérables, parce que les pénuries de personnel et la privatisation des services de santé ne permettent pas de mettre fin aux déplacements de personnel d’un site à l’autre sans provoquer des ruptures de services, parce que le matériel de protection et les capacités de dépistage sont insuffisants pour faire face aux besoins, etc.

Le discours typiquement néolibéral de responsabilisation des individus mis de l’avant par le gouvernement permet commodément de déresponsabiliser l’État et ses politiques d’austérité des 40 dernières années. Oui, dans la situation de crise actuelle, il est essentiel que les individus appliquent avec rigueur les recommandations de la Santé publique. Toutefois, les véritables solutions à la présente pandémie et aux futures crises sanitaires qui nous menacent, dont celle qui est provoquée par les changements climatiques, passent avant tout par des politiques publiques structurantes et la reconstruction de nos services publics.

Briser l’isolement

L’embauche rapide de 10 000 préposées aux bénéficiaires, grâce à des formations payées et à des postes attrayants, est un exemple de mesures qui devraient se multiplier. Comme le rappelait un article du Devoir le 30 septembre à propos des répercussions de la crise sur la santé mentale des Québécois, le gouvernement devrait également prendre ces questions plus au sérieux et créer des initiatives visant à briser l’isolement et à soutenir les personnes éprouvant de la détresse psychologique.

Et en attendant une véritable offre de services à domicile, pourquoi ne pas mettre en place des mesures financières incitatives et d’autres ressources permettant aux ménages qui le souhaitent et qui le peuvent « d’adopter » des membres de la communauté vivant seuls ou ayant besoin de soutien ?

À l’heure où les sirènes de l’austérité budgétaire guettent le moment propice pour faire de nouveau entendre leur dangereuse rengaine, il est urgent de faire entendre une voix alternative au moralisme néolibéral de la responsabilisation individuelle : celle de la solidarité et de la responsabilité collective.

Ce billet est d’abord paru sous forme de lettre dans l’édition du 2 octobre 2020 du Devoir.

 

 

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