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La transition juste au-delà de l’industrie fossile. Pistes de réflexion pour la transformation du secteur industriel au Québec

16 novembre 2022

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58min


La décarbonisation du secteur industriel, qui au Québec est le deuxième plus grand émetteur de GES, s’impose aujourd’hui comme un incontournable de la lutte aux changements climatiques. Or, la transition écologique nécessaire à la décarbonisation des industries doit être planifiée, sans quoi elle aura des effets dévastateurs sur les populations de certaines régions. À cet effet, le Québec gagnerait à s’inspirer de l’expérience de l’Alberta qui a mis fin à l’exploitation du charbon sans consulter les municipalités et les travailleurs et travailleuses concerné·e·s. La présente note socioéconomique dresse un état des lieux du secteur industriel québécois afin d’identifier les entreprises les plus polluantes et les principaux acteurs qui en dépendent en vue de préparer la transition énergétique à venir.

L’accélération du réchauffement planétaire, à nouveau mise en évidence par les plus récents rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), rend urgente la mise en œuvre d’une transition écologique juste. Pour ce faire, un dialogue avec les parties concernées doit être entrepris aussitôt que possible sur les moyens de mettre en œuvre cette transition, sans quoi le dérèglement climatique imposera de lui-même une transformation économique et sociale. La pandémie de COVID-19 nous offre à cet égard de tristes leçons quant aux conséquences du manque de planification face aux catastrophes naturelles.

Cela dit, décarboniser l’économie du Québec implique de prévoir une transformation du secteur industriel, le deuxième secteur économique émetteur de gaz à effet de serre (GES) de la province. Pour ce faire, le gouvernement devra non seulement soutenir l’essor d’un tissu industriel qui permet une résilience économique, mais aussi s’assurer que les entreprises les plus polluantes opéreront une transition juste pour celles et ceux qui en dépendent.

La présente note socioéconomique aborde d’abord la notion de transition juste en réitérant l’importance d’un dialogue social sur la transformation des industries compte tenu de quantité importante de GES émise par ce secteur. Ensuite, l’étude du cas de la sortie du charbon en Alberta, de ses bons coups et de ses ratés, sert d’exemple de transition juste pour la planification d’une transformation du secteur industriel. Enfin, nous dressons un portrait des établissements les plus polluants du Québec en présentant à quel secteur industriel ils appartiennent, le nombre d’emplois qui y sont reliés, les municipalités et les régions qui en dépendent ainsi que les sociétés mères et actionnaires concernés.

Le dialogue social et la planification comme conditions nécessaires pour une transition juste

Une transition juste a pour but l’atteinte d’une économie faible en émission de carbone, ou « décarbonisée », qui garantit des emplois de qualité et ne laisse personne derrière. C’est donc un résultat souhaité, mais aussi un processus. Une transition juste requiert l’accompagnement des travailleurs et des travailleuses des industries polluantes et des communautés qui en dépendent dans la transformation du modèle économique et des emplois qu’il soutient. Elle renvoie à l’ensemble des initiatives de diversification économique, de requalification professionnelle et de restauration écologique nécessaires à cette transformation du tissu économique, dont l’objectif est de répondre aux besoins des citoyen·ne·s dans le respect des limites écologiques de la planète1. Pour l’instant, une telle démarche n’a pas été entamée par le gouvernement du Québec, malgré la multiplication des événements climatiques extrêmes attribuables au réchauffement planétaire et la destruction de plusieurs écosystèmes en raison de l’activité humaine.

Portrait des émissions de GES du Québec

Le Québec peine à réduire ses émissions de GES en dépit de l’adoption de plans successifs de lutte contre les changements climatiques. En 2019, elles n’avaient chuté que de 2,7 % par rapport à 1990 (graphique 1). À titre comparatif, l’Union européenne a, sur la même période, diminué ses émissions de 25,9 %. Pour 2030, le gouvernement québécois n’a pourtant pas choisi d’accélérer la cadence malgré un objectif de réduction des émissions fixé à 37,5 %.

Les données du graphique 1 nous permettent de constater l’écart entre la tendance des émissions réelles du Québec et la trajectoire que proposent les cibles de réduction du gouvernement. On remarque que la plus récente baisse des émissions correspond au ralentissement économique qui a suivi la crise financière mondiale de 2008. Cependant, suivant un effet de rebond, le niveau des émissions de GES a ensuite rejoint celui des années 1990. Une situation semblable se dessine après 2019. En effet, selon le Global Carbon /Project, alors que la pandémie a forcé une réduction record des émissions mondiales en 2020, les émissions pour 2021 ont suivi une trajectoire croissante comparable à celle du retour de la crise de 2009 et se rapprochent aujourd’hui des niveaux d’avant la COVID-192.

Pour que le Québec atteigne ses cibles de réduction d’émissions, le gouvernement devra être proactif, car les gains que les derniers chocs économiques nous ont permis de réaliser ne sont que temporaires. D’ailleurs, le GIEC rappelait dans son plus récent rapport l’importance de décarboniser rapidement l’économie mondiale afin d’éviter les conséquences irréversibles des changements climatiques en cours3. Dans ce contexte, il apparaît plus avisé d’opérer d’abord des changements dans les secteurs les plus polluants. Comme on peut le voir dans le graphique 2, qui présente les émissions de GES au Québec par secteur d’activité en 2019, la contribution aux émissions de GES varie d’un secteur à l’autre.

Alors qu’on sait que le secteur d’activité qui génère le plus de GES est celui du transport, responsable de 43,3 % des émissions de la province, on constate qu’avec près de 30 % des émissions de GES, le secteur industriel arrive second au Québec. Notons de plus que les émissions générées par le transport de marchandises et de déchets du secteur industriel sont comptabilisées sous le secteur du transport, qui attribue 36,5 % de ses émissions aux véhicules lourds4. La contribution du secteur industriel aux changements climatiques est donc importante.

D’ailleurs, les émissions de GES de ce secteur ont connu une baisse de seulement 1 point de pourcentage en 10 ans5,6, malgré la mise en place du système québécois de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE). Adoptée en 2013, cette mesure vise les entreprises dont les établissements émettent plus de 25 000 tonnes métriques d’équivalent CO2 (t éq. CO2)7,8 et constitue la principale mesure de diminution des émissions de GES du secteur industriel au Québec. Des efforts supplémentaires seront requis afin de diminuer les émissions de GES des industries. Toutefois, les transformations requises pour réduire l’empreinte environnementale des industries québécoises risquent d’affecter profondément la main-d’œuvre et les communautés qui en dépendent. La transition doit donc être planifiée, à défaut de quoi elle pourrait souffrir d’un déficit d’acceptabilité sociale ou carrément rater sa cible, comme nous le verrons dans les pages qui suivent.

La transition écologique : un processus à planifier

Bien que le travail de remodelage de la structure industrielle du Québec puisse sembler colossal, il faut d’abord se rappeler que ce genre de transformation a déjà eu lieu lors de crises économiques qui ont touché le pays par le passé, quoique de manière non planifiée. Ainsi, le Canada avait au 20e siècle un des secteurs manufacturiers les plus importants au monde. Au tournant du 21e siècle, alors que le secteur employait plus de deux millions de Canadien·ne·s, ce qui représentait alors 16 % des emplois9, près du quart des emplois ont été délocalisés ou ont tout simplement disparu par manque de compétitivité. En 2010, le secteur manufacturier ne représentait plus que 10 % de l’ensemble des emplois au pays. La plupart de ces emplois étaient situés au Québec et en Ontario10. Entre 2000 et 2020, la fabrication est passée de 19 % de l’emploi au Québec et en Ontario à 11 %11.

Certes, le déclin du secteur manufacturier canadien a représenté un changement majeur pour le marché du travail du Québec, qui a coïncidé avec une période de chômage important. Il s’agit, aussi, d’un mouvement de délocalisation de la production, qui, loin d’avoir été décarbonisée, a seulement été déplacée vers des pays ou les droits du travail et de l’environnement sont moins protégés. Les travailleuses et travailleurs touchés ainsi que leurs communautés auraient gagné à ce que la crise du secteur manufacturier soit planifiée en amont pour pouvoir s’y adapter.

Bien que les principes de la transition juste n’aient pas été appliqués durant cette période, force est de constater que tant l’économie québécoise qu’ontarienne se sont remises de cette transformation et que, depuis, les deux provinces ont connu une hausse de l’emploi dans divers secteurs. Notons d’ailleurs que le taux de chômage est généralement plus bas au Québec et en Ontario par rapport à la moyenne nationale. En mars 2022, le taux de chômage au Québec était le plus bas au Canada12.

Il importe cependant de voir qu’une transition non planifiée, ou du moins qui n’est pas réalisée afin de répondre aux besoins des communautés, s’accompagne d’importants coûts sociaux. Faire face à la crise climatique doit dès lors signifier aussi de prévoir les reconfigurations du marché du travail qui accompagneront la transition. La première étape de ce processus, et celle qui assurera une transition juste, consiste ainsi à entamer un dialogue social avec les parties prenantes.

Les étapes d’une transition juste

Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), le dialogue social est le premier principe directeur pour une transition juste, car il permet de construire un consensus sur les objectifs à atteindre et de mettre en place un plan de réalisation de la transition. L’OIT définit le dialogue social comme « [t]out type de négociation, de consultation ou d’échange d’informations entre, ou parmi, les représentants des gouvernements, des employeurs et des travailleurs, sur des questions d’intérêt politique, économique et social commun13 ». D’après l’OIT, les gouvernements devraient développer et formaliser un mécanisme facilitant le débat entre les partenaires sociaux concernés par l’anticipation des défis sur le plan de l’emploi. Cet espace de dialogue devrait être maintenu à tous les niveaux et à toutes les étapes de la transition14.

En mettant en place des mesures qui visent à assurer la survie économique et sociale des communautés affectées, et non seulement des salarié·e·s des industries en cause, on s’assure aussi de minimiser la résistance des populations qui ont un attachement culturel aux industries polluantes de leur région. Si les intérêts économiques supplantent les nécessités environnementales et sociales, l’objectif premier de rendre l’économie plus durable ne pourra être atteint.

À cet effet, l’économiste Jim Stanford, du groupe de recherche Centre for Future Work, a établi 10 principes nécessaires à la transition juste pour la sortie des hydrocarbures en Alberta. Nous présentons au tableau 1 ces principes adaptés pour le Québec afin de faciliter l’amorce de ce dialogue. Pour l’instant, le Québec ne semble pas avoir amorcé ce processus.

Mais avant de poursuivre notre analyse de la situation au Québec, un regard sur l’expérience récente de la sortie du charbon en Alberta nous permettra d’entrevoir des scénarios de ce que pourrait être une transition juste pour les industries privées les plus polluantes du Québec.

Le cas du charbon en Alberta

La sortie du charbon amorcée en 2012 par le gouvernement de Stephen Harper constitue un exemple en matière de transformation industrielle dont peut s’inspirer le Québec puisque les acteurs de cette transition relevaient aussi du secteur privé et que le processus était basé sur des principes de la transition juste. En s’inspirant de cette expérience, le Québec pourrait être en mesure de ne pas reproduire les erreurs dont ont souffert les communautés charbonnières par le passé.

Bref survol des lois et des politiques fédérales ayant forcé la sortie du charbon

En 2012, le gouvernement fédéral adopte un règlement en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement qui exige une norme d’émissions de 420 tonnes d’équivalent dioxyde de carbone par gigawattheure pour les centrales au charbon15. Ce règlement est par la suite modifié afin que ces établissements soient contraints de respecter la norme avant le 31 décembre 2029. Puisque ce plafond rend l’utilisation du charbon non profitable pour les centrales, elles s’en départiront progressivement avant cette échéance.

En novembre 2015, 44 ans de gouvernement conservateur sont interrompus par l’élection du Nouveau Parti démocratique (NPD) en Alberta. Le NPD propose le Plan de leadership sur le climat de l’Alberta et d’élimination progressive de la production d’électricité au charbon d’ici 2030. À ce plan s’ajoute une nouvelle tarification du carbone en plus de l’exigence que 30 % de l’électricité de la province soit produite à partir de sources renouvelables. À l’époque, l’énergie produite à partir du charbon représentait près des deux tiers de la demande d’électricité de la province16. Ces mesures sont accompagnées de l’établissement d’un plafond des tarifs d’électricité.

La dynamique entre les secteurs privé et public

Les centrales électriques de l’Alberta appartiennent à des entreprises privées depuis la déréglementation du secteur en 2001. Sur le territoire, seules quatre compagnies, les plus grandes sociétés d’électricité de la province, produisent la majorité de l’énergie générée à partir du charbon. Parmi celles-ci, TransAlta, ATCO et Capital Power concluent une entente avec le gouvernement provincial pour assurer leur participation dans la sortie du charbon.

En 2016, l’Off-Coal Agreement est ainsi conclu afin de compenser ces entreprises pour leurs pertes de revenus et éviter qu’elles ferment leurs portes avant 2030. Une compensation de 1,36 milliard de dollars sur 14 ans, financée par la taxe carbone, leur sera versée afin qu’elles restent actives dans le marché de l’électricité en Alberta pendant qu’elles se défont de leurs effectifs charbonniers.

Bien que les termes de l’entente soient confidentiels, l’objectif semble être de protéger un certain nombre d’emplois17. Si un gouvernement subséquent souhaite annuler l’entente, il aura besoin de l’approbation des compagnies signataires, qui y ont un intérêt financier trop important pour accepter. Grâce à cette entente, le processus de transition des employé·e·s est donc préservé à travers les cycles électoraux, depuis son adoption par le NPD jusqu’à aujourd’hui.

En 2019, le Parti conservateur uni, avec Jason Kenney à sa tête, remporte les élections et une grande partie des mesures du gouvernement néo-démocrate sont annulées, dont le plafonnement des prix de l’électricité18, les programmes Energy Efficiency Alberta et Green Loan Guarantee, qui servaient de soutien au développement des énergies renouvelables19, ainsi qu’une partie de la taxe carbone visant les individus. Dans la modification de la taxe carbone, le tarif est augmenté pour les entreprises afin d’être reconnu suffisant par le gouvernement fédéral20.

Les mesures prises pour que la transition soit juste en Alberta

Dans un rapport publié par l’Institut Parkland en 2019, les chercheurs Ian Hussey et Emma Jackson estiment que cette transition en Alberta implique la perte de 2 890 emplois21 d’ici 2030. Ils considèrent aussi que, si le gouvernement Kenney n’avait pas annulé le programme de transition vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique du NPD, il aurait pu créer entre 900 et 2 500 emplois annuels, auxquels s’ajoutent 1 070 emplois créés par la conversion des centrales de charbon au gaz22,23. De plus, avec 40 millions de dollars de subventions en soutien aux travailleuses et aux travailleurs affectés, l’Alberta aurait couvert plusieurs éléments essentiels d’une transition juste, tels que :

  • des subventions de transition vers le réemploi ;
  • des subventions de transition vers la retraite ;
  • des fonds pour les frais de déménagement ;
  • des bons de scolarité pour les employé·e·s qui décident de reprendre leurs études ;
  • des services de conseil en matière de carrière et d’emploi ;
  • des comités multipartites d’adaptation de la main-d’œuvre pour créer des plans de transition adaptés à chaque travailleur et travailleuse24.

En plus des salarié·e·s, les municipalités étaient également concernées puisque leurs revenus dépendaient largement des taxes foncières de l’infrastructure charbonnière et des hauts salaires des employé·e·s de l’industrie. Afin de venir en aide à 17 de ces 20 municipalités et communautés des Premières Nations touchées par la sortie du charbon, le gouvernement albertain leur a octroyé 5 millions de dollars sur 2 ans à partir de mars 2018. Ce fonds de transition était voué à la diversification de l’économie locale. Une somme de 200 millions de dollars sur 20 ans avait également été promise pour des projets locaux de production d’électricité, mais la mesure a été annulée en 201925. L’aide financière reçue du gouvernement provincial s’est ajoutée à celle du fédéral, qui s’est engagé à hauteur de 35 millions de dollars sur 5 ans depuis 2018 pour la main-d’œuvre et les collectivités touchées par la transition à travers le Canada26.

L’autre côté de la médaille

Bien que les efforts déployés par les gouvernements canadien et albertain représentent un pas dans la direction d’une transition juste, ils furent d’une ampleur insuffisante. En effet, la somme déboursée par le fédéral ne couvre pas l’ensemble des coûts qu’implique l’élimination graduelle du charbon. Ceux-ci s’élèveront à plusieurs centaines de millions de dollars et s’échelonneront au-delà de 2030, d’après ce qu’estime le Groupe de travail sur la transition équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes27 mandaté par le ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada28.

Pareillement, l’Alberta Federation of Labour exigeait, déjà en 2017, davantage d’investissements pour soutenir les salarié·e·s, leurs familles et leurs communautés. Ce syndicat soutient que des millions de dollars sont nécessaires pour que la transition soit équitable et que cette somme est faible comparé aux milliards octroyés à l’industrie. Il juge même que cette aide financière aux entreprises n’était pas nécessaire puisque avant l’Off-Coal Agreement, l’incitatif financier du marché poussait déjà les compagnies vers des sources d’énergie alternatives29. En effet, dès le début de leurs opérations, les entreprises ont pris un risque conscient en investissant dans le charbon puisque des politiques de réduction de GES étaient attendues30.

D’autre part, l’Off-Coal Agreement a été signé sans l’avis préalable des travailleurs et des travailleuses et des communautés concernées. En effet, ils ont été consultés par le ministère du Commerce et du Développement économique dans un processus séparé des négociations avec les entreprises qui, elles, étaient conduites par le ministère de l’Énergie albertain31. Et en raison de la confidentialité des échanges entre le gouvernement et les entreprises privées, l’alignement des modalités avec l’intérêt des collectivités est invérifiable. Le respect des principes d’une transition juste par ces entreprises est donc difficile à évaluer.

Les municipalités furent aussi largement laissées pour compte dans le cadre de la sortie du charbon en Alberta. Certaines d’entre elles ont fait face à un exode de leur population, alors que des familles dont le gagne-pain provenait de l’industrie charbonnière ont déménagé dans l’espoir de trouver de l’emploi ailleurs.

Notons enfin que le gouvernement albertain a pu se permettre de prendre une position ferme sur la sortie du charbon grâce à l’offre excédentaire d’électricité à faible coût de la province et à l’abondance de gaz naturel produit en Alberta32. Mais en passant du charbon au gaz, le secteur électrique albertain émettra quand même jusqu’à 25 millions de tonnes (Mt) d’équivalent CO2 en 203033. Cette source d’énergie produit peut-être moins de GES par unité d’énergie produite que le pétrole et le charbon, mais elle occasionne des fuites de méthane dont l’effet de serre est 84 à 86 fois plus puissant que le CO2 sur une période de 20 ans34. Ce changement de source d’énergie permettra à environ le tiers de la main-d’œuvre de l’industrie charbonnière de conserver un emploi dans le même établissement, la centrale électrique, mais cela ne fait que perpétuer la dépendance des travailleurs et des travailleuses envers une entreprise polluante et les met à risque de subir le choc d’une autre transition. De plus, les emplois verts censés absorber le reste des salarié·e·s mis à pied n’ont pas connu autant de succès que prévu étant donné l’abandon du plan du NPD, alors que les postes disponibles dans ce secteur s’avèrent moins bien rémunérés et peu syndiqués.

L’Alberta a donc réussi à protéger efficacement l’intérêt privé, mais a failli à soutenir les employé·e·s et les communautés puisque les programmes d’aide ont été annulés après l’élection du gouvernement Kenney. Cela dit, l’analyse de l’expérience albertaine permet de tirer des enseignements utiles pour entamer une démarche de transition juste.

Des leçons à tirer pour le Québec

Bien que le Québec n’ait pas à effectuer une transition énergétique de la même nature que celle qui s’est déroulée en Alberta, la province devra elle aussi entreprendre une transition qui touchera fortement les acteurs privés de différents secteurs économiques.

Il est donc essentiel pour la population du Québec d’amorcer au plus tôt le débat public sur la décarbonisation de l’économie de la province par la transition juste des industries privées les plus polluantes. Ce dialogue permettrait d’inclure les communautés concernées plutôt que de laisser la prise de décision aux gestionnaires d’entreprises de l’industrie à transformer et au gouvernement35 comme ce fut le cas en Alberta. Cela étant dit, le dialogue social nécessaire pour entamer une transition juste doit s’appuyer sur une connaissance fine de la situation. C’est dans cette perspective que nous dressons le portrait des industries polluantes au Québec dans la section qui suit.

Planifier la transition du secteur industriel

Le concept de transition juste évoque bien souvent la sortie des énergies fossiles et le passage vers les énergies renouvelables. Le Québec doit faire des efforts en ce sens même si l’hydroélectricité, une énergie renouvelable, y occupe une place importante. En effet, la transformation du tissu industriel de la province apparaît comme une priorité dans la réduction des émissions de GES.

Portrait de l’impact environnemental du secteur industriel

Le secteur industriel est responsable de 29,4 % des émissions totales de GES au Québec. La moitié des émissions du secteur provient de la combustion industrielle (50,1 %) et l’autre des procédés industriels et de l’utilisation des produits comme par exemple les solvants (49,3 %) ainsi que des émissions fugitives (0,6 %) qui proviennent du transport, de la distribution du gaz naturel et des torchères des raffineries du pétrole36. À l’échelle mondiale, le secteur industriel fait aussi partie des principaux responsables du réchauffement planétaire, étant le troisième secteur émettant le plus de CO2 après l’agriculture et l’énergie37. D’après l’Agence internationale de l’énergie, 75 % des émissions de ce secteur proviennent de 5 industries : l’acier, le ciment, les produits chimiques, l’aluminium et les pâtes et papiers38. Cette situation est similaire au Québec, selon le bilan sur la réduction des émissions industrielles de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie de HEC Montréal39.

Le graphique 3 présente la répartition des GES du secteur industriel selon les sous-secteurs et la source des émissions. Dans une perspective de décarbonisation, les émissions énergétiques, c’est-à-dire les GES émis par la combustion d’énergie, pourraient probablement être réduites par l’utilisation d’énergies renouvelables. Cependant, une source d’énergie faible en carbone n’est peut-être pas accessible ou utilisable comme substitut d’énergie fossile pour toutes les industries, selon leurs procédés. La décarbonisation de ces industries de transformation à haute intensité énergétique requerra des changements technologiques qui affecteront les processus fondamentaux de production, soit les infrastructures matérielles, les méthodes d’approvisionnement, les procédés industriels, les procédés chimiques, etc40.

Par ailleurs, une simple substitution énergétique ne suffirait pas puisque la majorité des GES du secteur industriel sont non énergétiques. Ces émissions proviennent des types de procédés utilisés dans certaines industries comme celles des métaux, des minéraux, du ciment et des produits chimiques, ainsi que de l’utilisation de solvants ou d’halocarbures pour la réfrigération41. Pour ces industries, la tâche de réduire leur empreinte carbone s’avère plus complexe, car elles devront changer leurs techniques de production pour réduire leurs émissions. Les secteurs produisant le plus de GES non énergétiques par rapport à leurs émissions totales sont les déchets, l’agriculture, la fonte et l’affinage non ferreux (y compris les alumineries), le ciment et les produits chimiques.

La transition de ces industries est gênée par l’insuffisance des politiques environnementales en place42, sans compter le fait qu’elles n’en tirent aucun bénéfice économique et qu’elles risquent de ne plus être concurrentielles sur le marché international43. L’absence d’incitatif économique est une barrière significative considérant l’importance de ces industries dans les exportations du Québec. Par exemple, l’aluminium et les alliages d’aluminium sous forme brute représentaient 6,5 % des exportations de la province en 2019 et ce chiffre s’élevait à 3,6 % pour les minerais et les concentrés de fer44.

La pollution produite par l’ensemble des industries du Québec est souvent justifiée par les revenus qu’elles génèrent. Cependant, la prise en compte des émissions de GES dans le calcul de rendement change la perspective sur la performance de ces industries. L’Institut de la statistique du Québec a récemment publié une simulation des impacts économiques et de l’incidence environnementale de chaque tranche en dépenses d'exploitation après 100 millions de dollars45 par l’intermédiaire du modèle intersectoriel du Québec (MISQ)46. Cet outil permet de mesurer l’effet sur le PIB et les émissions de GES de ce type d’investissement. Le graphique 4 présente l’impact environnemental en termes d’émissions de gaz à effet de serre de chaque secteur de niveau agrégé de l’économie pour une même dépense de production.

Le graphique 4 montre que, pour chaque tranche de 100 millions de dollars de dépenses de fonctionnement, le secteur de l’extraction de matière première au Québec fait hausser le PIB de près de 75 millions de dollars et augmente les GES de 73,4 kilotonnes d’équivalent CO2 (kt éq. CO2). Le secteur de la fabrication, quant à lui, augmente le PIB de 52,3 millions de dollars et émet 24,4 kt éq. CO2, une estimation qui ne tient pas compte des émissions liées à la biomasse, qui peuvent empirer le bilan environnemental de ce secteur, dont fait partie l’industrie des pâtes et papiers. Ces résultats contrastent avec ceux de secteurs qui, comme les services publics, contribuent de manière importante au PIB sans alourdir pour autant le bilan de GES du Québec. Ils font aussi des matières premières et de la fabrication des cibles prioritaires pour une transition écologique.

Pour le secteur manufacturier, qui emploie un nombre important de personnes à travers le Québec, planifier rigoureusement la transition revêt dès lors une importance particulière, surtout si elle implique de réduire considérablement, voire de cesser progressivement les opérations du secteur. Cela dit, bien que ce secteur soit un grand employeur, il génère moins d’emplois que la moyenne de l’économie. En effet, d’après une étude de l’économiste Jim Stanford47,48, le secteur manufacturier canadien crée 7,9 emplois par million de dollars en valeur ajoutée, soit 0,7 emploi de moins que la moyenne de tous les secteurs. Pour le secteur minier, c’est à peine 1,4 emploi qui est généré pour chaque million ajouté.

Les retombées économiques de la production de ces secteurs en matière d’emplois et de revenus sont donc assez faibles comparativement à l’ampleur de leur contribution aux changements climatiques par leurs rejets de GES. Étant donné la manière dont elles fonctionnent présentement, faire croître ces industries représenterait, en somme, des investissements inefficaces sur les plans social, économique et environnemental.

Comme le point de non-retour d’un réchauffement planétaire de 2 °C est presque atteint, une mise sur pause ou une réduction de la production de ces grands émetteurs doivent plutôt être envisagées. Les études sur l’incompatibilité de la croissance du PIB et de la stabilisation du climat et celles émettant de sérieux doutes sur l’efficacité des technologies pour retirer du carbone de l’atmosphère ainsi que sur le déploiement à grande échelle d’énergies renouvelables sont de plus en plus nombreuses49. Dans un scénario post-croissance, le régime de production du secteur industriel devra sûrement être revu à la baisse.

Nous proposons dans la section qui suit un portrait descriptif de ces industries polluantes et des municipalités qui seraient le plus affectées par leur transition.

Méthodologie

Au Québec, la politique la plus contraignante à laquelle les industries font face est le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE) de GES, en vertu duquel les établissements50, 51 émettant plus de 25 000 tonnes d’équivalent CO2 ont le devoir de déclarer ces émissions au gouvernement. Le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) tient et met à jour chaque année un registre de ces établissements52. Ces données permettent de dresser un portrait des plus grands pollueurs, ceux qui émettent, en incluant le CO2 attribuable à la biomasse, au-delà de 50 000 t éq. CO2, soit l’équivalent de l’utilisation annuelle de 20 000 voitures53, 54.

*Pourquoi inclure les émissions d e la biomasse

Pour les besoins d e l’étude, les émissions d e GES des établissements incluent les émissions en tonnes d’équivalent CO2 d e la biomasse. Le Registre des émissions d e gaz à effet d e serre du gouvernement du Québec compte la quantité d e CO2 attribuable à la combustion et à d’autres fins d’utilisation d e la biomasse et des biocombustibles. Il est à noter que l’inventaire québécois annuel des GES du ministère d e l’Environnement et des changements climatiques ne comptabilise normalement pas le dioxyde d e carbone provenant d e la biomasse, car il considère que le CO2 relâché pendant la décomposition ou la combustion d e la biomasse est recyclé par les forêts, notamment grâce à la photosynthèse50. Cette façon d e faire relève d’une politique d e l’ONU désuète qui traite comme carboneutre l’utilisation d e biomasse. Aujourd’hui, plusieurs scientifiques remettent en question cette pratique51 et 52. Selon eux, la logique derrière cette affirmation d e carboneutralité d e la biomasse ne prend pas en compte la dimension temporelle du recyclage d’émissions. L’absorption naturelle du CO2 se fait à un rythme beaucoup plus lent que le relâchement d’émissions des usines utilisant la biomasse comme combustible. L’utilisation d e la biomasse pour la combustion prendrait donc d e 50 à 100 ans pour devenir carboneutre53 si des arbres sont bel et bien plantés en remplacement d e ceux qui ont été coupés. De plus, plusieurs études démontrent que la combustion d e la biomasse forestière émet plus d e CO2 par unité d’énergie finale que les combustibles fossiles54. Les émissions nettes cumulées peuvent ainsi dépasser celles des énergies fossiles pendant des décennies, voire plus d’un siècle. Ces justifications motivent l’utilisation des émissions reliées à la biomasse dans cette étude. L’inclusion des émissions d e la biomasse influence grandement le portrait des grands émetteurs d e GES, sachant qu’elles représentaient le tiers des GES associés au secteur industriel en 2016 (33 %) d’après la Chaire d e gestion du secteur d e l’énergie d e HEC Montréal55.

Afin de déterminer le nombre d’emplois associés aux établissements polluants, nous avons utilisé la Banque d’information industrielle d’Investissement Québec (ICRIQ)55. Ce répertoire contient des données sur les entreprises québécoises du secteur manufacturier, de la distribution et des services aux industries. La banque de l’ICRIQ est constituée de fiches d’information, remplies par les entreprises elles-mêmes en 2020 ou en 2021, qui divulguent, entre autres, le nombre d’employé·e·s par établissements au Québec. Le nombre d’employé·e·s du secteur manufacturier est divisé en deux catégories : les emplois de production à l’usine et ceux relevant de la direction ou de l’administration56. La somme de ces emplois permet d’estimer le nombre total de travailleurs et de travailleuses dans les industries polluantes d’une municipalité57. Dans les cas où les établissements n’avaient pas de fiche dans le répertoire de l’ICRIQ, les données de l’Inventaire national des rejets de polluants58 ont été utilisées. Pour les valider, le site web officiel de la compagnie ou des documents publiés par celle-ci ont été consultés.

Pour déterminer le nombre de personnes dépendantes de ces installations parmi les plus polluantes, nous avons additionné le nombre d’employé·e·s des entreprises situées dans une même municipalité, puis de celles associées à une même région administrative, en utilisant le Répertoire des municipalités59. Cette somme est estimée conservatrice puisqu’elle ne comprend que les employé·e·s, sans prendre en compte les ménages dont la source de revenus principale dépend de ces industries ni les personnes employées par une entreprise connexe appartenant à la même chaîne d’approvisionnement. Pour obtenir un taux de dépendance des habitant·e·s des régions et des municipalités envers ces grands émetteurs de carbone, le nombre total d’employé·e·s a ensuite été divisé par la population active, c’est-à-dire le nombre de personnes en âge de travailler (soit les personnes âgées de 15 à 64 ans) selon le dernier recensement de Statistique Canada60. Dans les municipalités et les régions où se situe un établissement appartenant à l’industrie des services de gestion des déchets et d’assainissement (code SCIAN 562), le nombre total d’employé·e·s est sous-estimé, puisque, pour une majorité d’institutions de ce secteur, cette information était absente des répertoires consultés, donc soit confidentielle, soit introuvable.

Dans le tableau 2, les établissements émettant plus de 50 000 t éq. CO2 ont été regroupés selon la société mère de l’entreprise à laquelle ils appartiennent. Les noms des entreprises d’établissements polluants sont divulgués dans le registre des GES du MELCC. Quant à leur société mère ainsi que leurs principaux actionnaires, ceux-ci ont été trouvés depuis les bases de données Thomson Reuters Eikon et Standard & Poor’s Net Advantage.

Finalement, pour nos calculs de proportion d’émissions provinciales, les données du registre du SPEDE ont été manipulées en utilisant les GES qui excluent les émissions de la combustion ou de l’utilisation de la biomasse, puisque c’est ainsi qu’elles sont calculées dans l’inventaire d’émissions de 2019 du gouvernement. Autrement, nous avons utilisé les données en incluant la biomasse (voir encadré).6162 et 63646566

Portrait des grands pollueurs du secteur industriel québécois et de leurs sociétés mères

Pour déterminer à quels secteurs appartiennent les établissements industriels les plus polluants du Québec, nous avons additionné les émissions (en excluant le CO2 attribuable à la biomasse pour que nos calculs concordent avec ceux de l’inventaire du gouvernement) d’un même code du Système de classement des industries de l’Amérique du Nord (SCIAN). Alors que 29,4 % des émissions totales du Québec proviennent du secteur industriel, soit 24,8 Mt éq. CO267, trois quarts (74,2 %) de ces GES sont émis par 72 établissements des industries de la fabrication et de l’exploitation minière68. En effet, les plus gros pollueurs appartiennent à l’industrie de la fabrication, avec 64 établissements qui contribuent à 83,52 % des émissions totales des établissements au-dessus du seuil de 50 000 t éq. CO2. L’industrie de l’extraction minière, de l’exploitation en carrière et de l’extraction de pétrole et de gaz, qui ne compte que 8 établissements, se trouve au second rang. Par la suite, on trouve 13 établissements appartenant principalement à l’industrie des services de gestion des déchets et d’assainissement, puis 7 établissements des services publics constitués d’activités de production d’électricité comme des centrales de cogénération.

Comme le montre le graphique 6, de tous les employé·e·s des établissements polluants qui se situent au-dessus du seuil de 50 000 t éq. CO2, près des trois quarts travaillent pour le secteur de la fabrication et le quart pour celui de l’extraction. Les industries les plus polluantes sont également celles qui emploient le plus de personnes.

Par contre, les établissements les plus polluants emploient seulement 4,9 % de la main-d’œuvre totale du secteur de la fabrication et 32,6 % des employé·e·s du secteur de l’extraction minière, de l’exploitation en carrière et de l’extraction de pétrole et de gaz au Québec, ce qui représente 3,7 % des emplois totaux du secteur de la production de biens, qui inclut les industries au code SCIAN de 11 à 3369.

La majorité des entreprises les plus polluantes appartiennent au secteur de la fabrication, une industrie qui est assez diversifiée. Les graphiques 7 et 8 présentent les résultats d’une analyse par sous-secteur.

Les entreprises associées à la transformation première des métaux, soit les alumineries et les usines de sidérurgie, sont les plus polluantes du secteur de la fabrication et comptent plus de la moitié des emplois du secteur. Dans l’analyse, la prise en compte des émissions liées à la biomasse fait de la fabrication du papier la seconde activité en matière de pollution et celle qui embauche le plus. Suit, selon la contribution à la pollution, le secteur de la fabrication de produits minéraux et non métalliques, qui regroupe des établissements de fabrication de ciment, de chaux et de verre. Ce secteur arrive cependant cinquième sur le plan de l’emploi.

Toutefois, ce nombre d’emplois est une estimation partielle, car les emplois des différentes industries qui se situent en amont ou en aval de la chaîne de production sont aussi indirectement dépendants de ces établissements polluants. Une décarbonisation de l’économie qui viserait les plus grands émetteurs de carbone affecterait par ricochet les établissements industriels de ces autres entreprises. Par exemple, la fabrication d’aluminium est reliée à la fabrication de machinerie et de produits chimiques pour ses intrants et fournit en matériaux la fabrication d’automobiles, d’avions, de bateaux, de trains, de camions, de véhicules spatiaux et de missiles70. Pour les usines de papier, principales installations les plus polluantes de la fabrication du papier, les industries de la chaîne logistique, qui sont présentées à la figure 1, et leurs employé·e·s pourraient être impactés à différents degrés.

Grâce à ce portrait de la répartition des émissions et des emplois, il est possible d’établir un ordre de priorité en matière de transition. Il nous permet en effet d’identifier les industries où l’effort nécessaire en matière de réduction des GES et l’impact sur le marché de l’emploi québécois seront les plus grands. Celles qui emploient le plus grand nombre de salarié·e·s et qui polluent le plus sont celles qui auront davantage besoin de soutien dans un processus de transition afin d’atténuer les conséquences négatives pour celles et ceux qui en dépendent économiquement. Dans le but d’affiner ce portrait, nous ferons maintenant un exercice similaire, mais en nous penchant sur les régions où sont situés ces grands pollueurs.

Quelles municipalités seraient le plus affectées par la transition ?

En calculant la proportion de la population active qui est employée par les établissements rejetant plus de 50 000 t éq. CO2 dans l’atmosphère, nous pouvons estimer approximativement la dépendance économique des municipalités et des régions aux industries polluantes. Cette modélisation permet d’illustrer les impacts disproportionnés d’une transition sur les différentes communautés et d’identifier celles qui auront davantage besoin de soutien. La liste complète des entreprises étudiées et des municipalités qui en dépendent se trouve en annexe.

Comme on peut le voir dans le tableau 3, les régions qui comptent plus de 1 % de leur population travaillant pour ces installations émettrices sont le Nord-du-Québec (11,05 %), la Côte-Nord (10,69 %), le Saguenay–Lac-Saint-Jean (3,17 %), l’Abitibi-Témiscamingue (2,72 %) et le Centre-du-Québec (1,04 %).

Le Nord-du-Québec et la Côte-Nord ont une population active très peu nombreuse71 et sont les régions avec la plus grande proportion de mines parmi leurs établissements polluants. Le nombre de personnes employées dans des entreprises polluantes y est très élevé, mais il s’agit en grande partie d’une main-d’œuvre provenant de l’extérieur de ces régions. Celle-ci est prise en charge économiquement par la compagnie minière et participe donc très peu au développement économique de la municipalité et aux activités communautaires et sociales des villes et des villages72. Par contre, en faisant augmenter de façon temporaire la demande pour certains biens de consommation, ces travailleurs et travailleuses alimentent des hausses de prix que doit assumer la population locale73. Ces effets ne sont qu’une fraction des implications économiques et sociales reprochées par les communautés à cette force de travail mise à la disposition de l’industrie minière grâce au navettage aéroporté74.

Par ailleurs, si ces entreprises devaient fermer, l’impact économique serait important pour les employé·e·s résident·e·s, à moins que d’autres entreprises de la région ne soient en mesure d’absorber cette main-d’œuvre. Dans un cas comme dans l’autre, la perte de revenus en taxe foncière constitue un autre impact important de la fermeture d’une entreprise pour la municipalité hôte.

Les municipalités où plus de 40 % de la population active est dépendante d’un secteur polluant sont Fermont (79,2 %), Port-Cartier (63,1 %), Bois-Franc (61,5 %), le Gouvernement régional d’Eeyou Istchee Baie-James (47,2 %), Témiscaming (45,2 %) et Sayabec (42,3 %). À l’exception de Fermont qui en compte deux, ce pourcentage de population active repose sur une seule installation polluante. Pour Sayabec, l’employeur est Uniboard Canada, une usine de panneaux de particules et de fibres comptant parmi les plus grands émetteurs du Québec. À Témiscaming, c’est le complexe Témiscaming de fabrication de produits chimiques organiques de base de l’entreprise Rayonier A. M. Canada, tandis qu’à Bois-Franc, c’est l’usine et sablière Louisiana-Pacific Canada Ltd, une usine de panneaux de copeaux. Bien que leurs employé·e·s ne résident pas nécessairement tous dans ces municipalités, ces entreprises en sont des acteurs économiques majeurs.

Notons que le navettage aéroporté, aussi appelé « fly in/ fly out », souvent utilisé pour la main-d’œuvre du secteur minier, contribue à la haute dépendance de la population active de certaines municipalités, dont celles de Port-Cartier avec l’usine de bouletage d’ArcelorMittal, d’Eeyou Itschee Baie-James avec la Mine Renardet de Fermont, où se situent les mines du lac Bloom et du mont Wright.

Il se peut en outre que certaines municipalités qui affichent un haut taux de dépendance envers une industrie polluante soient reconnues comme des villes de ressources, soit des localités axées sur l’extraction ou la transformation de ressources naturelles. Dans ces cas, la stabilité et le bien-être économiques des résident·e·s sont fortement dépendants des entreprises qui exploitent ces ressources75.

Enfin, soulignons que la contribution financière de certaines de ces entreprises à l’économie locale est peut-être moins grande que ce qu’il n’y paraît, dans la mesure où leurs principaux actionnaires se trouvent en fait en dehors du pays. À cet effet, le tableau 4 présente les sociétés mères ultimes76 émettrices de plus d’un million de tonnes77 d’équivalent CO2 en 2019 et le nombre total d’établissements au-dessus du seuil d’émission de 50 000 t éq. CO2 qu’elles détiennent au Québec. Ensemble, ces 9 entreprises sont responsables de près de la moitié (49,81 %) des GES du secteur industriel et de 14,67 % des émissions totales du Québec en 2019. ArcelorMittal SA, Domtar Corp. et Rio Tinto PLC sont toutes les trois responsables d’au-delà de 2 Mt éq. CO2 relâchés dans l’atmosphère.

Le tableau 4 montre que parmi les 10 entreprises émettant au minimum 1 Mt éq. CO2 au Québec, seulement 4 d’entre elles sont dirigées par une société mère établie au Canada. Également, les principaux actionnaires de ces sociétés mères sont tous situés à l’étranger, à l’exception de Resolute Forest Product. Parmi ces actionnaires, les fonds d’investissements Th e Vanguard Group et BlackRock sont présents dans la moitié des sociétés mères présentées. Ces fonds d’investissements sont par ailleurs les deux plus importants au monde, avec des actifs sous gestion de 9,5 trilliards pour BlackRock et 8,5 trilliards pour Th e Vanguard Group78.

Ce portrait est similaire pour plusieurs autres entreprises dont les émissions de leurs établissements situés au Québec dépassent 50 000 t éq. CO2. Parmi ces 93 établissements, 39 sont reliés à des sociétés situées l’extérieur du pays. Les 12 pays où sont enregistrées toutes ces sociétés mères étrangères apparaissent dans le tableau 5.

En Australie, Champion Iron Ltdest l’ultime propriétaire de Minerai de fer Québec, l’entreprise exploitant la mine de fer du lac Bloom. La Cimenterie Joliette est quant à elle rattachée à CRH PLC, qui se situe en Irlande. L’émirat d’Abu Dhabi apparaît comme la société mère de CEPSA Chimie Bécancour inc. et Jilin Horoc Group Co LTD en Chine comme celle de Nunavik Nickel.

Ce constat sur les propriétaires ultimes des compagnies les plus polluantes du Québec renforce l’idée que l’apport de ces entreprises à l’économie de la province n’est peut-être pas aussi important que leur contribution à l'augmentation de la concentration des GES dans l'atmosphère. Il est même possible qu'une partie des revenus générés par ces industries soit détournée vers des paradis fiscaux, puisque selon le Tax Justice Network, le Royaume-Uni, les Émirats arabes unis, le Luxembourg, les États-Unis, la Suisse et Hong Kong, où sont situées certaines de ces sociétés mères ou actionnaires principaux, sont reconnus comme étant des législations opaques sur le plan de l’information financière et favorisant des pratiques d’évitement fiscal79.

Le portrait qui vient d’être brossé met en évidence le fait que certaines municipalités du Québec dépendent fortement d’industries très polluantes, que le bénéfice économique qu’en tire ces communautés est somme toute limité. La transition écologique qui devra être enclenchée pour transformer le secteur industriel québécois doit ainsi impérativement tenir compte des communautés dont le bien-être repose sur ces grands émetteurs de GES, et les citoyen·ne·s affectés doivent être impliqués dès le départ dans ce processus.

Alors que de nombreux expert·e·s, dont ceux du GIEC, rappellent l’urgence d’agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre80, il est temps pour le Québec de redoubler d’efforts pour décarboniser ses industries les plus polluantes. Les gestes individuels ne suffisent pas et les entreprises devront aussi participer de manière plus importante à la réduction des émissions de GES, que plus de la moitié des Québécois·es considèrent comme urgente81. La première étape d’une transition juste pour le Québec, ses régions et les employé·e·s dépendants d’industries polluantes est d’amorcer rapidement un dialogue social à propos de la conduite du processus de transition économique. Si l’on veut éviter de reproduire les ratés de la sortie du charbon en Alberta, il faudra inclure toutes les parties prenantes, et non pas uniquement les gouvernements et les entreprises concernées. Comme le rappelle la conseillère de la Confédération syndicale internationale Anabella Rosembourg dans un article de l’International Journal of Labour Research : « les pertes d’emplois ne sont pas une conséquence automatique des politiques climatiques, mais la conséquence d’un manque d’investissements, de politiques sociales et d’anticipation82. »

Il faut dès maintenant prendre en compte les spécificités régionales du marché de l’emploi afin d’éclairer la prise de décisions. Le gouvernement doit aussi s’assurer de prévoir des fonds pour la transition qui incluront des subventions pour le réemploi et du soutien financier destiné aux communautés.


Notes de fin de document

1 Julia POSCA et Bertrand SCHEPPER, Qu’est-ce que la transition juste ?, IRIS, octobre 2020, p.9 et p.33, iris-recherche.qc.ca/publications/qu-est-ce-que-la-transition-juste/.

2 « Global Carbon Budget 2021 Summary Highlights », Global Carbon Project, www.globalcarbonproject.org/carbonbudget/21/highlights.htm.

3 IPCC, Climate Change 2021 : The Physical Science Basis, Summary for Policymakers, 2021, www.ipcc.ch/report/ar6/wg1/downloads/report/IPCC_AR6_WGI_SPM.pdf

4 MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES (QUÉBEC), Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2019 et leur évolution depuis 1990, 2021, p. 29, www.environnement.gouv.qc.ca/changements/ges/2019/inventaire1990-2019.pdf

5 De 2010 à 2019, le secteur représentait respectivement 30,43 % et 29,41 % des émissions totales de GES du Québec. Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Tableaux des émissions annuelles de gaz à effet de serre au Québec de 1990 à 2019, .

6 Id., Tableaux des émissions annuelles de gaz à effet de serre au Québec de 1990 à 2019, .

7 Notons que pour l’année 2013-2014, seuls les secteurs de l’industrie et de l’électricité ont été assujettis au SPEDE. À partir de 2015, le secteur de distribution de carburant y a aussi été assujetti.

8 Id., Le système québécois de plafonnement et d’échange de droits d’émission en bref, 2 p., www.environnement.gouv.qc.ca/changements/carbone/documents-spede/en-bref.pdf.

9 Jim STANFORD, Employment, Transition and the Phase-Out of fossil Fuels, Centre for Future Work, janvier 2021, p.46, centreforfuturework.ca/wp-content/uploads/2021/01/Employment-Transitions-Report-Final.pdf

10 Ibid.

11 Ibid.

12 INSTITUT de LA STATISTIQUE DU QUÉBEC, Emploi et taux de chômage, Québec, Canada, provinces canadiennes et RMR de Montréal, Gouvernement du Québec, statistique.quebec.ca/fr/produit/tableau/4089#tri_annee=2022&tri_mois=1981467 (consulté le 20 avril 2022).

13 INTERNATIONAL LABOUR OFFICE, Social Dialogue : Finding a common voice, p. 2, www.ilo.org/public/english/dialogue/download/brochure.pdf.

14 ORGANISATION INTERNATIONALE DU TRAVAIL, Principes directeurs pour une transition juste vers des économies et des sociétés écologiquement durables pour tous, 2015, p. 1-26, www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---ed_emp/---emp_ent/documents/publication/wcms_432864.pdf.

15 GOUVERNEMENT DU CANADA, Document d’information technique : Règlements fédéraux visant le secteur de l’électricité, mis à jour le 12 décembre 2018, www.canada.ca/fr/services/environnement/meteo/changementsclimatiques/action-pour-climat/alimenter-avenir-energie-propre/document-infromation-reglements-2018.html.

16 Laurens, VRIENS, The end of Coal : Alberta’s coal phase-out, International Institute for Sustainable Development, mai 2018, p.2, thecoalhub.com/wp-content/uploads/2018/06/alberta-coal-phase-out.pdf.

17 Ian HUSSEY et Emma JACKSON, Alberta’s Coal Phase-Out : A Just Transition? , Parkland Institute et Corporate Mapping Project, 2019, p. 55 et p. 45, www.parklandinstitute.ca/albertas_coal_phaseout.

18 « Electricity Price Cap », Government of Alberta, www.alberta.ca/electricity-price-cap.aspx (consulté le 3 avril 2022).

19 Dean BENNETT, « Alberta Government officially end agency created to handle green rebates and programs », Canadian Press, 11 juin 2020, globalnews.ca/news/7056892/ucp-government-kenney-energy-efficiency-alberta/.

20 Duane BRATT, Addressing polarization : what works ?, Case study : the alberta climate leadership plan, Université d’Ottawa, Mars 2020, p.20, www.uottawa.ca/positive-energy/sites/www.uottawa.ca.positive-energy/files/adressing_polarization_-_what_works_-_clp_website.pdf.

21 Ces emplois sont des postes équivalents temps plein.

22 Trois cents de ces emplois auraient possiblement été créés à l’extérieur de l’Alberta.

23 HUSSEY et JACKSON, op. cit., p. 43.

24 « Support for Albertans affected by coal Phase out », Government of Alberta, www.alberta.ca/support-for-coal-workers.aspx (consulté le 10 mars 2022).

25 HUSSEY et JACKSON, op. cit., p. 53.

26 ENVIRONNEMENT ET CHANGEMENT CLIMATIQUE CANADA, Une transition juste et équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes, Section 7, partie 2 : recommandations pour une transition juste et équitable pour les collectivités et les travailleurs des centrales au charbon canadiennes, Gouvernment du Canada, décembre 2018, publications.gc.ca/collections/collection_2019/eccc/En4-361-2019-fra.pdf.

27 Ibid.

28 Ibid.

29 ALBERTA FEDERATION OF LABOUR, Getting it right :
A Just Transition Strategy for Alberta’s Coal workers
, 2017, p. 28, digital.library.yorku.ca/yul-1121960/getting-it-right-just-transition-strategy-albertas-coal-workers.

30 Tom MARR-LAING et Ben THIBAULT, Early coal phase-out does not require compensation, Pembina Institute, 10 novembre 2015, p. 12, www.pembina.org/reports/coal-compensation-brief.pdf

31 VRIENS, op. cit., p. 20.

32 Ibid. p. 6.

33 Ibid. p. 58.

34 « Methane management : The challenge », United Nations Economic Commission for Europe, unece.org/challenge (consulté le 2 février 2022).

35 POSCA et SCHEPPER, op. cit., p. 14.

36 MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES (QUÉBEC), Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2019 et leur évolution depuis 1990, op. cit., p. 34.

37 « Historical GHG Emission », Climate Watch, climatewatchdata.org/ghg-emissions (consulté le 10 mars 2022).

38 Cédric PHILIBERT, Renewable Energy for Industry, From green energy to green materials and fuels, International Energy Agency, 2017, p.11, solarpaces.org/wp-content/uploads/Renewable_Energy_for_Industry.pdf

39 Pierre-Olivier PINEAU et autres, Portrait et pistes de réduction des émissions industrielles de gaz à effet de serre au Québec, Volet 1 : Projet de recherche sur le potentiel de l’économie circulaire sur la réduction de gaz à effet de serre des émetteurs industriels québécois, Chaire de gestion du secteur de l’énergie HEC Montréal, 2019, 99 p., energie.hec.ca/wp-content/uploads/2019/09/GESIndQc2019-Volet1_Web.pdf.

40 Max ÅHMAN, Marlene ARENS et Valentin VOGL, International cooperation for decarbonizing energy intensive industries– Towards a Green Materials Club : A working paper on sectoral cooperative approaches, Université Lund, vol. EESS, no  117 éd., juillet 2020, p. 1-26, lup.lub.lu.se/record/ef2161cc-1210-4683-a5b2-194634b1b1ba.

41 PINEAU et autres, op. cit., p. 12.

42 Ibid, p. 16.

43 ÅHMAN, MARENS et VOGL, op. cit.

44 « Principaux produits d’exportation et d’importation internationales du Québec et du Canada 2019 », CIRANO, mis à jour le 19 février 2021, qceco.ca/n/4408.

45 Sébastien GAGNON, Modèle intersectoriel du Québec. Impact économique et incidence environnementale pour le Québec pour une sélection de secteurs productifs, ISQ, 2021, statistique.quebec.ca/fr/fichier/modele-intersectoriel-du-quebec-impact-economique-et-incidence-environnementale-pour-le-quebec-pour-une-selection-de-secteurs-productifs.pdf.

46 Sébastien GAGNON, Modèle intersectoriel du Québec, Impact économique et incidence environnementale pour le Québec pour une sélection de secteurs productifs, Institut de la Statistique du Québec, 2020, p. 7, statistique.quebec.ca/fr/fichier/modele-intersectoriel-du-quebec-impact-economique-et-incidence-environnementale-pour-le-quebec-pour-une-selection-de-secteurs-productifs.pdf.

47 La moyenne de tous les secteurs de l’économie est de 8,6 emplois par million de dollars ajouté au PIB en 2019.

48 Jim STANFORD, op. cit., p. 26.

49 INTERGOVERNMENTAL PANEL ON CLIMATE CHANGE, Climate Change 2022, Mitigation of Climate Change, 2022, p. 3-86, report.ipcc.ch/ar6wg3/pdf/IPCC_AR6_WGIII_FinalDraft_FullReport.pdf.

50 Un établissement correspond à une installation appartenant à une compagnie. Une entreprise peut avoir plusieurs établissements.

51 MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES (QUÉBEC), Registre des émissions de gaz à effet de serre, 2019, www.environnement.gouv.qc.ca/changements/ges/registre/index.htm.

52 Les délais de publication font en sorte que le plus récent registre disponible au moment de l’écriture de cette note est celui de 2019.

53 Calcul des auteurs et des autrices considérant qu’une voiture parcourant 15 000 km annuellement émet 2,5 tonnes de CO2.

54 Gilles L. BOURQUES et Jonathan RAMACIERI, Étude sur la comparaison du coût total de possession des véhicules à essence et électrique, IREC, mai 2019, p. 16, irec.quebec/ressources/publications/Note-recherche_vehicule-electrique.pdf.

55 BANQUE D’INFORMATION INDUSTRIELLE D’INVESTISSEMENT QUÉBEC, Répertoire d’entreprises du Québec, icriq.com/fr/ (consulté en juillet 2021)

56 Selon des communications entre l’IRIS et l’ICRIQ.

57 Il est possible que certains emplois en administration soient situés ailleurs, les postes de direction, par exemple. Cependant, pour les fins de notre recherche, nous présumons que le nombre de postes en administration qui se situent dans des régions différentes des postes d’usine ne sont pas suffisants pour modifier le portrait général.

58 GOUVERNEMENT DU CANADA, Recherche en ligne des données de l’Inventaire national des rejets de polluants, pollution-dechets.canada.ca/inventaire-national-rejets/archives/index.cfm ?do=query&lang=fr (consulté le 14 mars 2022).

59 MINISTÈRE DES AFFAIRES MUNICIPALES ET DE L’HABITATION (QUÉBEC), Répertoire des municipalités, Québec, www.mamh.gouv.qc.ca/repertoire-des-municipalites/ (consulté le 10 mars 2022).

60 STATISTIQUE CANADA, Recensement de la population de 2016, www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2016/dp-pd/prof/index.cfm ?Lang=F.

61 MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES (QUÉBEC), Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2019 et leur évolution depuis 1990, op. cit., p. 5.

62 CATANOSO, op. cit.

63 SCHLESINGER, op. cit.

64 CATANOSO, op. cit.

65 Mary S. BOOTH, Brendan MACKEY et Virginia YOUNG, « It’s time to stop pretending burning forest biomass is carbon neutral », GCB-Bioenergy, vol. 12, no 12, décembre 2020, p. 1036-1037, onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/gcbb.12716.

66 PINEAU et autres, op. cit., p. 24.

67 MINISTÈRE de L’ENVIRONNEMENT ET DE LA LUTTE CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES (QUÉBEC), Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2019 et leur évolution depuis 1990, op. cit., p. 34.

68 Ils correspondent respectivement aux codes SCIAN 31 à 33 et 21.

69 Justin CATANOSO, « Scientists warn U.S. Congress against declaring biomass burning carbon neutral », Mongabay, 13 mai 2020, news.mongabay.com/2020/05/scientists-warn-congress-against-declaring-biomass-burning-carbon-neutral/.

70 William H. SCHLESINGER, « Are wood pellets a green Fuel ? », Science, 23 mars 2018, vol. 359, no 6382, p. 1328-1329.

71 CATANOSO, op. cit.

72 Laurence MESSIER-MOREAU, Constructions et représentations de la classe ouvrière à Fermont dans le Nord-du-Québec, Mémoire de maîtrise en anthropologie, Université de Montréal, 2014, p. 31-33, papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/12000/Messier-Moreau_Laurence_2014_memoire.pdf .

73 Bertrand SCHEPPER, « Des communautés nordiques fragilisées », Revue Relations, no  764, avril-mai 2013, p. 17-19.

74 Aude THERRIER et autres, Cohabiter avec le navettage aéroporté, expériences de femmes et de communautés de la Côte-Nord, Le Regroupement des femmes de la Côte-Nordet La Chaire de recherche sur le développement durable du Nord, 2019, mineral.ulaval.ca/sites/mineral.ulaval.ca/files/cohabiter_avec_le_navettage_aeroporte_7473_14_2.pdf.

75 G. A. STELNER et Alan F. J. ARTIBISE, Villes de ressources primaires au Canada, l’Encyclopédie canadienne, 7 janvier 2021, thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/villes-de-ressources-primaires-1.

76 C’est-à-dire qu’en remontant les liens de propriété des entreprises émettrices de plus de 50 000 t éq. CO2, qui sont pour la plupart des filiales appartenant à d’autres entreprises, on arrive à ces sociétés mères, qui ne sont pas contrôlées par d’autres compagnies.

77 Toutefois, ces calculs ne tiennent pas compte des établissements qui émettent moins de 50 000 t éq. CO2. Bien que nous croyons que cela est peu probable, une même compagnie pourrait ainsi posséder une masse d’établissements sous ce seuil dont la somme pourrait, elle, dépasser 1 Mt éq. CO2.

78 « Top 100 Asset Manager Managers by Managed AUM », SWFI Institute, swfinstitute.org/fund-manager-rankings/asset-manager (consulté le 16 juin 2022)

79 « Indice d’opacité financière 2022 », Tax Justice Network, fsi.taxjustice.net/fr/ (consulté le 9 juin 2022).

80 GROUPE D’EXPERTS INTERGOUVERNEMENTAL SUR L’ÉVOLUTION DU CLIMAT, Changements climatiques : une menace pour le bien-être de l’humanité et la santé de la planète, Communiqué de presse, 28 février 2022, www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/resources/press/press-release-french/.

81 ABACUS DATA, 1 in 2 Canadians say action to reduce emissions is urgent, 13 septembre 2019, abacusdata.ca/1-in-2-canadians-say-action-to-reduce-emissions-is-urgent/.

82 Annabela ROSEMBOURG, « Building a Just Transition: The linkages between climate change and employment », International Journal of Labour Research, vol. 2, no 2, 2010, p. 134, ilo.org/public/libdoc/ilo/P/09238/09238(2010-2)125-161.pdf et ROSEMBOURG, op. cit., p. 134.

Faits saillants

  • Avec près de 30 % des émissions de GES au Québec, le secteur industriel est le deuxième émetteur d e la province. Près des trois quarts de ces GES (74,2 %) proviennent de 72 établissements appartenant aux industries de la fabrication (64 établissements) et de l’exploitation minière.
  • Dix entreprises sont responsables de près de la moitié (49,8 %) des GES du secteur industriel et de 14,7 % des émissions totales du Québec en 2019. Six de ces sociétés mères des établissements industriels les plus polluants du Québec sont basées à l’extérieur de la province et toutes sauf une ont leurs actionnaires principaux basés à l’étranger.
  • Les industries qui contribuent le plus au réchauffement climatique, soit le secteur de la fabrication et celui de l’extraction minière, de l’exploitation en carrière et de l’extraction de pétrole et de gaz, sont également les plus grands employeurs du secteur industriel. Toutefois en proportion de valeur ajoutée générée par leur production, ces industries créent moins d’emplois que la moyenne des autres secteurs économiques agrégés et sont plus polluantes.
  • Les régions ayant plus de 10 % de leur population active employée dans un établissement polluant sont le Nord-du-Québec, la Côte-Nord, le Saguenay–Lac-Saint-Jean, l’Abitibi-Témiscamingue et le Centre-du-Québec. Les municipalités dont plus de 40% de la population active travaille dans un secteur polluant sont Fermont, Port-Cartier, Bois-Franc, Eeyou Istchee Baie-James, Témiscaming et Sayabec.
  • Le cas de la sortie du charbon en Alberta montre que la transformation des industries polluantes au Québec devra être planifiée pour en assurer l’acceptabilité sociale et pour garantir sa réussite à long terme.

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