En environnement, le prochain gouvernement ne peut se satisfaire du statu quo
23 septembre 2022
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Le GIEC, dans son plus récent rapport, a été limpide à l’effet que la transition écologique ne pourra se faire sans transformations profondes de nos modes de vie, particulièrement en Amérique du Nord. À cet égard, le gouvernement de la CAQ ne fait pas exception à la plupart des gouvernements des démocraties occidentales, qui persistent à s’accrocher à un statu quo économique et social pourtant insoutenable sur le plan écologique. D’où provient ce statu quo et comment se perpétue-t-il?
Un pacte socio-économique fissuré
La période d’après-guerre, marquée par la montée de l’État-providence et la hausse générale de la consommation, a scellé un compromis entre les classes sociales des démocraties capitalistes. Le prolétariat des centres urbains des pays occidentaux est graduellement devenu un « consommariat ». Cette classe moyenne, demeurée néanmoins salariée, a vu croître son accès à des biens de consommation, les banlieues et leurs immenses centres d’achats en étant les symboles les plus forts. Or, cette possibilité a reposé sur une exploitation accrue des ressources de la planète et des populations des pays dits en développement.
Aujourd’hui, alors que de plus en plus de limites écologiques planétaires sont franchies, et que l’abordabilité des biens essentiels recule, ce modèle s’essouffle. Or, des gouvernements tels que celui de la CAQ continuent d’élaborer leurs politiques publiques en misant sur la pérennité de ce régime. Il suffirait, à les entendre, de verdir notre économie sans cesse croissante au moyen d’hydrogène vert et d’électrification tous azimuts. Si les transformations technologiques font certes partie de la solution, celles-ci ne sont qu’une des nombreuses variables de la transition écologique – et sans doute pas la plus déterminante.
Au Québec, la principale politique environnementale des gouvernements qui ont été au pouvoir dans les dernières décennies a consisté à promettre que tout pourrait changer sans que rien ne change. Résultat: rien n’a changé et tout reste à accomplir, les différentes cibles de réduction de GES non atteintes illustrant avec force cet échec.
Des sociétés à transformer
Si l’ensemble de la population mondiale émettait la même quantité de GES par habitant que l’Amérique du Nord, le budget carbone de 500 Gt GES résiduel, seuil à ne pas dépasser pour avoir 50% de chances de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius, serait dépassé en seulement trois ans et demi. Au Québec, la part d’hydroélectricité dans notre consommation énergétique ne diminue pas moins notre responsabilité à cet égard, puisque plus de la moitié de nos besoins énergétiques continuent d’être comblés par des combustibles fossiles.
Quant au Plan pour une économie verte de la CAQ, il ne contient aucune stratégie crédible pour permettre aux Québécois·es de s’affranchir de leur dépendance aux combustibles fossiles dans les prochaines années. Durant son mandat, la CAQ a certes interdit l’exploitation d’hydrocarbures sur le territoire du Québec, mais le véritable défi réside bien plus dans la combustion d’hydrocarbures, dont la province demeure fortement dépendante.
En matière de transport, de production durable et locale, d’urbanisme, d’industries et d’économies régionales, de grandes transformations guettent les sociétés des pays nantis du globe. La rhétorique et les politiques de la plupart des gouvernements au pouvoir, qui continuent d’entretenir le mythe d’une approche fondée sur des réformes superficielles, empêchent de mettre en œuvre des solutions adéquates. Pire, un anti-écologisme décomplexé, bien mis en évidence par Bernard Drainville dans le dossier du troisième lien avec son « lâchez-moi avec les GES », brouille la lutte aux changements climatiques en la reléguant à un phénomène mineur.
Malgré des avertissements scientifiques alarmants et des catastrophes naturelles croissantes, le pire peut encore être évité en matière de bouleversements climatiques. Pour ce faire, le prochain gouvernement devra renoncer au conservatisme politico-économique et revoir les fondements des sociétés de croissance, dont l’insoutenabilité relève de plus en plus du fait scientifique.
1 comment
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Excellent début d’une discussion à poursuivre! Le changement de paradigme , de Keyne à Friedman, nécessité du capital qui après la reconstruction de l’après-guerre, manquait d’opportunités pour l’investissement profitable ´´. Dans les pays de l’Ocde, création du concept de dettes nationales pour aider à ´justifier’ l’austérité et la privatisation de nos services ( santé, éducation, ….). Libérer du budget pour aider le capital via baisse d’impôts, subventions , allègement des normes environnementales, ´écraser’ tout mouvement revendicatif ( syndicats, Clsc de pointe St-Charles, groupes communautaires, ….) et bien sûr s’assurer que le discours ´´ dominant concorde avec ces objectifs. Bien sûr que l’école joue un rôle déterminant dans ce processus de direction de la pensée! Au début des années 80, les étudiants du département d’économie de l’Uqam ont fait une grève de 6 semaines pour revendiquer la survie des cours de critique économique, des cours qui permettent d’aller au fond des choses, et oui des cours qui remettent en question le système en place, et avec des enseignants compétents. Je dirais que le début de la faillite de la social-démocratie ( ne remet pas en cause le système en place, vise au mieux à un ´capitalisme civilisé ´) a été marqué au Québec par Lucien Bouchard avec ses coupures de salaires etc…il a écouté Margaret!
Plusieurs écrits m’ont aidée à relever la tête ( j’avais le nez dans le nombril depuis plusieurs années), dont vous IRIS, Naomi Klein, Alain Deneault, Louis Gill, etc..
Ce que le système a fait à l’international et continue ´ de faire, est très peu débattu dans nos médias complaisants. Je crois qu’Iris pourrait aider à ce sujet, pour nous aider à changer d’ère en solidarité avec tous les peuples du monde.