Paradis fiscaux: la filière des énergies renouvelables
9 octobre 2024
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Le projet de loi 69 (PL69) sur la réforme du secteur de l’énergie au Québec prévoit notamment faire une plus grande place au secteur privé dans la production et la distribution de l’électricité au Québec. L’objectif poursuivi par le gouvernement est de transformer le cadre réglementaire québécois sur l’électricité afin d’attirer des capitaux privés et générer des investissements dans la filière des énergies renouvelables. Le PL69 envisage par exemple de briser le monopole d’Hydro-Québec sur la distribution d’électricité et permettre à des entreprises privées d’en faire le commerce de manière autonome. Lorsqu’Hydro-Québec réalise des profits sur la vente d’électricité, une proportion de 75% est remise annuellement à l’État québécois sous forme de dividendes, soit 2,5 milliards $ en 2023. Qu’en est-il pour les entreprises privées propriétaires d’infrastructures d’énergies renouvelables?
Énergies renouvelables et Luxembourg: le courant passe
Qu’ont en commun les entreprises Brookfield Corp, Enbridge, Énergir et Boralex? Elles sont canadiennes, elles détiennent des infrastructures liées aux énergies renouvelables et ont transféré des dizaines de millions de profits nets au Luxembourg dans la dernière décennie, à l’abri de l’impôt. Le tableau suivant détaille les montants transférés.
Ces données sont tirées d’une étude publiée l’an dernier par l’IRIS et qui recensait le transfert de profits des entreprises canadiennes au Luxembourg, le seul paradis fiscal dont les données sont accessibles au public. Cela signifie que l’évitement fiscal dont sont responsables ces entreprises pourrait être d’une plus grande ampleur, mais qu’il est impossible de l’estimer étant donné le caractère opaque de la plupart des juridictions de complaisance.
Par exemple, on ne peut savoir quel est le niveau de revenus déclarés par l’entreprise Brookfield Corp aux Bermudes, où elle a décidé d’établir les activités de sa filiale détentrice des actifs renouvelables de la société mère. Notons à ce sujet que Brookfield Renewable Partners, des Bermudes, détient des infrastructures produisant pas moins de 32,5 GW d’énergie renouvelable à travers le monde, soit environ 90% de la capacité d’Hydro-Québec. Dans ses rapports, Brookfield Renewable Partners annonce par ailleurs que 154 GW additionnels d’électricité renouvelable sont en cours de développement à l’international, ce qui représente l’équivalent de quatre fois la capacité de production d’Hydro-Québec. Tout indique que les profits de ces grands projets transiteront par les Bermudes.
Le tableau ci-haut dresse donc un portrait minimal et ne représente que la pointe de l’iceberg de l’évitement fiscal chronique des entreprises multinationales d’énergies renouvelables. Quels flux financiers transitent par la filiale Enbridge Finance Barbados Limited, d’Enbridge, à la Barbade? Quelle quantité de profits est déplacée dans la filiale aux Îles Caïmans de NextEra Energy, l’une des plus grandes entreprises d’énergies renouvelables au monde?
Lorsque le gouvernement de la CAQ souhaite attirer des investisseurs internationaux pour injecter des capitaux dans la filière des énergies renouvelables, telle que l’énergie éolienne, ce sont précisément ce type d’entreprises qui sont visées, soit des groupes qui multiplient les stratagèmes pour payer le moins d’impôt possible sur leur activité. Cette mainmise des grandes entreprises sur les actifs énergétiques renouvelables est synonyme de désastre pour les trésors publics du monde.
Transition énergétique… et fiscale
Face à la nécessaire transition écologique que nos sociétés devront réaliser, il ne suffira pas de remplacer les énergies fossiles par d’autres sources renouvelables. Prenons par exemple le cas de l’entreprise multinationale des sables bitumineux Cenovus Energy, qui dans les dernières années a transféré en toute légalité 1,6 milliard de profits nets au Luxembourg malgré qu’il n’y ait aucune mine de sables bitumineux au Luxembourg. En planifiant de façon juste la sortie des énergies fossiles, l’horizon envisagé ne devrait pas être la naissance d’une Cenovus Energy 2.0 productrice d’énergies renouvelables, mais plutôt le démantèlement de ces majors de l’énergie qui en plus d’être grandement responsables de la plus grave crise de l’histoire des sociétés humaines, amenuise la capacité financière des États à nous en sortir.
La transition énergétique se limite pour le moment à des changements technologiques, alors que les bouleversements écologiques actuels devraient plutôt susciter de profondes réformes fiscale, politique et économique. Les agissements fiscaux et environnementaux des entreprises privées de l’énergie justifient qu’on leur retire le soin de produire et distribuer un produit aussi critique que l’énergie. Tant les milliards de dollars que remet chaque année Hydro-Québec au gouvernement que les profits faramineux que transfèrent les entreprises privées de l’énergie au Luxembourg et ailleurs sont la preuve que le secteur de l’énergie devrait relever exclusivement du public. En transformant le cadre réglementaire de l’énergie hérité de la Révolution tranquille pour augmenter le rôle des entreprises privées, le projet de loi 69 du gouvernement de la CAQ nous éloigne de cette avenue.
3 comments
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Comment arrêter cela?
De mon point de vue, les paradis fiscaux sont plutôt des enfers fiscaux…Comme contribuable, je considère de mon devoir de payer des impôts pour contribuer à une meilleure redistribution des richesses. Les entreprises qui placent leurs profits dans ces supposés paradis fiscaux cherchent au contraire à échapper à ce devoir citoyen. Il s’agit d’un refus de devoir citoyen…
Je suis scandalisée de voir « le » gouvernement entrevoir la possibilité de la participation de l’entreprise privée dans la production d’énergie et s’enrichir en transférant leurs gains dans le « paradis-enfers » fiscaux. Briser par le fait même notre propriété québécoise acquise au temps de la Révolution tranquille grâce à des politiciens visionnaires et responsables.
Difficile d’être dirigés par des aveugles volontaires qui dilapident nos revenus à grands coups de milliards: paiement pour des joueurs de hockey milliardaires, investissement EXAGÉRÉ pour des nouvelles compagnies en développement sans consulter la population (BAPE), 3e LIEN ???, système de Santé décentralisé à outrance etc. Etc . La gestion de l’eau …. preoccupe-t-elle ?? Attendons-nous qu’il soit trop tard? Où allons-nous ?