L’autre personnalité de l’année 2013 : les oléoducs

Nous en sommes à la troisième édition de notre « autre personnalité de l’année » de l’Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS). En 2011, les agences de notation se sont vu décerner ce titre tandis que les camps de travail chinois se sont hissés au sommet de notre palmarès l’an dernier. Cette année, le choix fut difficile. Après maintes discussions, notre jury a pourtant tranché. Pour l'année 2013, les oléoducs de transport du pétrole arrivent au premier rang.

Contrairement aux éditions précédentes, notre choix n’est pas tombé sur un sujet dont l’on parle trop peu, mais bien sur un sujet dont on parle bien mal. Au Québec, surtout depuis la tragédie survenue à Lac-Mégantic en juillet dernier, les discussions entourant le transport du pétrole ont bien souvent pris d'étranges directions. Dès le mois d’août, des commentateurs ont vanté les mérites du projet d’inversion de la Ligne 9B, qui est a été élaboré pour acheminer jusqu’au Québec le pétrole des sables bitumineux de l’Alberta, au nom de la sécurité et du développement économique. Suite au traumatisme que fut la tragédie de l’été dernier, la réaction des vendeurs de pétrole et de leurs experts fut rapide.

 

L’oléoduc Ligne 9B et le pétrole léger des sables bitumineux

Dans une capsule vidéo mise en ligne ce mardi, l’ancien chef du Parti vert du Québec et député péquiste Scott McKay tente de concilier son appui au projet de renversement du flux de l’oléoduc Ligne 9B d’Enbridge  avec sa farouche opposition à la version antérieure du projet, qui comportait une extension jusqu’à Portland au Maine. Or, les motifs avancés par M. McKay pour justifier son appui et celui de son gouvernement au projet actuel d’oléoduc Ligne 9B qui apporterait au Québec le pétrole des sables bitumineux reposent sur des prémisses contestables.

D'abord, selon M. McKay, l'oléoduc ne transporterait que du pétrole léger (sauf "à peu près 5%" de pétrole lourd, avance-t-il). Ici, la distinction avancée par M. McKay entre « pétrole léger » et « pétrole lourd » est fallacieuse. En utilisant cette distinction, il souhaite probablement donner à penser que le « pétrole léger » serait moins polluant que le « pétrole lourd » – une stratégie qui rappelle celle des fabricants de cigarettes.

Enbridge et le rôle de l’État

Vendredi dernier, la commission parlementaire sur l’inversion de l’oléoduc 9B d’Enbridge déposait son rapport moins de 48 heures après la fin des audiences. Sans surprise, le rapport est favorable à l’entreprise albertaine tout en tentant d’amenuiser les risques pour la population d’inverser un oléoduc vieux de 37 ans qui passe sous des quartiers résidentiels. Rappelons que le dernier exercice du genre réalisé par Enbridge a causé la plus grande catastrophe environnementale en sol américain. Les coûts de réparation de ce désastre sont estimés à plus de 1 milliard $.

Par ailleurs, Enbridge a un triste bilan de près de 70 déversements chaque année depuis 10 ans.  Certains experts devant la commission ont mesuré à 90 % les chances qu’un tel évènement se produise sur la ligne 9B. Pour compenser, la commission parlementaire recommande qu’Enbridge fasse les tests de sécurité minimalement adéquats pour éviter un désastre environnemental. Il est désolant de constater que le gouvernement doit faire ce type de recommandations alors qu’il s’agit de sécurité élémentaire. Pour le réchauffement climatique, l’impact du projet est clairement négatif puisqu’il implique d’extraire 300 000 barils supplémentaires par jour d’un des pétroles les plus polluants du monde.

Une première réflexion à mon retour de Fort McMurray

Fort McMurray

La tragédie de Lac-Mégantic soulève de nouveau la question de notre dépendance au pétrole. Les uns en profitent pour vanter les mérites des oléoducs d'Enbridge et cie, les autres questionnent plus profondément notre pétrodépendance ainsi que les coûts environnementaux et sociaux de l'extraction, du transport et de l'usage massif de formes de plus en plus extrêmes d'hydrocarbures.

Le débat est lancé et il engage l'avenir de l'humanité et de la biosphère. Si l'on se fie à ce que nous disent les climatologues, l'essentiel du pétrole "non-conventionnel" – les hydrocarbures extrêmes – doit rester sous terre si nous ne voulons pas pousser le changement climatique au-delà d'un seuil de non-retour catastrophique. Il va donc falloir compter uniquement sur les sources conventionnelles existantes pour opérer notre transition globale hors du pétrole, fermer le début d'extraction des formes extrêmes comme les sables bitumineux et le pétrole de schiste du Dakota. J'en aurais beaucoup à dire sur cette transition et les limites de toute stratégie qui repose uniquement sur des utopies technologiques et qui ne pense pas le changement d'un régime économique dépendant de la croissance. Mais pour le moment un simple constant, un message.

L’aveuglement volontaire des promoteurs du projet d’oléoduc 9b

Mercredi dernier, un regroupement patronal accompagné d’un syndicat de l’énergie s’est dit en faveur de l’inversion de l’oléoduc 9b de l’entreprise Enbridge, qui doit apporter le pétrole des sables bitumineux au Québec.

Mercredi dernier, un regroupement patronal accompagné d’un syndicat de l’énergie s’est dit en faveur de l’inversion de l’oléoduc 9b de l’entreprise Enbridge, qui doit apporter le pétrole des sables bitumineux au Québec. Si selon nous, la preuve de la nécessité d’encourager l’expansion des sables bitumineux et de perpétuer l’industrie pétrochimique reste à faire, il est troublant de constater l’incapacité de ces acteurs économiques traditionnels à élargir la réflexion au-delà des questions de produit intérieur brut (PIB) et d’emplois. Pas la moindre mention de « gaz à effet de serre », ni de « changements climatiques » dans le long communiqué. Or, le projet d’inversion de la ligne 9b soulève des enjeux de société autrement plus vastes que le discours classique des chambres de commerce.