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L’usine Northvolt ou la puissance de l’industrie automobile

9 février 2024

Lecture

5min

  • Colin Pratte

D’ici 2035, la vente de voitures à essence sera interdite au Québec, tout comme dans plusieurs juridictions du monde. La survie de l’industrie automobile dans une planète en transition dépend de sa capacité à créer et entretenir le mythe de la voiture électrique verte. À ce jour, l’industrie peut crier victoire, comme en témoigne au Québec la pluie de fonds publics que reçoit la filière batterie de même que l’absence de toute évaluation environnementale digne de ce nom par le biais d’un BAPE pour les projets liés à cette industrie. Quels sont les leviers qui permettent à l’industrie automobile de continuer de structurer et d’infléchir les systèmes de mobilité à travers le monde?

Les leviers économiques

Le poids économique de l’industrie automobile mondiale est considérable. Elle compte pour 3,65% du PIB mondial. Les quelque 85 millions de nouvelles voitures produites dans le monde chaque année stimulent entre autres l’extraction minière et la production d’énergie fossile et électrique. Avec sa production annuelle d’environ 1,5 million de voitures, le Canada est un chef de file de l’industrie automobile. Exportant 95% des véhicules assemblés au pays, le Canada a été le troisième pays exportateur d’automobiles durant la période 1997-2016, derrière le Japon et l’Allemagne, mais devant les États-Unis. Évidemment, l’importante contribution économique d’une industrie est souvent tributaire d’un appui politique à son modèle d’affaires. 

Les leviers fiscaux

Le processus d’électrification de l’industrie automobile donne à voir la capacité historique de ce secteur à se ménager un cadre fiscal hautement favorable. À elles seules, les usines de batteries de Volkswagen et de Northvolt, affiliée à Volvo, cumuleront des subventions publiques de près de 25 milliards $. En retour, les entreprises multinationales de cette industrie n’hésitent pas à élaborer des stratégies d’évitement fiscal. Par exemple, le groupe Volkswagen a déclaré dans les 10 dernières années 18,7 milliards $CAN de profits nets au Luxembourg, diminuant ainsi ses contributions fiscales aux trésors publics des pays où elle mène des activités réelles.

Les impôts impayés de cette industrie s’ajoutent à tous les manques à gagner fiscaux qui découlent de la diminution de moitié du taux d’imposition des entreprises au Canada depuis les années 1980. Cette tendance amenuise la capacité financière des États à investir dans des infrastructures de transition, par exemple des projets de transport en commun structurants. En parallèle, le gouvernement semble prendre désormais l’habitude de recourir à la Caisse de dépôt et placement pour financer ses projets de transport en commun, tout en soutenant généreusement le transport par automobile par le biais des subventions à l’achat de voitures électriques. Celles-ci grimpent à 12 000 $ en comptant la part du palier fédéral. Autrement dit, la faiblesse du développement du transport en commun au pays soulage l’industrie automobile d’une concurrence accrue, tandis que les subventions publiques à l’achat de voitures électriques pérennisent l’hégémonie du transport de personnes par automobile. 

Les leviers socioculturels

La voiture représente beaucoup plus qu’un moyen de transport. Elle renvoie à une planification spécifique de nos milieux de vie tout en symbolisant la réussite pour qui parvient à se procurer le modèle dernier cri. Les publicités qui assaillent l’espace public et médiatique en chantent les louanges et participent à sa diffusion et à sa légitimité. Le triomphe de l’automobilité se vérifie par le taux de voitures par habitant au Québec, qui a presque triplé depuis les années 1970. À l’inverse, la part modale du transport en commun plafonne ou diminue, ce qui affecte son développement. On dénombre par exemple 7 fois moins de départs d’autocars interurbains privés au Québec en 2023 qu’en 1981, l’offre ayant fondu de 85%.

Les leviers politiques

L’évolution récente de l’industrie automobile montre que celle-ci a les coudées franches pour créer des modèles de véhicules toujours plus sophistiqués et profitables, mais non moins dommageables pour l’environnement: le poids médian du parc automobile du Québec est 30% plus élevé qu’en 1990; la proportion des voitures de luxe du parc automobile est passée de 2% à 7,1% depuis l’an 2000; les « avancées » technologiques proposées par les départements de recherche et développement des fabricants automobiles, telles que la voiture sans conducteur ou l’introduction de l’intelligence artificielle comme façon de « redéfinir notre relation avec la voiture », ne rencontrent aucune limite. Le contrôle politique de cette industrie est absent, alors que d’un point de vue écologique, les seuls modèles de voiture circulant sur les routes devraient être issus d’une planification écologique animée par la sobriété et l’atteinte minimale à l’environnement. 

Quelle voie de sortie?

L’industrie de la voiture électrique est en plein essor et entend bien enfermer les systèmes de mobilité du monde dans l’automobilité pour un siècle supplémentaire. L’Agence internationale de l’énergie prévoit qu’en 2030, 90 % des batteries produites dans le monde alimenteront des automobiles individuelles et seulement 3,5 % propulseront des autobus. La voiture électrique n’est toutefois pas plus durable. Sa production requiert trois fois plus de ressources naturelles que la voiture à essence. Les minéraux rares et polluants à extraire ainsi que les usines de batteries entraînent des problèmes écologiques tout aussi préoccupants que le réchauffement planétaire. De plus, 71% de la production mondiale d’électricité est toujours issue de sources non renouvelables. Même si l’industrie automobile pèse de tout son poids économique, politique, fiscal et culturel pour repousser le moment inévitable de son dépassement, le déplacement massif par automobile est une parenthèse historique appelée à se refermer tôt au tard.

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3 comments

  1. Mais article tendancieux et de courte vue .

    Dire que la production d’électricité est à 71% est toujours issu de source non renouvelable … misère , on est dans une transition énergétique , la production d’électricité se verdi partout dans le monde graduellement selon les régions , certains endroit plus vite que d’autres mais faut laisser la transition se faire . Comme il n’y a pas 100% de véhicule électrique du jour au lendemain .

    Véhiculer le mythe de la fabrication du ve qui est plus polluante qu’une thermique sans parler de l’utilisation des deux sur la vie totale est un non sens .

    Northvolt veut améliorer l’empreinte carbone de la batterie et pour se faire elle s’installe au Québec pour aider à réduire l’impact de ces batteries .

    Quand vous parlez de subvention vous omettez de dire que c’est plutôt un investissement et qu’à terme les gouvernements devraient encaisser des profits , non sans risque mais les affaires c’est comme ça , ily a des risques . Une chose est sur les gouvernements risques d’avoir un gros retour sur investissement lorsquils se retireront.

    svp arretez de vehiculer des mythes et encouragez la transition vers le tout electrique . la recherche est intense en ce moment sir les batteries et grace au volume que procure lautomobile cela permettra davoir des batterie performnate pour le transport ej commun , les bateau , l’avion etc…

    et surtout d’arreter de bruler du fossile dans lair qu’on respirent

  2. L’auto électrique est, pour l’industrie automobile, une nouvelle source de revenus additionnels, tout comme la 5G/6G dans le monde des télécommunications. Ça n’a aucune valeur morale.

    Toute forme de lobbying fait pour quelqu’un d’autre qu’un citoyen doit être déclaré acte criminel.

    Il faut mettre fin au BSC. (Bien-être Social Corporatif)
    Le BSC coûte plus de 30,000,000,000$ par année au trésor québécois. Puisque les entreprises ne cessent de nous dire qu’ils sont la source de la richesse.Alors qu’elles payent.

    Tout création et/ou établissement de toute entreprise doit être évaluée en fonction du bien-être du peuple. Ainsi, en absence de ce dernier, l’entreprise et ses produits se verraient refuser l’entrée sur le territoire.

  3. Bravo, excellent article qui explique bien l’emprise de l’industrie automoblle sur nos vies au quotidien
    L’absence de transport en commun efficient (train, autobus j tant en ville qu’en banlieue et d’autant plus en campagne, nous rend prisonnier de l’automobile.
    Il est urgent de revoir les plans d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Il est urgent de penser autrement.
    Merci pour ce bel exposé en espérant que les politiques s’ouvrent lees oreilles et comprennent que le temps presse

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