Fréquentation postsecondaire: cours Québec, le Canada est derrière toi!
3 mai 2016
Récemment mon collègue Minh Nguyen a mis ensembles les données à propos de la croissance des frais de scolarité au Québec. Revoir ces chiffres m’a ramené 4 ans en arrière et je me suis demandé : et puis comment ça va, la fréquentation universitaire et les frais de scolarité?
Pour ceux et celles qui ont oublié la glorieuse époque de 2012 (et surtout de 2011 dans ce cas précis), le débat autour de l’effet sur la fréquentation des frais de scolarité était sur toutes les lèvres.
L’argument que l’IRIS défendait alors (et défend toujours), est que le Québec a une haute fréquentation postsecondaire à cause de ses bas frais de scolarité et qu’une hausse de ces frais allait diminuer cette fréquentation. Nos adversaires sur cette question défendaient que le Québec n’était pas exceptionnel au Canada en terme de fréquentation postsecondaire et qu’une hausse de frais, même substantielle, n’aurait pas de conséquence sur la fréquentation.
Or, dans les 10 dernières années, le gouvernement du Québec a haussé les frais de scolarité, d’abord par une hausse allant de 2007 à 2012 imposée par le Parti libéral et ensuite par l’indexation de ses frais imposée par le Parti québécois. Bien sûr, dans le reste du Canada, les frais de scolarité ont aussi connu des fluctuations. En 2013-2014, selon Statistique Canada il en coûtait en moyenne 2657$ faire une année d’étude de premier cycle au Québec tandis que si on retire le Québec de la moyenne canadienne, celle-ci s’élève à 6359$. Pourquoi ne pas voir où nous en sommes?
D’abord, en terme de fréquentation, qu’en est-il? Est-ce que ça a beaucoup changé depuis quatre ans? C’est ce que nous présente le graphique 1.
Graphique 1 : Effectifs postsecondaires sur la population des 15-24 ans, Québec, Canada sans le Québec, 2013-2014
Sources : Statistique Canada, CANSIM, Tableaux 051-0001, 477-0033 et 477-0077.
(J’ai pris les 15-24 ans parce que c’est une donnée que tout le monde utilise, mais je crois de plus en plus qu’il faudrait davantage utiliser les 15-30 ans ou les 15-35 ans, pour mieux refléter la véritable population universitaire. Cela dit, ça ne change pas beaucoup les écarts.)
Les choses n’ont pas beaucoup changé. Le Québec a un taux de fréquentation légèrement supérieur à la moyenne côté université et bien supérieur côté collégial. Le cégep est moins cher que les collèges communautaires et techniques des autres provinces et il est quasi-obligatoire avant d’aller à l’uiversité, il est donc davantage fréquenté.
Cela dit, qu’en est-il de l’évolution de ce taux de fréquentation depuis les hausses de 2007? C’est ce que présente le graphique 2.
Graphique 2 : Effectifs postsecondaires sur la population des 15-24 ans, Québec et Canada sans le Québec, 2006-2007 à 2013-2014
Sources : Statistique Canada, CANSIM, Tableaux 051-0001, 477-0033 et 477-0077.
Comme on le voit, l’écart entre le Québec et le Canada s’est rétréci, surtout grâce à une hausse importante de la fréquentation en 2009-2010 du côté canadien. Sur toute la période, le Québec a vu sa fréquentation scolaire croître de 11,1%, au Canada la croissance est de 17,6%. Or, il est intéressant de constater que du côté des frais de scolarité, le mouvement a été inverse, c’est au Québec que les frais ont augmenté le plus vite, comme on le voit au graphique 3.
Graphique 3: Croissance annuelle des frais de scolarité du premier cycle universitaire, Québec et Canada sans le Québec, 2006-2007 à 2013-2014
Sources : Statistique Canada, CANSIM, Tableaux 051-0001, 477-0033 et 477-0077.
Comme on le constate, pendant les trois premières années de la période, le Québec voit ses frais augmenter deux fois plus vite que le reste du Canada. Les courbes se rejoignent ensuite pour rester plus proche l’une de l’autre. En moyenne, le Québec verra ses frais de scolarité augmenter de 4,7% par année tandis que le reste du Canada les verra croître de 3,6%.
Je ne me suis pas lancé dans une vérification de corrélation, avec si peu de données, je ne suis pas certain qu’on aurait trouvé grand-chose, surtout que plusieurs autres facteurs entrent en ligne de compte pour déterminer la fréquentation scolaire. L’idée n’est pas de contester le caractère multifactoriel de la fréquentation postsecondaire. Cependant, les faits demeurent : le Québec a de bas frais et une fréquentation plus élevée que la moyenne; lorsque les frais ont augmenté, la croissance de la fréquentation a été moins rapide que dans le reste du Canada où la croissance des frais a été plus modeste.
Bien sûr, on ne saura jamais quels auraient été les effets précis de la hausse de 1625$ prévue par le gouvernement de Jean Charest, mais tout nous permet de continuer à croire qu’elle n’aurait pas été bénéfique pour la fréquentation postsecondaire. Voilà un lieu où le chercheur qui regrette l’absence de donnée empirique se trouve contredit par le citoyen qui se réjouit de cette importante victoire.