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Quelques pas de plus pour un réseau de garde fort et pérenne

11 novembre 2021

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5min


En mars 2020 naissait un mouvement social qui dénonçait le manque criant de places en services de garde. Cet automne, le ministre de la Famille a répondu à leurs revendications en publiant le document Grand chantier pour les familles et en proposant une modification de la Loi sur les services de garde éducatifs à l’enfance (projet de loi 1). Très attendue, cette réforme représente un grand pas vers l’avant puisqu’elle s’appuie sur une reconnaissance du besoin criant de nouvelles places à 8,50$/jours, vise à augmenter la proportion d’enfants défavorisés sur le plan socioéconomique et les enfants vivant des situations de handicap dans les services de garde, puis elle force les milieux non reconnus (PNR) à se plier à la réglementation et aux lois en vigueur. 

Une ombre noircit cependant ce tableau presque sans faute et compromet la réussite complète de la réforme : le manque de balises encadrant la progression du financement public des garderies privées. 

Bien que l’intention d’accélérer la disponibilité des services de garde pour les parents soit louable, l’incertitude de la qualité des services offerts s’impose comme un frein pour beaucoup. Les familles ne veulent pas simplement « déposer » leurs enfants dans une garderie; elles sont à la recherche d’un milieu de vie où ils et elles pourront s’épanouir hors de la maison. Un devoir de mémoire impose de se rappeler ces femmes qui, dans les années 1970, scandaient « Pour des garderies, pas des garde-robes ».

Les CPE en perte de vitesse

Depuis 2010, la proportion des places offertes en CPE et en milieu familial est en fort déclin. L’arrivée de la CAQ au pouvoir n’aura pas suffi à endiguer la progression du privé qu’avaient permis les précédents gouvernements libéraux puisqu’autant de nouvelles places subventionnées (les fameuses places à 8,50$) ont été créées dans le secteur privé qu’en CPE dans les deux dernières années (voir le Tableau 1).

Pourtant, la qualité des services éducatifs offerts en CPE est reconnue par les expert·e·s comme étant nettement supérieure à celle des garderies privées (voir par exemple cet ouvrage et cet article), qu’elles soient subventionnées (GS) ou non (GNS). Cette déficience se traduit dans les statistiques des plaintes reçues par le ministère de la Famille.

En 2015, 73,7% des plaintes provenaient des parents utilisant les garderies privées. La situation ne s’est pas améliorée depuis 5 ans puisqu’elles formaient 85% des plaintes en 2019-2020 et 81,5% des plaintes en 2020-2021 (voir graphique 1). Ce taux est disproportionné par rapport à leur nombre puisqu’en 2021, 39,2% des enfants en services de garde fréquentaient une garderie privée. Cela signifie que les garderies privées sont 6 fois plus l’objet de plainte que les CPE et les milieux familiaux.

Les GNS reçoivent un nombre anormalement élevé de plaintes à propos du travail des éducatrices ainsi que de la sécurité et la santé des enfants. Il y a deux ans, le ministère a reçu 61 plaintes concernant l’hygiène des lieux, 23 concernant l’alimentation offerte et 70 concernant le personnel éducateur. En comparaison, les CPE en avaient reçu respectivement, 6, 2 et 17.

Les CPE, remparts contre l’interruption de services

Les CPE sont des organismes à but non lucratif administrés localement par les parents des enfants qui les fréquentent, les éducatrices et un membre externe de la communauté. Les CPE ont l’avantage d’assurer une grande continuité des services de même qu’une certaine souplesse face aux besoins des parents. En effet, leur structure organisationnelle protège les familles des fermetures soudaines que connaissent les garderies privées et les milieux familiaux puisque le service n’est pas soumis aux impératifs financiers ni à la volonté d’un seul ou de quelques individus. 

De plus, cette structure alloue une certaine souplesse pour s’accorder aux besoins de la communauté desservie. Le CA d’un CPE peut par exemple offrir des services la fin de semaine pour accommoder des parents qui auraient des horaires sortant du cadre traditionnel du 9 à 5. 

Financer publiquement la marchandisation des services à l’enfance ?

Dans son allocution du 5 novembre dernier, Mathieu Lacombe annonçait une croissance forte des places subventionnées, et ce tant dans le public que le privé : « Et, oui, il y aura des garderies privées qui vont ouvrir leurs portes, mais ce seront des garderies privées, nous, à 8,50 $, ce ne seront pas des garderies privées à 40 $, 50 $, 60 $ par jour. ». Or, la subvention gouvernementale offerte aux garderies est limitée et ces dernières n’ont pas le droit d’exiger des frais supplémentaires aux parents. Si elles respectent la Loi sur les services de garde à l’enfance, ces entreprises privées ont donc deux choix: soit elles limitent leurs profits, soit elles réduisent la qualité en coupant sur la sécurité des enfants ou l’offre alimentaire, par exemple. Par ailleurs, les entreprises qui obtiennent un permis doivent déposer un budget auprès du ministère de la Famille, mais aucune vérification ultérieure n’est effectuée, sauf dans le cas où un parent émet une plainte.

Subventionner des entreprises dont les marges de profit sont tributaires d’une diminution de la qualité est incohérent avec les intentions énoncées dans le document du Grand chantier pour les familles. Pour que la réforme soit gage de succès, le ministre devrait faire preuve de plus de fermeté. Les garderies privées devraient choisir entre les subventions et le maintien de leur statut d’organisme à but lucratif. Les années les plus cruciales du développement d’un enfant ne peuvent pas être soumises à l’impératif du profit.

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1 comment

  1. Les garderies sont de plus en plus nécessaires.
    Pourquoi?

    Ce que l’on constate comme étant des problèmes avec le réseau des garderies, n’est qu’une conséquence. De s’attaquer à la conséquence ne l’éliminera pas. C’est la cause de cette conséquence qui doit être recherchée. La cause identifiée et éliminée, la conséquence disparaîtra avec elle.

    La perte de pouvoir d’achat que nous subissons tous depuis au moins 200 ans fait que de plus en plus de ménages doivent avoir les deux parents au travail pour maintenir le niveau de vie de la famille. Le réseau des garderies doit donc grandir continuellement et il n’arrive tout simplement plus à suffire à la demande.

    La cause est le partage inéquitable de la richesse.

    Les mécanismes utilisés pour amplifier cela sont doubles:
    1- La culture de l’ignorance comme moyen d’asservissement des masses.
    2- Le pouvoir des banques privées de créer et d’utiliser l’argent-dette.

    Voila à quoi il faut s’attaquer!
    – L’ignorance systémique doit disparaître!
    – Le pouvoir des banques privées de créer et d’utiliser l’argent-dette doit être détruit à tout jamais!
    Quand est-ce qu’on commence?

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