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CAQ: un bilan mitigé

29 août 2022

  • Julia Posca

Les Québécois·es iront aux urnes le 3 octobre prochain. On se rappelle qu’à l’élection de 2018, la Coalition avenir Québec a délogé le Parti libéral, qui avait été au pouvoir de manière presque ininterrompue depuis 2003. Le parti de François Legault mettait ainsi un terme à l’alternance entre libéraux et péquistes qui durait depuis 1970 en remportant 37,42 % des voix et en faisant élire 74 députés. 

Quatre ans et une pandémie plus tard, la CAQ domine largement les sondages et l’issue du vote qui déterminera la composition de la 43e législature semble déjà scellée. La victoire caquiste s’annonce d’autant plus forte que le système électoral québécois entraîne une distorsion du vote et que François Legault a annoncé fin 2021 l’abandon de son projet de réforme du mode de scrutin

Au terme de son premier mandat, la CAQ peut se vanter d’avoir mis en œuvre une part importante des propositions qu’elle avait défendues dans le cadre de la campagne électorale de 2018. Revenons sur certains des projets de loi adoptés dans les quatre dernières années pour voir le portrait qui s’en dégage.

Adoption de la Loi sur la laïcité de l’État : Cette loi exclut les personnes portant des signes religieux de certains emplois publics, dont ceux du secteur de l’éducation primaire et secondaire, là où le manque de personnel est pourtant criant. Ce nouveau cadre législatif était censé mettre un terme aux débats amorcés avec la saga des accommodements raisonnables. Il continue pourtant d’être au centre de tensions liées aux enjeux d’identité et de laïcité, en plus de stigmatiser davantage certains groupes de la population québécoise.

Abolition des commissions scolaires, uniformisation et diminution de la taxe scolaire : Les conséquences de la disparition des commissions scolaires sur la gestion des écoles sont encore difficiles à mesurer, mais cette abolition a forcé le réseau scolaire, déjà éprouvé par des années d’austérité puis par la crise sanitaire, à revoir sa gouvernance. Quant à la marge de manœuvre du gouvernement pour investir dans le réseau de l’éducation, elle est d’autant plus réduite qu’il doit maintenant compenser la perte de revenus provenant de la taxe scolaire.

Bonification de l’allocation famille : Cette aide financière prenant la forme d’un montant d’argent envoyé directement aux parents de deux enfants et plus est certainement appréciée par les familles. Or, des investissements directs dans les services publics entraîneraient probablement davantage de bénéfices pour la population.

Maternelle 4 ans : En dépit de l’avis d’expert·e·s qui jugeaient plus avisé de renforcer le réseau des services de garde publics, le gouvernement est allé de l’avant avec l’ouverture de classes pour les enfants de quatre ans. Comme prévu, cette mesure n’a pas eu d’effet sur les listes d’attente pour obtenir une place en CPE.

Accès à la première ligne : Impossible de dire que l’accès aux soins et aux services sociaux de première ligne s’est amélioré en quatre ans, malgré les objectifs que s’était donnés le gouvernement. Certes, la pandémie n’a pas aidé. La réforme du système de santé annoncée est censée rendre les services plus accessibles et les conditions de travail meilleures. En attendant qu’elle voie le jour, les infirmières du Québec font toujours autant d’heures supplémentaires obligatoires, sans que leurs compétences soient pleinement reconnues. Le gouvernement a aussi échoué à réduire considérablement la rémunération des médecins spécialistes, comme il avait promis de le faire.

Environnement : Malgré l’adoption du Plan pour une économie verte, qui est axé sur l’électrification des transports et la réduction des émissions dans le secteur industriel par l’entremise de la bourse du carbone, le gouvernement n’a pas été en mesure de respecter les engagements du Québec en matière de réduction des gaz à effet de serre et s’est montré incapable de répondre adéquatement aux avertissements du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Quoique bienvenue, l’interdiction de l’exploration et de l’exploitation d’hydrocarbures au Québec n’aura pas d’effet sur le bilan carbone de la province.

Tarifs d’hydroélectricité: en levant l’exigence pour Hydro-Québec de soumettre la fixation de ses tarifs à un examen annuel de la Régie de l’énergie et en arrimant l’augmentation des tarifs d’électricité au niveau de l’inflation, le gouvernement a ouvert la porte à des hausses qui l’ont déjà forcé à intervenir dans ce processus qui avait pourtant été dépolitisé, avec raison, par le passé.

Logement : Le gouvernement a finalement admis que plusieurs villes du Québec étaient aux prises avec une pénurie de logements, mais la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation juge néanmoins que la situation est « sous contrôle ». Le virage vers le logement abordable, au détriment du logement social, témoigne d’une négligence envers les besoins des ménages les plus pauvres au Québec. L’inflation des derniers mois nous rappelle pourtant l’importance d’adopter des politiques qui visent à limiter les dépenses liées à l’habitation.

Politique migratoire : En 2019, le gouvernement mettait en œuvre une réforme visant à arrimer davantage l’immigration avec les besoins des entreprises. La refonte du programme d’expérience québécoise (PEQ), motivée par un objectif semblable, s’est avérée un fiasco. La CAQ avait aussi à son arrivée au pouvoir diminué de 20% le nombre de personnes immigrantes reçues par rapport aux années précédentes, une orientation temporairement levée étant donné le recul observé durant la pandémie et la volonté du gouvernement d’y remédier. Afin de répondre à ces deux exigences en apparence contradictoires (combler des besoins en main-d’œuvre à l’aide de l’immigration et ne pas augmenter de manière permanente les seuils), le gouvernement mise désormais entre autres sur l’immigration temporaire, ce qui pourrait renforcer la dépendance de l’économie québécoise envers des travailleurs et des travailleuses plus susceptibles d’être victimes d’abus de la part de leur employeur.

Réforme de la loi sur la santé et la sécurité du travail : La nouvelle mouture de cette loi a été dénoncée par plusieurs, car, en favorisant le laisser-aller en matière de protection des travailleurs et des travailleuses, elle représente un recul en matière de droit du travail.

Personnel de l’administration publique : Il faut saluer l’abandon de la promesse de réduction du nombre de fonctionnaires, ainsi que l’amélioration du salaire à l’entrée dans la profession enseignante du réseau scolaire.

Gestion de la pandémie: la vétusté des établissements scolaires, le manque de personnel dans les centres de soins de longue durée et la surcharge de travail dans les établissements hospitaliers ont entre autres créé les conditions propices à la catastrophe sanitaire que le Québec a vécue. Cela dit, les mesures qui permettraient de remédier à ces problèmes, comme l’amélioration de la ventilation dans les écoles ou encore le rehaussement significatif des conditions de travail dans le réseau de la santé et des services sociaux, se font toujours attendre. En outre, la trop grande proximité entre le gouvernement et la direction nationale de la santé publique a sans contredit nui aux efforts du Québec dans sa lutte contre la COVID-19.

Règle générale, on peut en somme dire que le gouvernement de François Legault a eu tendance à adopter des mesures susceptibles de plaire à une frange aisée de l’électorat, mais qui évitent de s’attaquer aux racines de plusieurs des problèmes qui traversent la société québécoise, dont l’abordabilité du logement, la pauvreté chez les personnes en emploi ou à la retraite, la crise climatique, le recul de la biodiversité et la précarité des organismes communautaires et des services publics. En somme, si la CAQ a su respecter plusieurs de ses engagements, son bilan reste pour le moins mitigé.

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