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Rapport du GIEC: les solutions – comme les obstacles – sont politiques

5 avril 2022

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4min

  • Colin Pratte

Le groupe III du GIEC, qui se spécialise dans l’analyse des solutions permettant de contrer les changements climatiques, a publié son rapport hier. La conclusion est non équivoque : les solutions pour limiter le réchauffement planétaire existent (sortir des combustibles fossiles; adopter de nouveaux modes de transport; d’alimentation et d’habitation durables; diminuer le niveau de consommation des pays développés; etc.), mais leur diffusion est freinée. Comment expliquer cette inertie climatique alarmante?

Budget carbone et inégalités environnementales : un portrait

D’abord, dressons un court état des lieux de la trajectoire mondiale d’émissions de gaz à effet de serre (GES) à partir des données compilées par le GIEC. Entre 1850 et 2019, les sociétés humaines ont émis dans l’atmosphère 2400 Gigatonnes (Gt) de CO2 net. Afin de conserver 50% des chances de limiter le réchauffement planétaire à 1,5 degré Celsius, les émissions futures de CO2 ne devraient pas dépasser un cumul net de 500 Gt. Or, entre 2010 et 2019 seulement, 410 Gt ont été émises mondialement, soit environ 20% de l’ensemble du CO2 émis depuis 1850.

Cette trajectoire d’émissions est bien sûr inégale géographiquement. La moyenne annuelle d’émission de CO2 par habitant est de 19 tonnes en Amérique du Nord, alors qu’elle est de 2,6 en Asie du Sud, et de 3,9 en Afrique. En 2019, l’Amérique du Nord a contribué pour 12% des émissions mondiales alors qu’elle ne compte que pour 4,8% de la population mondiale. Si l’ensemble de la population mondiale avait la même empreinte carbone que la moyenne nord-américaine, le budget carbone de 500 Gt serait franchi en trois ans et demi. Ensemble, l’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord sont responsables de 40% de la totalité du CO2 émis depuis 1850. Ce portrait est par ailleurs conservateur, puisqu’une grande quantité de CO2 émis et comptabilisé dans d’autres régions du monde est le fait de production de marchandises ensuite consommées en Occident.

Halte aux droits acquis à polluer

Le mode de vie nord-américain impliquant l’émission annuelle de 19 tonnes de CO2 par habitant n’est donc pas viable et doit impérativement subir une transformation profonde. Parmi les facteurs ralentissant cette transition, le GIEC mentionne les actions des  entreprises dont le modèle d'affaires suppose des activités d’extraction, de production et de consommation hautes en émissions de carbone (industrie fossile, transport aérien, etc.). Directement menacées par les mesures de transition, ces entreprises peuvent chercher à freiner l’adoption de mesures climatiques préjudiciables à leurs intérêts, ou décharger leur responsabilité sur les choix individuels. En réponse à cela, le GIEC réfère aux études portant sur la transition juste, dont l’objectif est de pallier équitablement les pertes d’emplois et les bouleversements socioéconomiques d’une transition vers une économie sobre en carbone.

Le Canada : un cancre modèle

Au Canada, 4e producteur mondial de pétrole et 6e producteur de gaz naturel, le secteur extractif est l’exemple type d’une industrie en mesure d’infléchir les politiques publiques à leur avantage. Le plan de réduction de 40% de GES d’ici 2030 déposé la semaine dernière en grande pompe par le ministre fédéral de l’Environnement Steven Guilbeault ne comprend aucune limite à la production fossile canadienne. La Régie de l’énergie prévoit respectivement une augmentation de production de pétrole et de gaz naturel de 50 % et de 30% d’ici 2040. L’incompatibilité de cette trajectoire extractive avec les conclusions du GIEC sur le climat est manifeste : selon les études recensées par le GIEC, la seule exploitation des infrastructures fossiles mondiales pendant toute leur durée de vie prévue suffirait à dépasser de 32% le budget carbone estimé de 500 Gt pour limiter le réchauffement à 1,5oC. Et pendant ce temps, le Canada est engagé dans une trajectoire d’augmentation de son capital infrastructurel fossile.

En somme, les travaux du groupe III du GIEC recensent des faits scientifiques qui permettent de juger de la crédibilité climatique des différents plans gouvernementaux de réduction de GES. Au pays, la complaisance gouvernementale persistante envers l’industrie fossile annonce un échec climatique prévisible. 

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1 comment

  1. Personne ne semble avoir pris en compte que, compte tenu de la titanesque inertie de la planète Terre et de ses sous-systèmes, ça va prendre au moins 20 ans avant qu’une décision prise aujourd’hui aie un effet quelconque.

    Ainsi, le rythme de la modification de l’écosystème ne changera, ni de direction, ni de vitesse que dans for longtemps.

    Que nous restera t-il à ce moment-là?

    C’était dans les années 1970 qu’il nous aurait fallu commencer à agir.
    Pourtant, des signaux d’alarmes avaient été lancés…
    Mais l’argent a gagné!

    Quel est le résultat net combiné de toutes les mesures prises pour enrayer la pollution d’origine humaine?
    La situation est deux fois pires que 5 ans avant… Depuis au moins 70 ans!

    Je ne vois vraiment pas comment l’Amérique du Nord, le plus grand pollueur, pourrait accepter un seul instant de réduire par 8 son train de vie!
    Idem pour l’Europe!
    Il n’y a rien à faire pour l’Asie!

    Nous avançons rapidement vers un nouvel équilibre naturel.
    Rien ne garanti que l’humanité en fera encore partie dans 2 siècles.

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