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Peut-on réaliser la gratuité scolaire au Québec?

24 août 2022

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75min


Loin de relever du « rêve » ou du « mirage » comme on l’entend souvent, la gratuité scolaire universitaire constitue en fait, historiquement, la norme dans les pays sociaux-démocrates du monde. L’introduction d’un modèle « libéral » reposant sur des frais élevés et sur l’endettement étudiant est un phénomène récent, une rupture avec le passé « social-démocrate » impulsée par l’idéologie néolibérale, dans des pays comme le Royaume-Uni ou les États-Unis. Ce modèle nuit à l’accessibilité, particulièrement pour les moins nantis. Le Québec devrait résister aux pressions adaptatives en faveur du modèle de frais élevés et adopter plutôt la gratuité scolaire universitaire. Selon nos calculs, réaliser la gratuité scolaire universitaire au Québec coûterait environ 1,2 G$ annuellement.

Introduction

En 2012, les étudiant·e·s du Québec refusaient l’argument du sous-financement comme justification de la hausse de 75 % des droits de scolarité annuels exigés aux personnes qui fréquentent l’université par le gouvernement Charest. Dix ans plus tard, nous devons reconnaître que la mobilisation étudiante a réussi à contrer cette hausse et que les étudiant·e·s en ont bénéficié1. Pour un étudiant ou une étudiante terminant son baccalauréat au printemps 2022, l’annulation de la hausse équivaut à une économie de 4257 $ (2459 $ pour ceux et celles qui auraient eu droit au remboursement maximal du crédit d’impôt pour frais de scolarité, qui a été amputé). Au total, 390 000 diplômé·e·s ont pu aller au bout de leurs études de premier cycle à plus faible coût grâce à la grève étudiante, une économie d’environ 1,17 G$. Du point de vue de la défense de l’accès à l’éducation, le bilan de 2012 est assurément positif.

Il faut cependant rappeler que l’objectif de 2012 était l’instauration de la gratuité scolaire. Nous avons plutôt assisté à l’implantation de l’indexation, présentée dans le discours public comme un compromis raisonnable. La gratuité scolaire, quant à elle, est fréquemment décrite au moyen d’un vocabulaire la présentant comme irréaliste (« utopie », « mirage », « lubie », etc.)2. La meilleure façon de garantir l’accès aux études universitaires serait plutôt d’imiter le modèle anglo-saxon (frais élevés, endettement élevé), quitte à donner des bourses aux moins nantis pour leur permettre d’entrer dans le système. La rhétorique néolibérale diffusée dans le discours public tend ainsi à opposer une gratuité scolaire irréaliste et une hausse ou une indexation des frais de scolarité qui seraient plus raisonnables.

Nous montrons au contraire dans la présente note que la gratuité scolaire (ou la quasi-gratuité, c’est-à-dire des frais modiques négligeables) constitue historiquement la norme ou la réalité effective dans les pays sociaux-démocrates du monde et que de nombreux pays fonctionnent encore suivant ce modèle social-démocrate, malgré les pressions croissantes exercées afin de les convertir au modèle libéral ou anglo-saxon3. La gratuité scolaire n’a donc rien d’irréaliste ; elle permet au contraire, comme nous le verrons, de garantir une meilleure accessibilité aux études universitaires en évitant, notamment, l’effet d’aversion chez les moins nantis autrement rebutés par le prix élevé des études. C’est plutôt le modèle néolibéral qui constitue la nouvelle norme que l’on cherche à généraliser en présentant la gratuité scolaire comme irréaliste.

Selon nos calculs, le coût de la gratuité universitaire au Québec se chiffrerait à environ 1,2 G$ annuellement. Par comparaison, les dépenses de portefeuilles 2021-2022 (liées à la prestation des services publics au Québec) sont de l’ordre de 116,9 G$. Il n’y a donc pas de raisons objectives, au plan économique, pour qualifier la gratuité scolaire de mesure irréalisable. À titre d’exemple, la gratuité des transports en commun, longtemps présentée comme une « utopie d’écologistes4 » irréalisable est aujourd’hui mise en place dans plusieurs villes du Québec avec succès.

L’utopie néolibérale contre la gratuité scolaire historique

Si nous regardons l’histoire de l’enseignement supérieur depuis un siècle, c’est la gratuité scolaire qui constitue la norme dans les États sociaux-démocrates de l’Europe et du reste du monde, c’est-à-dire que l’éducation est financée et administrée par l’État et offerte gratuitement aux étudiant·e·s (modèle social-démocrate). C’est l’introduction de frais de scolarité élevés, avec comme objectif de faire payer aux étudiant·e·s une part sans cesse croissante de leur propre éducation, qui constitue une « innovation radicale5 » et une rupture avec le passé, inspirée par un objectif idéologique s’inscrivant dans la foulée de la « révolution néolibérale6 » (modèle libéral). En Amérique du Nord, l’introduction de frais de scolarité élevés, bien que contestée par le mouvement étudiant (par exemple, lors des grèves étudiantes de 2005 et de 2012 au Québec), semble davantage acceptée par certaines élites. Au Canada, cela est sans doute dû en partie à la proximité géographique, politique et culturelle avec les États-Unis, où règne une conception utilitaire et commerciale de l’enseignement7. Nous pouvons parler d’un spectre organisé en fonction de deux pôles, ou paradigmes, opposés dans la façon de structurer les politiques publiques en éducation supérieure, soit le modèle « frais élevés-endettement élevé » et le modèle de la gratuité scolaire (et parfois du salariat étudiant). Dans les sociétés capitalistes avancées, on constate une pression pour rejoindre le pôle libéral ou néolibéral. En France, par exemple, les déclarations du président Emmanuel Macron voulant qu’« on ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants » ont suscité un tollé puisqu’elles sont en rupture avec la longue tradition de frais modiques (quasi-gratuité) faisant partie de la culture et de la tradition nationales8.

Le Royaume-Uni est un archétype de pays qui est passé du modèle social-démocrate au modèle libéral, à tel point qu’il sert maintenant d’exemple à imiter pour les néolibéraux. La gratuité de l’enseignement supérieur y a existé des années 1960 à 1980 (et la « gratuité effective », où des bourses compensaient les frais, jusqu’en 1998), avant que le modèle social-démocrate soit aligné sur le modèle américain par la mise en œuvre de politiques néolibérales par Margaret Thatcher et ceux et celles qui l’ont suivie.

Par la suite, « les idées fondatrices des frais d’inscription et des prêts se sont progressivement substituées à d’autres qui avaient légitimé après-guerre le développement d’un régime de gratuité des études qui a dominé jusqu’en 19979 ». En effet, des réformes successives en 1998, en 2004 et en 2010 ont porté les frais annuels à 9000 livres sterling (environ 14 000 $ CAN). Le système étatisé tendait à réduire la hiérarchisation entre les établissements, alors que le modèle à frais de scolarité élevés tend à exacerber les disparités entre établissements « de classe mondiale » et universités de seconde zone10.

De plus, l’adoption d’un régime à frais élevés ouvre la voie à une concurrence des universités publiques avec de nouveaux fournisseurs éducatifs privés au sein d’un marché mondial de l’enseignement supérieur, ce qui constitue aussi une rupture radicale11 avec le modèle social-démocrate et une rupture avec la conception de l’enseignement supérieur comme service public.

Il faut ainsi rappeler que l’insistance des tenants du néolibéralisme éducatif à promouvoir des modèles de financement de l’enseignement supérieur impliquant des frais de scolarité élevés n’est pas seulement, comme nous le verrons, une mesure nuisible du point de vue de l’accessibilité, mais une composante essentielle d’une logique plus générale d’introduction de mécanismes de marché dans l’enseignement supérieur. Il faut donc renverser la perception commune diffusée dans le discours public : ce n’est pas la gratuité scolaire qui constitue une nouveauté radicale, puisqu’elle a été (et continue d’être) le modèle qui organise effectivement l’accès aux études dans de nombreux pays du monde ; c’est bien plutôt l’introduction de régimes à contribution étudiante élevée dans l’enseignement supérieur à partir des années 1980-1990 qui constitue une rupture, elle-même inspirée par l’idéologie économique néolibérale et son application dans le secteur de l’enseignement.

À cet égard, le Royaume-Uni, l’Australie et les États-Unis peuvent être désignés comme des « locomotives » de la néolibéralisation éducative, et le modèle libéral que ces pays ont adopté est encouragé partout ailleurs, se heurtant parfois à des traditions nationales différentes, comme en Europe, et particulièrement dans les pays scandinaves, où règne plutôt le modèle social-démocrate. Or, comme nous le verrons dans la présente note, ce modèle de « frais élevés-endettement élevé » nuit à l’accessibilité aux études et participe d’une logique plus générale d’intensification de l’arrimage de l’éducation aux objectifs des entreprises et du marché12. La mise en place d’une éducation accessible et gratuite, orientée plutôt en fonction du bien commun, demeure une politique beaucoup plus viable au plan socioéconomique.

Gratuité et accessibilité

L’argument néolibéral classique veut que le coût élevé de l’enseignement supérieur soit compensé par des prêts reportant la dépense dans le futur, au moment où les diplômé·e·s auront accès à un meilleur salaire. Cette logique est illustrée par les propos de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) :

[…] selon certains responsables politiques, ceux qui profitent le plus de l’éducation – ceux qui suivent des études – devraient prendre en charge au moins une partie des coûts afférents. […] Certains craignent que la répartition entre financement public et financement privé ne décourage des individus d’entamer une formation tertiaire13. Les uns estiment que les pouvoirs publics devraient revoir sensiblement à la hausse les aides aux effectifs scolarisés, comme les prêts d’études, alors que les autres soutiennent les efforts consentis pour amener les entreprises privées à accroître le financement de l’enseignement tertiaire. Les prêts d’études peuvent réduire les obstacles à l’éducation qui sont créés par les dépenses privées directes ainsi que le coût des dépenses publiques directes pour les contribuables. En particulier, les prêts d’études transfèrent le coût de l’éducation dans le temps, entre la période des études (quand les étudiants n’ont que peu, voire pas, de revenus) à la période qui suit l’obtention de leur diplôme et conduit, en règle générale, à l’augmentation de leurs revenus14.

Prétendre que les revenus futurs des étudiant·e·s compenseront les frais de scolarité fait abstraction des problèmes d’accessibilité exercés à l’entrée de l’enseignement supérieur lorsque ces frais sont élevés. En effet, le prix élevé des études et la perspective d’endettement créent un phénomène dit « d’aversion » rebutant les étudiant·e·s moins nantis, et cela, sans égard aux mécanismes d’aide financière disponible, puisque les choix des étudiant·e·s se basent sur le tarif brut publicisé. Aux États-Unis, par exemple, une enquête a démontré que plus de 50 % des étudiant·e·s interrogés qui renoncent à étudier au « college15 » le font sur la base du « prix affiché » (sticker price), ne prenant pas en compte l’aide financière qu’ils pourraient recevoir et ses impacts sur le coût net16. Les campagnes d’information sur l’aide financière mises en place par le gouvernement ou les établissements n’empêchent pas ce phénomène. Cette proportion est encore plus grande chez les personnes provenant de familles à bas revenus (moins de 60 000 $) et à revenus moyens (60 000 à 100 000 $). Les deux tiers des étudiant·e·s rapportent que « payer pour le collège sera une épreuve financière » pour leur famille17. Considérer l’enseignement supérieur comme un investissement individuel démutualise le risque, qui est alors reporté sur l’individu (et sa famille) ; choisir de s’endetter de dizaines de milliers de dollars avec le risque d’avoir choisi un programme où le taux de placement s’avère finalement plus bas que ce qu’on avait estimé peut signifier qu’on n’aura pas les moyens de rembourser la dette contractée. La seule perspective de ce risque provoque un phénomène d’aversion à l’endettement (debt aversion) rebutant les moins nantis.

D’après l’OCDE, plusieurs pays dits développés ont vu leur croissance économique18 freinée par le manque d’accès à l’éducation et l’augmentation des inégalités sociales. Ce manque d’accessibilité concerne principalement les ménages les moins nantis et les enfants dont les parents sont peu instruits. Ainsi, les inégalités sociales et le faible accès à l’éducation entraînent des pertes économiques19.

Or, toujours aux États-Unis, les frais ont augmenté de plus de 25 % en 10 ans et d’environ 500 % depuis 198520. Le « problème principal de l’enseignement supérieur aujourd’hui est dans la réduction du financement public ». En effet, presque tous les États ont « reporté la responsabilité du financement de l’éducation supérieure de l’État sur l’étudiant dans les 25 dernières années, le changement le plus drastique étant intervenu dans la dernière décennie ». En Louisiane, les frais ont doublé depuis 2008 ; en Alabama et en Arizona, on constate une augmentation de 60 % durant la même période21. Si bien que le collège est aujourd’hui « inaccessible pour des millions d’Américains22 » issus de familles moins nanties ou racisées. Le déclin du financement étatique est désigné comme la cause de 79 % des augmentations des frais de scolarité dans les universités publiques de recherche23. Dans les deux dernières décennies, le prix des collèges a « augmenté plus que n’importe quel autre bien ou service, mis à part les soins hospitaliers ». Le prix net des « four-year colleges » a plus que doublé depuis le début des années 2000, faisant des coûts des collèges américains « les plus élevés dans un grand pays du monde développé24 ».

La gratuité scolaire dans le monde

La « part des dépenses privées dans l’enseignement tertiaire dépend essentiellement des frais de scolarité auxquels sont soumis les étudiants25 ». Au Canada, d’après des données de l’OCDE de 2018 présentées au tableau 1, 52 % des dépenses en enseignement tertiaire proviennent de sources publiques et 24 % sont assumées par les ménages. En France, c’est plutôt 77 % et 12 % ; en Autriche, 89 % et 3 % ; en Finlande, 91 % et 0 %. On peut donc dire que le choix de réduire les frais de scolarité va de pair avec une conception de l’éducation comme service public financé publiquement, et qu’à l’inverse, les frais de scolarité sont une manière de réduire l’investissement de l’État et de reporter une part croissante du coût de la formation sur les individus et les ménages.

Tableau 1
Dépenses totales au titre des établissements d’enseignement en pourcentage du PIB (%), OCDE, 2018

x Les données sont incluses dans une autre catégorie ou une autre colonne du tableau (« x(2) » signifie par exemple que les données sont incluses dans la colonne no 2).

m Les données ne sont pas disponibles – les données sont manquantes ou l’indicateur n’a pas pu être calculé en raison du nombre limité de répondants.

Source : OCDE, Regards sur l’éducation 2021. Les indicateurs de l’OCDE, octobre 2021, tableau C2.1.

Plus de 55 % des dépenses totales sont financées par des sources privées en Australie, au Chili, en Corée du Sud, aux États-Unis, au Japon et au Royaume-Uni. Dans ce dernier pays, la part des dépenses privées a augmenté de 30 % entre 2012 et 2018, ce qui représente la progression la plus forte parmi les pays de l’OCDE26 :

Si les établissements d’enseignement, de l’enseignement primaire à l’enseignement tertiaire, restent essentiellement financés par les pouvoirs publics, ils dépendent de plus en plus du financement privé […] Entre 2012 et 2018, la part des dépenses privées après transferts au titre des établissements d’enseignement primaire, secondaire et tertiaire a augmenté de 1 point de pourcentage en moyenne dans les pays de l’OCDE, la part des dépenses publiques et internationales diminuant du même pourcentage. La part privée du financement a augmenté dans près de la moitié des pays membres et partenaires de l’OCDE, et les augmentations les plus fortes ont été enregistrées au Royaume-Uni (12 points de pourcentage)27.

Graphique 1
Répartition des transferts et des dépenses publiques et privées au titre des établissements d’enseignement, 2018

Le graphique 1 illustre la part des dépenses publiques et privées dans l’enseignement tertiaire dans les différents pays. Rappelons que le Chili est l’un des pays qui a servi de laboratoire à l’expérimentation des mesures néolibérales de l’École de Chicago. Le texte des économistes néolibéraux déposé sur le bureau du dictateur Pinochet le 11 septembre 1973 (le jour du coup d’État contre Salvador Allende) s’inspire directement des idées de Milton Friedman et de Friedrich Hayek, et avançait déjà l’argument selon lequel « les niveaux supérieurs d’éducation procurent un bénéfice direct qui ne justifie pas la gratuité28 », réduisant ainsi l’enseignement supérieur à un investissement pour les particuliers. L’État assure la formation de base gratuitement afin de former les travailleurs et les travailleuses, mais l’accès à l’enseignement supérieur devient un privilège et une exception, comme le dira Pinochet en 1979 :

L’État concentrera son attention sur l’éducation de base afin que tous les Chiliens puissent être capables d’être de bons travailleurs, citoyens, patriotes. Accéder à l’éducation secondaire et supérieure constitue une situation exceptionnelle pour la jeunesse et ceux qui ont la chance d’en profiter doivent la gagner avec effort… et, de plus, elle doit pouvoir être payée ou remboursée à la communauté nationale29.

Les réformes néolibérales au Chili ont entraîné nombre de conséquences sur le réseau scolaire (endettement des municipalités les plus pauvres, mise en compétition des municipalités, détérioration des conditions de travail et diminution de l’autonomie professionnelle du personnel enseignant, etc.). Les conséquences sur l’accessibilité aux études et sur les inégalités sociales furent patentes, les plus pauvres renonçant davantage aux études que lors de l’ère Allende.

L’enquête de Schiefelbein et Farrel (1982) montre que 77 % des élèves dont les parents sont cadres supérieurs ou de profession libérale arrivent à la fin des études secondaires contre 22 % seulement des jeunes appartenant aux familles des secteurs primaires et 44 % des familles d’ouvriers urbains. Cette disparité, qui a toujours existé au Chili, devient plus forte pendant la période de mise en œuvre de la politique néolibérale. Plusieurs études le montrent : en 1976, les enfants issus d’un milieu ayant un haut niveau d’études avaient 6,6 % de chances de plus que ceux issus des familles de niveau scolaire inférieur ; ce pourcentage passe à 8,8 % en 1981 (Briones, 1985). Dans les écoles municipales, presque 70 % des inscrits appartiennent aux classes ayant les revenus les plus faibles alors que, dans les écoles privées, 75 % des inscrits appartiennent aux classes ayant les revenus les plus élevés. La première conséquence de la politique néolibérale est donc la baisse de la scolarisation et la sélection pour l’accès à l’instruction et aux écoles qui offrent un enseignement de bonne qualité, la capacité économique des familles déterminant les critères de cette sélection. […] Enfin, globalement, le niveau d’instruction de la population âgée de plus de 12 ans baisse : en 1976 la moyenne d’années d’école des Chiliens était de 8,1, elle tombe à 7,5 ans en 198130.

En 2011, un mécontentement important à l’égard des conséquences du néolibéralisme éducatif chilien a engendré une mobilisation étudiante de grande ampleur. En 2021, après 30 ans de politiques néolibérales, un mouvement de contestation sociale important a chassé les néolibéraux du pouvoir et porté au gouvernement un ancien militant étudiant promettant la sortie du néolibéralisme31, signe que l’expérience néolibérale chilienne a été un échec.

Il est donc étonnant de voir aujourd’hui les élites économiques et politiques et les tenants du néolibéralisme appeler les pays du reste du monde à imiter les États qui ont appliqué une réforme néolibérale à leur enseignement supérieur (Chili, États-Unis, Royaume-Uni, Australie, etc.) sans tenir compte des nombreux ratés de ce modèle. Cela montre que l’idéologie néolibérale s’est transformée en ordre politique, au sens où on n’arrive plus à penser en dehors de ce cadre normatif et de ce mode d’organisation sociale, et cela, malgré ses dysfonctionnements : « certaines idées clefs deviennent établies si profondément, si hégémoniques, qu’elles définissent le terrain de jeu32 », c’est-à-dire le champ de ce qui peut être pensé et institué. Il faudrait donc, selon les néolibéraux, abandonner la gratuité scolaire au profit de régimes à contribution étudiante élevée. Le tout sans égard aux problèmes d’accessibilité causés par ces modèles (et nonobstant les prétentions voulant que les systèmes d’aide financière ou de prêts proportionnels aux revenus33 puissent compenser l’effet d’aversion causé par les prix affichés élevés et la perspective de l’endettement ; nous avons bien vu que ce n’est pas le cas).

Graphique 2
Frais de scolarité annuels moyens demandés par les établissements d’enseignement publics aux
nationaux, selon le niveau de l’enseignement tertiaire, année universitaire 2019-2020

Source : OCDE, Regards sur l’éducation 2021. Les indicateurs de l’OCDE, octobre 2021, graphique C5.1.

Les pays de l’OCDE ont « adopté trois approches différentes en ce qui concerne les frais de scolarité et les aides financières directes dans l’enseignement tertiaire : soit les frais de scolarité sont nuls et les aides sont élevées ; soit les frais et les aides sont élevés ; soit les frais sont modérés et les aides sont ciblées et versées à un pourcentage inférieur d’étudiants34 ». Comme le montre le graphique 2, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Chili, le Canada35 et l’Australie se situent dans le pôle « régime à contribution étudiante élevée », alors que la gratuité scolaire (ou quasi-gratuité avec frais modiques) est pratiquée dans des pays comme la France36, le Danemark, l’Estonie, la Finlande, la Norvège, la Suède, l’Islande, l’Argentine, le Brésil et l’Uruguay37.

La plupart des ressortissants nationaux qui entament des études tertiaires commencent par une licence [équivalent du baccalauréat], ou formation équivalente, dans les pays de l’OCDE […] Les frais de scolarité à charge des ressortissants nationaux sont nuls à ce niveau dans les établissements publics dans près d’un tiers des pays dont les données sont disponibles, dont le Danemark, l’Estonie (dans les cursus dispensés en estonien), la Finlande, la Norvège, la République slovaque, la Suède et la Turquie. Dans un autre tiers environ des pays, les frais de scolarité sont modérés, inférieurs à 3 000 $ US en moyenne par étudiant. Dans les pays et économies restants, les frais de scolarité vont de 3 800 $ US à plus de 8 000 $ US par an. Ils passent la barre des 12 000 $ US en Angleterre (Royaume-Uni), où il n’y a pas d’établissements publics à ce niveau d’enseignement, tous les étudiants fréquentant un établissement privé subventionné par l’État38.

Dans les pays offrant la gratuité (ou quasi-gratuité) scolaire à leurs nationaux, il est aussi fréquent que les étrangers puissent étudier gratuitement ou en payant des frais modiques39, ce qui est à l’opposé de l’internationalisation commerciale de l’éducation où les étudiant·e·s étrangers paient des frais beaucoup plus élevés que les nationaux et sont vus comme des « vaches à lait40 » par les universités. Cette mondialisation de l’éducation est une conséquence de la déréglementation, notamment consacrée par la Politique québécoise de financement des universités de 2018 qui place les universités en concurrence pour attirer plus d’étudiant·e·s internationaux41. Ce phénomène n’est pas exclusif au Québec ou au Canada, mais participe de la constitution d’un marché mondial de l’enseignement supérieur et d’un mouvement d’internationalisation de l’enseignement supérieur. D’après l’OCDE, « [a]ujourd’hui, l’enseignement transnational répond également à des motivations économiques : il est souvent vu comme un levier de développement économique par les gouvernements, et comme un avantage concurrentiel par les établissements42 ».

Si l’on regarde les dépenses d’éducation tous secteurs confondus, on constate que « [le] secteur privé finance au plus 5 % du budget des établissements d’enseignement en Finlande, en Islande, au Luxembourg, en Norvège et en Suède. Par contraste, il finance un tiers environ du budget de l’éducation en Australie, au Chili, aux États-Unis et au Royaume-Uni43 ».

La part privée des dépenses d’éducation est étroitement liée au niveau des frais de scolarité pratiqués par les établissements d’enseignement tertiaire […] Dans les pays où les frais de scolarité tendent à être peu élevés, voire négligeables comme en Finlande, en Islande, au Luxembourg et en Norvège, la part des dépenses au titre des établissements d’enseignement tertiaire financée par le secteur privé (y compris les versements privés subventionnés, comme les prêts d’études au titre des frais de scolarité) est inférieure à 10 %. Par contraste, quelque 60 % ou plus des dépenses au titre des établissements d’enseignement tertiaire sont financées par des sources privées en Australie, au Chili, en Corée, aux États-Unis, au Japon et au Royaume-Uni, où les établissements demandent des frais de scolarité plus élevés aux étudiants.

[…] Les frais de scolarité en licence pour les ressortissants nationaux ont augmenté d’au moins 20 % en valeur réelle44 dans les établissements publics durant les dix dernières années dans un tiers environ des pays et économies dont les données sont disponibles. C’est le cas en Angleterre (Royaume-Uni, dans les établissements privés subventionnés par l’État), en Communauté flamande de Belgique, en Espagne, en Italie et en Nouvelle-Zélande. La hausse la plus forte a été enregistrée en Angleterre (Royaume-Uni), où les frais de scolarité ont triplé depuis l’année académique 2009/10. Les frais de scolarité moyens ont par contre diminué en licence dans les établissements publics en Allemagne, en Autriche, en Communauté française de Belgique, en Corée, en France, en Irlande et en Lettonie (dans les établissements privés subventionnés par l’État), pendant cette même période. Aucun changement n’a été enregistré durant cette période dans les pays où les frais de scolarité sont nuls (au Danemark, en Estonie, en Finlande, en Norvège et en Suède). Les frais de scolarité sont restés assez stables et n’ont pas augmenté de plus de 10 % en Australie et au Canada ; ils ont en revanche progressé dans une mesure comprise entre 14 % et 16 % entre les années académiques 2009/10 et 2019/20 au Chili, aux États-Unis et aux Pays-Bas45.

L’histoire de l’éducation dans les pays de l’OCDE nous permet de constater que l’état actuel de la gratuité scolaire dans le monde est le résultat d’un affrontement politique entre deux modèles de financement de l’éducation : le modèle marchandisé et le modèle nationalisé où l’éducation est vue comme un service public d’État et où les frais sont modiques ou nuls (gratuité scolaire). Dans les dernières décennies, certains pays de l’OCDE ont opté pour un démantèlement des services publics qui caractérisaient l’État social ou la période de la social-démocratie. En éducation supérieure, ces gouvernements ont opté pour une hausse des frais de scolarité, des politiques qui ont engendré des résistances dans la société civile, faisant en sorte qu’elles ont plus ou moins bien réussi à s’implanter selon le contexte (le cas du Québec est intéressant à cet égard, puisque la contestation politique a bloqué la hausse du gouvernement Charest, même si celle-ci a par la suite été remplacée par l’indexation)46. Le projet politique néolibéral vise à abandonner le modèle social-démocrate à frais bas ou nuls pour plutôt imiter les pays de la « locomotive » néolibérale (Royaume-Uni, Australie, États-Unis, etc.).

La massification de l’enseignement supérieur au 20e siècle47

À l’époque du rapport Parent (1963-1966)48, le Québec est à la croisée des chemins. Certains, inspirés par la tradition humaniste, veulent instaurer la gratuité scolaire. C’est aussi sous leur impulsion qu’on met en place, par exemple, la formation générale et les cours de philosophie obligatoires, l’autorité morale des curés laissant dorénavant la place à l’idéal d’autonomie moderne et à la citoyenneté éclairée. D’autres cherchent plutôt à opérer une modernisation de rattrapage et à arrimer le système d’éducation québécois aux besoins de l’économie. Au 19e siècle, l’élite économique ne voyait pas l’intérêt d’instruire les classes travailleuses. Rappelons que l’instruction ne sera rendue obligatoire qu’en 1943 sous Adélard Godbout49. Tout cela changera après la Deuxième Guerre mondiale, notamment sous l’influence de l’OCDE50 et des États-Unis.

On prend alors conscience qu’une massification de l’enseignement supérieur a des effets positifs sur la croissance économique51 ; il faut donc que les États augmentent le nombre de diplômé·e·s dans les domaines techno-scientifiques. On développe à l’époque tout un discours sur le « droit à l’éducation52 », lequel servira de légitimation à la « première massification53 » de l’enseignement universitaire. Il faut donc être clair : l’élargissement de l’accès à l’éducation n’a pas d’abord été motivé par quelque désir d’élargir l’accès à la culture ou à la formation citoyenne54 ; il s’agissait principalement d’employer l’éducation comme un catalyseur permettant d’accélérer la croissance économique55.

À l’époque, les États opèrent encore dans une perspective sociale-démocrate ou keynésienne et pensent que l’État doit intervenir activement pour opérer la massification de l’enseignement supérieur. C’est pourquoi, dans les pays européens, et particulièrement dans les pays scandinaves, et même au Royaume-Uni, comme nous l’avons vu, on mettra en place des politiques de gratuité scolaire. Il faut rappeler que le Québec est lui-même tenté à l’époque d’emprunter cette voie (le rapport Parent préconisait le gel des frais de scolarité, puis, à long terme, leur élimination ; bref, la gratuité de l’enseignement supérieur) et que celle-ci était au programme de la plupart des partis politiques, incluant le Parti libéral.

Un changement important, au Québec et dans les pays développés, intervient lors de la « seconde massification » de l’enseignement supérieur, laquelle coïncide avec le tournant néolibéral des années 1970-198056. Jusque-là, l’université vit une tension interne entre son héritage humaniste traditionnel57 et les pressions croissantes vers l’instrumentalisation du savoir à des fins d’accélérateur de l’innovation technico-économique. Le virage néolibéral, théorisé notamment par Friedrich Hayek et Milton Friedman depuis les années 1940, prend racine à ce moment et se manifeste, par exemple chez Friedman, par la volonté de soumettre entièrement l’enseignement supérieur à la logique du marché et des organisations à but lucratif, provoquant un déséquilibre encore plus grand entre l’université comme lieu de transmission de la culture et l’université comme vecteur du développement techno-scientifique.

Nous pouvons résumer la batterie de réformes du néolibéralisme éducatif en cinq axes58 :

  1. Réformes de la gouvernance
  2. Réforme du financement
  3. Réforme de la pédagogie et des programmes
  4. Mise en place de mécanismes « d’assurance qualité »
  5. Nouveau régime de privatisation de la connaissance.

L’IRIS a détaillé nombre de ces transformations dans des travaux antérieurs59. Nous nous concentrons ici sur la réforme du financement. Celle-ci s’appuie sur la croyance selon laquelle l’augmentation des frais de scolarité et de l’endettement étudiant permettrait de mieux façonner le comportement des individus, que l’on qualifie dorénavant de « capital humain60 », pour l’arrimer aux besoins des marchés. Dès les années 1940, les théoriciens néolibéraux estiment que la planification étatique n’est pas en mesure d’arrimer optimalement l’école aux impératifs de la croissance, car la réalité serait trop complexe pour être synthétisée et organisée au moyen d’une planification étatique rationnelle. Il vaudrait mieux demander au marché, agissant comme un processeur informationnel, d’arrimer le choix des étudiant·e·s, les programmes offerts par les institutions et les besoins des organisations économiques.

Ces théories sont avancées notamment par Friedrich Hayek dans The Use of Knowledge in Society61. Selon lui, il faut confier aux mécanismes de marché le soin d’organiser la relation entre l’étudiant·e acheteur de compétences, le fournisseur de compétences (l’université) et le secteur économique. Les frais de scolarité agiront alors comme un signal-prix informationnel permettant aux clients de faire de meilleurs calculs pour maximiser leur investissement dans leur propre « capital humain62 ». On peut donc dire en résumé que l’élargissement de l’accès à l’enseignement supérieur, au 20e siècle, a été essentiellement motivé par la volonté d’accélérer l’innovation technologique et la croissance économique ; seulement, au départ, cette volonté s’est traduite par une planification étatique centralisée de la massification/démocratisation de l’enseignement supérieur. Par la suite, la révolution néolibérale a remplacé la planification étatique par la logique de marché.

Ainsi, le modèle organisé autour de la planification étatique, auquel était souvent associée la gratuité scolaire, a été battu en brèche ces dernières décennies par le modèle néolibéral, inspiré par Hayek et Friedman, et promu par l’OCDE, les États-Unis, le Royaume-Uni et les pays du Commonwealth. Ces pays ont eux-mêmes accéléré la réforme néolibérale de leur système d’éducation, et d’autres ont été pressés de les imiter, comme la France ou encore le Canada (le Québec ayant lui-même été sommé de s’adapter au reste du pays). Dans cette perspective, l’éducation n’est pas, comme dans le paradigme humaniste, un acte de formation citoyenne ou de transmission de la culture : elle constitue un investissement dans le « capital humain » d’un individu, lui permettant d’être plus productif et de répondre aux besoins des industries, en contrepartie d’un flux de revenu ou d’un retour sur investissement plus élevé (quitte à emprunter et à s’endetter pour acheter le stock de compétences nécessaires pour augmenter la valeur de son « capital humain »). Les pays européens, et particulièrement les pays scandinaves, sont restés attachés au modèle étatisé et à la gratuité scolaire, même si les pressions sont fortes, par exemple en France, pour engager la conversion vers le modèle à frais élevés.

Nous avons ainsi relevé deux problèmes. Le recul de la gratuité scolaire et l’orientation vers un modèle à « frais élevés-endettement élevé », où les frais agissent comme signal-prix dans une logique de marché, marque un recul d’accessibilité à l’éducation par rapport à l’ancien modèle étatisé ou social-démocrate. Il faut donc se questionner sur les pressions qu’exercent les intellectuels et les politiciens néolibéraux pour que le Québec imite le Royaume-Uni ou les États-Unis sur ce plan. Nous avons cependant également soulevé dans cette section un problème plus fondamental qui concerne les finalités qui ont présidé aux deux vagues de massification de l’enseignement supérieur63 au 20e siècle, à savoir l’accélération techno-scientifique64 et économique au service de la croissance infinie. Rétablir l’accessibilité en optant pour la gratuité scolaire est certes important, mais on ne peut s’en tenir à cela sans s’interroger également sur ce à quoi doivent servir les établissements d’enseignement supérieur. Comme le disait Marcel Rioux65, l’université ne peut se contenter de produire des producteurs-consommateurs qui s’adaptent à la croissance de l’économie. Or, il faut se demander si, aujourd’hui, notamment au vu des impératifs écologiques, la finalité de l’enseignement supérieur peut encore être réduite à celle de catalyseur de l’accélération technico-économique. C’est pourquoi, au-delà de la réflexion sur l’accessibilité et le financement, une discussion sur les finalités de l’enseignement supérieur s’avère essentielle. Nous y reviendrons plus bas.

Frais de scolarité, endettement et contrôle disciplinaire des conduites

Suivant l’argument néolibéral, le principal bénéficiaire de l’éducation universitaire serait le diplômé lui-même, ce qui justifierait en retour de lui imposer des frais de scolarité plus élevés. La banque qui prête à l’étudiant·e fait un pari sur la capacité de celui-ci ou celle-ci à capturer un flux de revenu futur élevé, en espérant que les pertes engendrées par ceux et celles qui échoueront seront compensées par les intérêts payés par les étudiant·e·s qui auront réussi. Dans un tel modèle, toutes les parties intéressées (étudiant·e, industrie, banque, État, etc.) ont intérêt à ce que l’étudiant·e choisisse un programme d’étude non pas en fonction de sa valeur intrinsèque ou sociale, mais en faisant des calculs économiques, afin d’opter pour un domaine d’étude payant. Il s’agit d’un mécanisme disciplinaire de gouvernementalité ou de contrôle des conduites66. La logique de marché serait ainsi mieux placée pour orienter les choix étudiants que des décisions individuelles libres fondées sur la vocation ou la planification étatique. Chez Friedman, l’étudiant·e serait amené à financer 100 % du coût de ses études, sans aucune subvention publique accordée sous forme d’emprunt sur le flux de revenu futur assuré par une banque. Au Québec, la banque ne court aucun risque puisque les prêts sont garantis par l’État en cas de défaut de paiement. De plus, il est maintenant impossible de déclarer faillite pour se débarrasser de dettes d’études. Certains théoriciens néolibéraux proposent même de moduler le coût d’entrée des programmes en fonction du flux de revenus futur qu’ils permettraient de garantir.

Ce modèle néolibéral idéal n’existe pas encore en pratique, puisque, dans la plupart des pays du monde, l’enseignement tertiaire porte encore la marque de l’État social des « trente glorieuses ». Par contre, l’évolution d’un pays comme le Royaume-Uni indique bien la tendance lourde, dans la foulée du néolibéralisme, à augmenter la contribution privée des ménages et à réduire la part du financement public en conséquence. Le résultat d’un tel processus est non seulement d’orienter les étudiant·e·s vers les domaines à hauts revenus privilégiés par l’industrie, mais aussi d’engendrer un endettement étudiant qui devient hors de contrôle. Il n’est pas rare de voir des individus rembourser la valeur initiale de leur prêt en intérêts seulement, sans avoir entamé la partie en capital.

La crise de l’endettement étudiant, aggravée par la pandémie, a forcé le président Joe Biden à mettre en place des programmes permettant d’effacer les dettes de certains diplômé·e·s. La dette totale des étudiant·e·s aux États-Unis atteint aujourd’hui 1 700 milliards de dollars américains et pourrait atteindre 3 000 milliards d’ici 203567. Ce sont de toute évidence des « hausses de frais de scolarité qui ont dépassé la hausse des revenus des familles, les forçant à avoir recours à des prêts étudiants pour les aider à payer la facture », ces hausses intervenant elles-mêmes à la suite de « coupes profondes » dans le financement public. Les frais de scolarité comptent aujourd’hui pour « environ la moitié des revenus des collèges publics, alors que l’État et les gouvernements locaux fournissent l’autre moitié. Or, il y a quelques décennies, cette répartition était bien différente : les frais de scolarité composaient environ un quart des revenus et les gouvernements payaient le reste ». Alors que des législations comme le G.I. Bill68, le National Defense Education Act et le Higher Education Act de 1965 avaient garanti l’accessibilité de l’éducation, le « changement vers un modèle frais élevés-aide financière élevée a causé un volume massif d’endettement total69 ». La dette étudiante moyenne aux États-Unis a triplé depuis les années 1990, passant de 10 000 à 30 000 $ US. Les gens remboursent leur dette sur 17 ans en moyenne et 7 % d’entre eux ont maintenant des dettes de plus de 100 000 $. L’absence de limites pour emprunter et s’endetter devient elle-même un « incitatif à augmenter les frais de scolarité70 ». Soulignons que le pouvoir d’achat réel des Américain·e·s, lui, est resté stagnant et demeure donc sensiblement le même qu’il y a 40 ans71.

Mis à part l’effet d’aversion à l’entrée (sticker price) que nous avons déjà soulevé, la nécessité de rembourser leurs dettes peut conduire les étudiant·e·s à privilégier des emplois où les revenus sont les plus élevés, sans égard à l’utilité sociale véritable de ces emplois72. De fait, on constate par exemple aux États-Unis que les étudiant·e·s délaissent les humanités. Les inscriptions en histoire, en philosophie ou en littérature comparée deviennent de plus en plus un luxe et sont le fait de qui a les moyens de s’y adonner par loisir ; les autres doivent investir dans un programme payant. De plus, les dirigeants universitaires sont tentés d’éliminer des programmes jugés insuffisamment arrimés au marché. Par exemple, en 2017, une université du Wisconsin a suspendu neuf spécialités, dont la sociologie et la science politique. Une autre université du même État en a abandonné 13, notamment la philosophie et l’anglais, afin de prioriser des programmes arrimés aux besoins de l’industrie73. Des problèmes semblables sont observés au Royaume-Uni74, où les coupes dans les arts et les humanités dans les universités sont devenues « endémiques », d’après le principal syndicat d’enseignement supérieur. Cette affirmation intervient notamment après que l’Université de Roehampton a annoncé à 200 professeur·e·s que leur emploi était désormais menacé à cause d’un « réalignement stratégique impliquant des coupes dans les programmes de humanities75 ». L’Université de Sunderland a aussi annoncé en 2020 qu’elle favoriserait des programmes axés sur la carrière et la profession qui soient financièrement viables, et donc qu’elle couperait les cours de langues modernes étrangères, d’histoire et celle de politique pour aller plutôt vers la médecine ou la physiothérapie76. Autre indicateur, le Research Excellence Framework de 2021, publié par le gouvernement britannique, révèle une chute considérable du nombre de projets de recherche déposés dans le « Main Panel D77 », qui recouvre les arts et les humanités (histoire, philosophie, théologie, etc.), ce qui n’est pas surprenant « après plusieurs fermetures de départements dans ces secteurs sur plusieurs années78 ».

Cela n’est pas un accident, mais constitue un objectif délibéré des réformes en éducation impulsée par le néolibéralisme de Friedrich Hayek ou de Milton Friedman. On voit ainsi que l’augmentation des frais de scolarité et de l’endettement se nourrissent l’une l’autre dans une sorte de spirale infernale, entraînant des conséquences négatives pour les finances des individus et des ménages, si bien qu’il est difficile de voir dans une telle politique sociale, appliquée avec le fiasco que l’on sait aux États-Unis, un exemple à suivre pour le Québec, contrairement à ce qu’ont prétendu des économistes et des politiciens néolibéraux au fil des ans (qu’on pense à l’Action démocratique du Québec à l’époque, au gouvernement Charest en 2012 ou encore à l’Institut économique de Montréal et au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations, pour qui les idées de Friedman en éducation et les exemples américain et britannique font office de référence).

L’abolition des frais de scolarité en Allemagne

À l’opposé des pays anglo-saxons, l’Allemagne a tourné le dos il y a quelques années au modèle de l’utilisateur-payeur. La Gewerkschaft Erziehung und Wissenschaft (Syndicat allemand de l’éducation) a déposé en 2007, en collaboration avec les associations étudiantes, un rapport aux Nations unies pour dénoncer l’introduction, en 2006, de frais de scolarité dans certains Länder, ou États fédérés (ce qui a affecté environ 75 % des étudiant·e·s), considérant qu’il s’agissait d’une menace de recul de l’accessibilité, spécialement pour les moins nantis, et d’une violation du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

En 2011, les frais ont été abolis dans plusieurs de ces États fédérés quelques années seulement après avoir été introduits. La perception de plusieurs acteurs voulait qu’il s’agisse non seulement d’une mauvaise mesure au plan socioéconomique (baisse d’accessibilité, hausse de l’endettement), mais aussi de l’imposition d’un mode de financement et d’organisation des diplômes de baccalauréat et de maîtrise calqué sur le système anglo-saxon, et donc incompatible avec la tradition allemande de gratuité scolaire79. À la suite de cela, seulement trois États (le Bade-Wurtemberg, la Bavière et la Basse-Saxe) ont continué à imposer des frais. L’abolition totale des frais de scolarité a été réalisée en 201380, notamment après un référendum en Bavière, l’un des deux derniers États qui préconisaient les frais avec la Basse-Saxe. Il faut noter que le référendum et les sondages ont indiqué un fort appui populaire à l’élimination des frais et à la gratuité scolaire. L’exemple de l’Allemagne, qui s’est conformée au modèle anglo-saxon (frais élevés-endettement élevé) avant de juger ce modèle néfaste pour l’accessibilité et en rupture avec sa propre tradition universitaire nationale de gratuité, montre bien que la marche vers le néolibéralisme impulsée par le Royaume-Uni, les États-Unis et d’autres n’a rien d’inéluctable. En effet, l’Allemagne a choisi de faire marche arrière et de reprendre sa place dans l’autre partie du spectre, soit le pôle des pays pratiquant la gratuité scolaire. Depuis plusieurs années, les pressions sont fortes, de la part de théoriciens et de politiciens néolibéraux, pour que le Québec se conforme au reste du Canada et aux États-Unis, bref au modèle néolibéral anglo-saxon ; l’exemple du revirement qui s’est produit en Allemagne montre qu’il est possible de prendre une autre direction, même après avoir adopté des frais de scolarité ; il est possible de réorienter les politiques publiques en faveur de la gratuité scolaire. Cela n’a, encore une fois, rien d’un « mirage », comme en témoigne l’exemple bien concret de l’Allemagne.

Le salariat étudiant

Certains pays vont au-delà de la gratuité scolaire en considérant l’éducation comme un investissement collectif et en choisissant de rémunérer les étudiant·e·s afin de les inciter à s’instruire81 : « les études sont considérées comme une forme d’emploi et donnent donc lieu à une rémunération82 ». Au Danemark, les étudiant·e·s (tant celles et ceux nés au pays qu’à l’étranger) reçoivent un salaire universel (Statens Uddannelsesstøtte, soutien éducatif de l’État)83 lorsqu’ils fréquentent l’enseignement supérieur. Il n’y a pas de frais de scolarité, et le coût de la vie et celui du logement sont plus bas qu’aux États-Unis. Il faut avoir 18 ans pour être admissible au salariat étudiant et on peut s’en prévaloir pour une période de 70 mois (durée pouvant être prolongée d’un an en cas de maternité ou de maladie). Les meilleurs étudiant·e·s peuvent même recevoir davantage d’aide. À partir de l’âge de 20 ans, le montant est plus élevé. Chaque personne de plus de cet âge reçoit ainsi environ 6397 couronnes danoises par mois (environ 1160 $ CAN)84. Cette somme peut suffire à payer le logement et la nourriture dans des villes autres que la capitale Copenhague, où les coûts sont plus élevés85. Et elle n’a pas à être remboursée, même si les étudiant·e·s décrochent de leurs études. Les critères d’admissibilité à l’aide de l’État sont les suivants : être inscrit dans une formation approuvée par l’État, ne pas habiter chez ses parents et travailler environ 10 heures par semaine.

L’endettement étudiant est donc quasi inexistant et le taux de diplomation est parmi les plus élevés des pays de l’OCDE. Des pays comme l’Allemagne s’assurent aussi que les étudiant·e·s reçoivent un salaire durant leurs études à travers des stages dans l’entreprise privée, mais au Danemark, il est considéré comme important que ce soient les pouvoirs publics et non le secteur privé qui prennent en charge le salariat étudiant. Le gouvernement danois considère que le salariat étudiant (au contraire des frais de scolarité élevés) permet de libérer les étudiant·e·s de la contrainte économique afin que ce soit d’abord ce qui les intéresse vraiment qui préside à leur choix d’études :

L’objectif de cette mesure d’aide est de nous assurer que ce n’est pas le statut social ou économique des étudiants potentiels mais leurs aptitudes et leurs intérêts qui décideront de leur réussite éducative86.

On notera que ce fonctionnement est l’exact inverse de celui qui est préconisé par le néolibéralisme éducatif à la Friedman, où il est précisément souhaité que les aptitudes ou les intérêts comptent moins que les calculs d’opportunité économique dans le choix d’un programme d’études. Évidemment ce choix politique est financé à travers le système des impôts, ce qui implique que les Danois aient une charge fiscale plus importante que les États-Uniens. Nous avons dit plus haut que les inégalités d’accès à l’éducation avaient un effet négatif sur la croissance économique ; or, ce problème ne s’est pas posé au Danemark, sans doute parce qu’on y a instauré la gratuité scolaire et le salariat étudiant87. Il faut cependant mentionner qu’il existe une sélection à l’entrée à l’université, et que l’octroi de bourses est assorti de conditions de réussite88. Il faut également souligner la charge fiscale que cela peut impliquer pour le système des impôts. En effet, en 2020, 40,4 % des Danois·e·s de 25 à 64 ans détenaient un diplôme tertiaire, ce qui est supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE (38,6 %), à la France (39,7 %) ou à l’Allemagne (31,3 %), mais inférieur au Canada (60 %) ou aux États-Unis (50,1 %)89. Certes, le système danois reçoit certaines critiques de la part d’entreprises d’ingénierie ou de biotechnologie qui se plaignent du manque d’intérêt des étudiant·e·s pour les diplômes scientifiques et techniques, 0r, les propos alarmistes de l’industrie sont tempérés par les responsables politiques et universitaires qui estiment que la situation est loin d’être aussi dramatique que le prétend le patronat et qu’elle se résorbera d’elle-même90.

La mise en place d’une telle « allocation d’autonomie » est défendue en France91 depuis la Charte de Grenoble de 1946 par des organisations comme l’Union nationale des étudiants de France, mais n’a jamais été réalisée. La mesure a failli être adoptée en 1951, alors que « la commission de l’Éducation nationale de l’Assemblée nationale avait ainsi adopté à l’unanimité le rapport Cayol en faveur d’une rémunération étudiante92 ». Le refus d’adopter la mesure en France s’expliquerait notamment par l’influence croissante de la théorie du capital humain néolibérale qui présente l’étudiant·e comme un investisseur en lui-même93. Le salariat étudiant était encore revendiqué en 2018 en France (ainsi qu’au Québec par les Comités unitaires sur le travail étudiant94) et l’idée a été notamment reprise par le candidat présidentiel Jean-Luc Mélenchon à la suite de l’immolation d’un étudiant pour cause de précarité (celui-ci avait écrit un texte revendiquant le salariat étudiant avant de poser son geste). Mélenchon proposait dans sa plateforme une allocation de 800 euros par mois95.

Suivant les distinctions terminologiques établies par le chercheur Aurélien Casta dans sa thèse de doctorat96, nous pouvons dire que le modèle fondé sur la gratuité (award), où les frais sont assumés par la collectivité, et l’idée du salariat étudiant (comme au Danemark) a été battu en brèche dans les pays qui ont adopté le modèle libéral en matière de frais de scolarité (comme le Royaume-Uni) et remplacé par le « student finance » (faire porter les coûts par les étudiant·e·s), résumé ici par Casta :

La mise en place du student finance suppose en effet : la hausse des frais demandés à une partie des étudiants et leur sélection par les établissements ; la construction d’un problème public de sous-financement du secteur et des étudiants ; la diffusion et la production d’une expertise montrant la possibilité d’une contribution ultérieure des étudiants et dénonçant les inégalités sociales du secteur ; l’introduction de prêts subventionnés pour les seuls frais de vie courante ; et celle d’une comptabilité d’engagement enregistrant les prêts comme un actif à la valeur marchande97.

Cela vient confirmer ce que nous évoquons plus bas à propos de la construction rhétorique d’un « problème du sous-financement » dans l’espace public, lequel permet en retour de justifier la rupture avec le modèle nationalisé (dit de l’« award » chez Casta) et l’implantation du cocktail frais élevés-endettement élevé préconisé par le néolibéralisme éducatif. Alors que le salariat étudiant permet, selon Casta, la reconnaissance de l’étudiant·e comme « travailleur intellectuel » générant une activité méritant rémunération (laquelle permet en retour sa subsistance), le modèle fondé sur le student finance participe de la marchandisation de l’enseignement supérieur :

Le salaire étudiant s’oppose ainsi au student finance en ce que ses promoteurs ont construit sa légitimité autour du projet de démocratisation de l’enseignement et de la condition de citoyen et de producteur de valeur de l’étudiant. À l’opposé, le student finance nie la qualité présente de travailleur de l’étudiant, le cantonne dans sa condition de consommateur et pose les études comme une marchandise98.

Le gouvernement du Québec a récemment créé le système de bourses Perspectives pour encourager les étudiant·e·s à s’inscrire dans des domaines où il y a pénurie de main-d’œuvre, suivant les besoins du marché. D’une part, le gouvernement admet ici que réduire les frais de scolarité est un incitatif à poursuivre des études, ce qui signifie également que des frais de scolarité élevés peuvent être un obstacle. D’autre part, il admet qu’il emploie l’incitatif de la réduction du coût de la scolarité pour pousser les étudiant·e·s à choisir certains domaines (ce qui a d’ailleurs causé des problèmes quand des domaines où il y avait pénurie, par exemple le travail social, ne se retrouvaient pas sur la liste des programmes admissibles). Le salariat étudiant danois, lui, laisse les étudiant·e·s choisir sans égard à la contrainte économique, par intérêt pour le domaine d’étude. Ne vaudrait-il pas mieux instaurer une bourse Perspectives universelle ?

Sous-financement ou mal-financement ?

Au Québec, un des arguments évoqués pour hausser les frais de scolarité est qu’il faut injecter davantage de ressources financières dans les universités, lesquelles souffriraient d’un « sous-financement » lorsqu’on les compare avec les établissements du reste du Canada, des États-Unis ou même du monde, présentés comme leurs concurrents. La prétendue crise vécue par les universités, véritables puits sans fonds, sert à son tour à légitimer la hausse des frais de scolarité. Ce discours pose problème à plusieurs égards. D’abord, on ne saurait présenter comme naturels et non problématiques la mise en concurrence internationale des universités et le besoin virtuellement infini d’accroître leurs ressources (lequel conduit lui-même à des clivages entre universités dites « de classe mondiale » et universités de seconde zone)99. Cette logique de croissance et de concurrence fait précisément partie des innovations induites par le néolibéralisme éducatif et devrait être remise en question plutôt que considérée comme allant de soi. On ne peut appeler à augmenter les ressources financières des universités sans s’interroger sur les finalités que viendront servir ces ressources et sur la façon dont celles-ci seront réparties entre les différentes missions et les différents secteurs de l’université.

À cet égard, et comme L’IRIS l’a montré depuis 2012, il faut moins parler de « sous-financement » que de « mal-financement100 ». Par exemple, la recherche dans les secteurs dits à « forte valeur ajoutée » des STIM (science, technologie, ingénierie et mathématiques) accapare une bonne part du financement, alors que l’enseignement dans les humanités est de plus en plus négligé101. Cela s’explique par le recours croissant aux universités comme catalyseurs de recherche-développement devant produire des innovations techno-scientifiques censées elles-mêmes nourrir la croissance de la valeur, une tendance qui survalorise l’importance de la recherche subventionnée et appliquée au détriment de la recherche libre et de l’enseignement102. On ne saurait donc appeler à augmenter les revenus des universités et la contribution étudiante au moyen de hausses des frais de scolarité sans interroger la logique croissanciste issue du système technico-économique et injectée dans l’université. Au contraire, cette logique de croissance sans limites doit être remise en question, aussi bien dans l’université que dans la société en général, notamment pour des raisons écologiques évidentes. L’université n’a pas besoin qu’on y injecte toujours davantage de ressources ; elle nécessite avant tout un débat de société sur l’usage qu’on veut en faire, sur les finalités qui doivent l’orienter. Cela illustre encore une fois que le débat sur les frais de scolarité et le financement universitaire ne peut être séparé d’une remise en question plus globale du paradigme néolibéral qui informe actuellement aussi bien l’université que la société en général. Comme nous le disions déjà en 2012 :

le discours des recteurs n’explique jamais la finalité véritable de la compétitivité : être concurrentiel pour quoi faire ? Or, dans le cadre du processus de Bologne, en Europe, les augmentations de frais de scolarité se combinent avec les réformes vers la gouvernance managériale, la pédagogie utilitaire et l’instauration de mécanismes d’évaluation de la performance dans le but de soumettre le secteur de l’enseignement à de nouvelles normes de fonctionnement qui permettent de l’arrimer au secteur de l’économie. Ainsi, l’augmentation des frais et la concurrence, loin de renflouer les universités, participent en fait d’une « grande mutation » qui permet de modifier la finalité des institutions universitaires pour en faire des organisations censées appuyer la relance de la croissance économique103.

Nous ne pouvons donc continuer de recevoir sans le critiquer le discours selon lequel il faudrait toujours maximiser le financement universitaire, augmenter la contribution étudiante, maximiser le financement de la recherche, le tout au service de l’augmentation infinie de la croissance de l’économie. Il s’agit d’une fuite en avant qui prétend que le mode actuel de développement pourra toujours durer104, alors que nous entrons aujourd’hui, comme le disait l’écologiste Serge Latouche, dans « l’âge des limites105 ». En faisant porter la discussion publique uniquement sur l’augmentation maximale des ressources, au plan quantitatif, les néolibéraux évitent ainsi de poser la question, qualitative, normative ou politique, qui concerne les finalités de l’université, alors qu’il s’agit pourtant de la première question qui devrait être posée.

Le coût de la gratuité scolaire aujourd’hui

Maintenant, considérons combien il en coûterait pour abolir les droits de scolarité à l’université. À partir des données comptables de 2020-2021, le coût de la gratuité scolaire peut être estimé à 1,482 G$ si l’on s’en tient aux frais totaux payés en 2020-2021. Le tableau 2 reproduit ces données comptables et donne une idée des frais payés par la population étudiante. À noter que cette somme tient compte des frais institutionnels obligatoires (FIO), connus aussi sous le nom plus commun de frais afférents.

Tableau 2

À partir de ce montant de 1 481,8 M$, nous pouvons calculer un montant plus précis du coût de la gratuité scolaire. Différents scénarios sont présentés au tableau 3.

Tableau 3

Nous ne pouvons toutefois pas nous satisfaire de ce chiffre. La déréglementation des frais de scolarité des étudiant·e·s internationaux de 2019 fait en sorte que certaines universités réussissent à capter des revenus bien plus importants que d’autres, pour la seule et simple raison qu’elles attirent davantage d’étudiant·e·s internationaux. Financer la gratuité scolaire en tenant compte des impacts actuels de la déréglementation reviendrait à financer inéquitablement les universités québécoises, alors qu’un des principes du financement universitaire reste l’équité interinstitutionnelle.

Par exemple, si l’ensemble des universités québécoises ont récolté environ 382 M$ en 2020-2021 en frais déréglementés, suivant le SIFU, McGill a empoché à elle seule environ 175 M$108 pour cette même année, soit 45,7 % de la somme totale. Québec ne devrait pas tolérer une telle iniquité de financement, d’autant plus qu’au contraire des frais de scolarité réglementés, qui sont collectés par le gouvernement et redistribués à l’ensemble des universités avec le financement public par le truchement de la subvention de fonctionnement, les frais déréglementés sont conservés par l’université.

Il est toutefois possible d’estimer assez précisément le coût de la gratuité scolaire si les étudiant·e·s internationaux payaient des frais réglementés, ce qui donne à nos calculs une base plus objective.

Pour le second scénario, nous pouvons retirer la contribution des étudiant·e·s français et belges (laquelle est réglementée)109, puis porter la contribution des autres étudiant·e·s internationaux au taux normal des étudiant·e·s canadiens non résidents du Québec (CNRQ), ce qui fait passer le coût de la gratuité scolaire à 1,213 G$110. Pourquoi le taux CNRQ ? Tout simplement parce qu’il s’agit du minimum obligatoire que les universités doivent facturer aux étudiant·e·s internationaux, les étudiant·e·s français et belges de 1er cycle payant le même taux111.

Ce coût est sans doute légèrement surestimé, car il considère que tous les étudiant·e·s internationaux paient des frais déréglementés. Or, les étudiant·e·s internationaux de 2e cycle inscrits à un programme de recherche, ainsi que ceux inscrits au 3e cycle, paient des frais réglementés. En retirant ces derniers, nous arrivons à un coût qui oscille entre 1,077 (scénario 4) et 1,159 G$112 (scénario 3). Nous avons retenu le chiffre de 1,2 G$ comme étant l’estimation la plus réaliste. Le tableau qui suit résume nos calculs.

En somme, le coût de la gratuité scolaire au Québec oscille entre 1,1 et 1,2 G$113, selon les balises utilisées. Nous pourrions encore retirer 140,26 M$ en retranchant de l’Aide financière aux études la somme consacrée à régler les frais de scolarité. L’IRIS préconise plutôt, en s’inspirant du salariat étudiant danois, de réallouer ces sommes à des bourses de subsistance universelles. Nous pouvons également estimer que l’instauration de la gratuité scolaire aurait un impact à la hausse sur la fréquentation de l’université, ce qui pourrait entraîner des augmentations de coûts, mais nous n’avons pas abordé cette question dans la présente note.

Figure 1

Dans les multiples scénarios qu’elle envisage pour l’avenir114, l’OCDE évoque la possibilité d’un remplacement du modèle traditionnel organisé autour d’écoles physiques financées par les gouvernements par un nouveau marché mondial de l’enseignement supérieur où différents fournisseurs de compétences seraient mis en concurrence. Certains fournisseurs publics demeureraient, mais une poussée vers la privatisation est anticipée. Le scénario « Learn-as-you-go », illustré dans la figure 1 tirée des documents de l’OCDE, prévoit le démantèlement des écoles telles qu’on les connaît et leur remplacement par la technologie (enseignement en ligne, assistants virtuels fonctionnant grâce à l’intelligence artificielle, etc.). Dans un tel scénario, la frontière entre éducation, emploi et le reste de la vie se brouille. Le métier de professeur disparaît. L’OCDE envisage donc l’avènement d’un monde où l’enseignement serait privatisé et où les consommateurs achèteraient des compétences dans un réseau organisé suivant un modèle de marché, le tout s’appuyant sur l’extension de l’enseignement en ligne et de l’intelligence artificielle.

L’OCDE souligne que ce modèle présente un risque fort de fragmentation sociale, aussi bien sur le plan des inégalités qu’en ce qui concerne la capacité d’acquérir une culture commune ; en effet, si chacun apprend en s’adaptant aux circonstances de son environnement en interagissant avec la technologie, il devient difficile d’assurer la transmission d’un monde commun. Ce scénario n’est pas réalisé, et on peut avoir l’impression qu’il s’agit d’une utopie technologique lointaine quand la moitié de nos écoles primaires et secondaires n’ont même pas de système de ventilation adéquat. Cela dit, nous pouvons observer, ces dernières années, une extension des logiques de marchandisation-privatisation et de dématérialisation technologique de l’enseignement, laquelle tend à s’accélérer, puisque c’est bien la même vision néolibérale qui inspire les décideurs. Il faut donc se demander si l’avènement d’un tel modèle est souhaitable et s’il est le plus à même non seulement de garantir l’accessibilité à un enseignement de qualité, mais de former des personnes qui, comme le disait Michel Freitag, pourront faire face aux défis du 21e siècle.

Or, dans la présente note, nous avons montré en quoi le modèle « frais élevés-endettement élevé » est non seulement une menace pour l’accessibilité et l’égalité, mais participe d’une soumission plus générale de l’éducation aux impératifs de croissance du système technico-économique. Il nous semble avoir bien démontré en quoi la hausse des frais de scolarité est une politique néfaste au plan socioéconomique (ainsi que l’IRIS l’avait déjà fait dans des travaux antérieurs). Nous avons également souligné que la gratuité scolaire, loin d’être un « mirage » ou une utopie irréalisable, est une mesure effective dans plusieurs pays, et réalisable au Québec. Il nous apparaît aussi, au vu de la situation écologique, qu’il est irresponsable de continuer à penser l’éducation et la société suivant des finalités croissancistes, c’est-à-dire visant le développement maximal de la puissance technique et de la valeur économique, un développement sans limites qui est incompatible avec les limites géophysiques de la Terre aussi bien qu’avec celles du vivant.

En effet, il existe un lien entre recherche scientifique universitaire, croissance infinie du savoir et de l’innovation techno-scientifique et croissance infinie de l’économie, qui veut aussi dire pollution et non-respect des limites environnementales. Or, comme le souligne le scientifique Hervé Philippe115, il faut aussi considérer que l’activité de recherche scientifique elle-même est une activité génératrice de pollution116. En effet, les demandes de subvention pour étudier tel ou tel problème supposent de tenter d’obtenir des moyens financiers « souvent les plus grands possibles […] Il est difficile de voir comment une augmentation du financement conduira à résoudre le problème de l’épuisement des ressources ». De plus, l’évaluation de la recherche se base, notamment, sur la participation à des conférences internationales : « […] plus un chercheur pollue et épuise les ressources, meilleure peut être son évaluation, et plus important peut être son financement pour continuer et amplifier ses actions destructrices ». Selon le professeur Philippe, l’idée qu’il faille accumuler toujours plus de données a conduit à l’utilisation de technologies de plus en plus coûteuses et polluantes. Prenant comme modèle sa propre activité de recherche en 2007, le chercheur calcule avoir émis 44 tonnes de CO2 (19 tonnes pour l’utilisation de 16 ordinateurs, 10 tonnes pour climatiser ces mêmes ordinateurs, 15 tonnes pour assister à des conférences internationales), soit 10 fois la moyenne mondiale « déjà considérée comme excessive ». En somme, le leitmotiv est : « toujours plus de savoir, toujours plus d’activités de recherche, toujours plus de ressources ». La recherche scientifique universitaire contribue ainsi à deux titres à la société croissanciste, parce qu’elle est elle-même une activité mobilisant toujours plus de ressources et produisant de la pollution, et parce qu’elle est employée pour nourrir l’innovation technico-économique qui alimente à son tour le fantasme d’une croissance infinie du PIB. D’après Hervé Philippe, imaginer que la Chine soutiendra encore pendant 300 ans un taux de croissance de 10 % signifie que son PIB devrait augmenter de 2000 G$117, ce qui est profondément irréaliste et intenable écologiquement. N’est-il pas temps d’amorcer un questionnement sur la logique croissanciste qui anime notre mode de développement, ce même mode auquel on assujettit le fonctionnement universitaire ?

Actuellement, les universités du monde sont engagées dans une guerre concurrentielle où chacune vise à augmenter au maximum les ressources dont elle dispose. Il nous semble qu’un changement de paradigme complet est à l’ordre du jour, en éducation comme dans la société, pour rompre avec le modèle croissanciste. Certains annoncent d’ailleurs l’effritement de l’hégémonie du néolibéralisme118, et les récents retournements politiques au Chili, notamment en éducation, pourraient bien annoncer un éventuel dépassement du paradigme néolibéral au plan mondial.

La solution n’est pas simplement d’imiter les pays scandinaves. Ceux-ci ont effectivement instauré une politique de gratuité scolaire et, dans certains cas, une forme de salariat étudiant, des politiques dont le Québec devrait certes s’inspirer. Cela n’empêche cependant pas leur système d’éducation d’être traversé par les impératifs de la croissance industrielle, technologique et économique, impératifs promus par les États néolibéraux. L’espace nous manque ici pour développer sur ce que pourrait être une éducation démocratique véritable et adaptée à une société décroissante, laquelle sortirait de la vision d’une croissance sans limites du financement universitaire, des ressources consacrées à la recherche appliquée en vue de l’innovation technico-économique, de la valeur, etc. Comme le disent Christian Laval et Francis Vergne119, « la question scolaire est une question politique qui concerne l’organisation d’ensemble de la société dans la mesure où il s’agit de se demander comment former des individus qui seront demain en mesure d’assurer la maîtrise de leur destin et la responsabilité du monde ». Actuellement, le modèle néolibéral est imposé par les États à travers de nouveaux modes de gouvernance. Or, penser une éducation visant l’autonomie individuelle et collective implique de réfléchir à un approfondissement de la démocratie dans les établissements scolaires, à rebours de la verticalité gestionnaire portée par la rationalité néolibérale ; cela exige aussi de penser une plus grande démocratie dans la façon dont les décisions politiques et économiques sont prises, en rupture avec le néolibéralisme croissanciste et au profit d’une prise de décision décentralisée et soucieuse du respect des limites écologiques. Tout comme les frais de scolarité élevés participent plus globalement de la logique marchande en éducation, nous considérons la gratuité scolaire comme une façon d’entrer dans une tout autre logique où l’éducation ne servirait plus aveuglément la logique croissanciste.


1 Les éléments présentés ici ont déjà été exposés dans une lettre ouverte : Philippe HURTEAU et autres, « La grève de 2012, une économie de 1,17 G$ pour 390 000 étudiants », Billet, IRIS, 18 mars 2022, iris-recherche.qc.ca/blogue/education/la-greve-de-2012-une-economie-de-117-millions-pour-390-000-etudiants/.

2 Voir par exemple Marie-Andrée CHOUINARD, « Le mirage de la gratuité », Le Devoir, 29 mars 2022, www.ledevoir.com/opinion/editoriaux/692349/luttes-etudiantes-le-mirage-de-la-gratuite.

3 Nous utilisons, pour nommer les deux modèles que nous avons relevés, la terminologie employée par Moulin en 2015. Voir Léonard MOULIN, « Frais d’inscription dans l’enseignement supérieur et régimes d’État-providence : une analyse comparative », Éducation et sociétés, vol. 2, no 36, 2015, p. 119-141, www.cairn.info/revue-education-et-societes-2015-2-page-119.htm.

4 Sébastien TANGUAY, « La gratuité apparaît dans les bus du Québec », Le Devoir, 25 avril 2022, www.ledevoir.com/societe/transports-urbanisme/703056/la-gratuite-apparait-dans-les-bus-du-quebec.

5 Robert ANDERSON, « University fees in historical perspective », History & Policy, 8 février 2016, www.historyandpolicy.org/policy-papers/papers/university-fees-in-historical-perspective.

6 Voir Eric MARTIN, Le projet austéritaire. La révolution néolibérale de l’État, Document de réflexion, IRIS, 8 octobre 2015, iris-recherche.qc.ca/publications/le-projet-austeritaire-la-revolution-neoliberale-de-letat/.

7 Voir Michel FREITAG, Le naufrage de l’université et autres essais d’épistémologie politique, Québec, Nota Bene, 1995, 368 p. Voir aussi Milton FRIEDMAN, « On the role of education », Capitalism and Freedom, Chicago, University of Chicago Press, 1962.

8 Le président Macron a d’ailleurs depuis rétropédalé en disant qu’il ne voulait parler que de certaines formations professionnelles. Mathilde COUSIN, « Université : “Je n’ai jamais dit ça !” Macron mal compris sur la hausse des frais d’inscription ? On a vérifié », 20 minutes, 25 janvier 2022, www.20minutes.fr/politique/3223035-20220125-universite-jamais-dit-ca-macron-mal-compris-hausse-frais-inscription-verifie.

9 Aurélien CASTA, « La lente affirmation des prêts étudiants et des frais d’inscription en Angleterre (1979-2012) », Recherches internationales, no 111, octobre-décembre 2017, p. 93-110, www.recherches-internationales.fr/RI111/RI111Casta.pdf.

10 Eric MARTIN, L’université globalisée : transformations institutionnelles et internationalisation de l’enseignement supérieur, Note, IRIS, 6 avril 2016.

11 ANDERSON, op. cit.

12 Comme nous le verrons plus bas, la volonté d’arrimer l’éducation aux besoins de l’industrie ne date pas d’hier. Au départ, cependant, cet arrimage s’organisait à travers la planification étatique, et l’éducation était conçue comme un service public. Le néolibéralisme remplace la planification étatique par une logique clientéliste de marché et transforme l’éducation en marchandise. La gratuité scolaire permet de remettre en question cette logique de marchandisation, mais elle doit être accompagnée d’une réflexion critique sur l’arrimage trop serré de l’école aux seuls besoins du marché.

13 D’après l’OCDE, « [l]’enseignement tertiaire désigne un niveau d’études, au sens large, assuré par des établissements d’enseignement supérieur, mais aussi d’autres types d’établissement, des entreprises et dans d’autres contextes non institutionnels. C’est néanmoins principalement dans un cadre institutionnel – universités et autres établissements d’enseignement supérieur et post-secondaire, publics ou privés – que l’enseignement tertiaire est dispensé […] Une certaine imprécision est inévitable dans ce domaine étant donné la diversité des structures mises en place dans les pays membres et les choix faits par les étudiants eux-mêmes ». OCDE, Analyse des politiques d’éducation 1997, Paris, Éditions OCDE, 1997, doi.org/10.1787/epa-1997-fr.

14 OCDE, Regards sur l’éducation 2021. Les indicateurs de l’OCDE, octobre 2021, p. 266, doi.org/10.1787/5077a968-fr.

15 Les colleges sont des « établissements de premier cycle et généralement de petite taille (pas plus de quelques milliers d’étudiants) ; les universités sont plus grandes et délivrent des diplômes de deuxième et troisième cycles ». COURRIER INTERNATIONAL, « États-Unis. Entre “college” et “university” , quelle différence ? », 27 novembre 2019, www.courrierinternational.com/article/etats-unis-entre-college-et-university-quelle-difference.

16 COLLEGE BOARD AND ART & SCIENCE GROUP LLC, «A majority of students rule out colleges based on sticker price», Studentpoll, vol. 9, no 1, 14 septembre 2012, artsci.bruceblackburn.com/studentpoll/v9n1/.

17 Ibid.

18 Nous discutons ici de ce problème à l’intérieur du cadre croissanciste de l’OCDE. Évidemment, des questions doivent être soulevées quant à savoir si la poursuite de la croissance de la production infinie doit être la finalité qui anime l’éducation et la société en général. Nous y reviendrons à la fin de la présente note. Pour le moment, nous nous contentons de relever la contradiction ou l’incohérence des sociétés de croissance qui semblent ignorer l’impact négatif des inégalités d’accès à l’éducation sur la dynamique d’accumulation qui est pourtant leur priorité.

19 Federico CINGANO, « Trends in Income Inequality and its Impact on Economic Growth », Documents de travail de l’OCDE sur les questions sociales, l’emploi et les migrations, no 163, 2014, doi.org/10.1787/5jxrjncwxv6j-en; Rick NOACK, «How inequality made these Western countries poorer », The Washington Post, 5 janvier 2015, www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2015/01/05/how-inequality-made-these-western-countries-poorer/.

20 Rick NOACK, «Why Danish students are paid to go to college », The Washington Post, 4 février 2015, www.washingtonpost.com/news/worldviews/wp/2015/02/04/why-danish-students-are-paid-to-go-to-college/.

21 Abigail JOHNSON HESS, « The cost of college increased by more than 25% in the last 10 years – here’s why », CNBC, 13 décembre 2019, www.cnbc.com/2019/12/13/cost-of-college-increased-by-more-than-25percent-in-the-last-10-years.html.

22 Robert HILTONSMITH, « Pulling Up the Higher-Ed Ladder: Myth and Reality in the Crisis of College Affordability », Demos, 5 mai 2015, www.demos.org/research/pulling-higher-ed-ladder-myth-and-reality-crisis-college-affordability.

23 Ibid.

24 Preston COOPER, « A New Study Investigates Why College Tuition Is So Expensive », Forbes, 31 août 2020, www.forbes.com/sites/prestoncooper2/2020/08/31/a-new-study-investigates-why-college-tuition-is-so-expensive/?sh=6c7324a117a0.

25 OCDE, op. cit., indicateur C3, p. 312.

26 Ibid., p. 266-267.

27 Ibid., p. 271.

28 Teresa LONGO, « La réforme éducative sous le régime de Pinochet : histoire d’une expérimentation néo-libérale », Carrefours de l’éducation, vol. 1, no 11, 2001, p. 104-119, www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2001-1-page-104.htm ; Eric MARTIN, « La jeunesse chilienne contre l’éducation privée », Billet, IRIS, 20 octobre 2011, iris-recherche.qc.ca/blogue/education/la-jeunesse-chilienne-contre-leducation-privee/ ; Mathias DESTAL, « Chili : les étudiants se soulèvent contre les restes de l’ère Pinochet », Le Monde, 10 août 2011, www.lemonde.fr/ameriques/article/2011/08/10/chili-les-etudiants-se-soulevent-contre-les-restes-de-l-ere-pinochet_1558039_3222.html.

29 LONGO, op. cit.

30 LONGO, op. cit.

31 Marion ESNAULT et Amélie QUENTEL, « Le Chili amorce
la sortie du néolibéralisme », Reporterre, 22 décembre 2021,
reporterre.net/Le-Chili-amorce-la-sortie-du-neoliberalisme.

32

33 Voir Philippe HURTEAU et Eric MARTIN, Financement des universités : vers une américanisation du modèle québécois ?, Étude, IRIS, 23 octobre 2008, iris-recherche.qc.ca/publications/financement-des-universites-vers-une-americanisation-du-modele-quebecois/.

34 Ibid., p. 292.

35 Au Québec, historiquement, les frais sont plus bas que dans le reste du Canada, mais dans les dernières décennies, on a vu une pression politique afin de les augmenter, comme en témoigne la grève de 2012.

36 En France, les frais exigés sont modiques. Par exemple, une année de licence coûte 170 euros. Voir www.campusfrance.org/fr/cout-etudes-superieures-france-frais-inscription.

38 Ibid., p. 294.

39 Laura T., « Where can you study abroad for free? », QS World University Rankings, mis à jour le 9 octobre 2021, www.topuniversities.com/student-info/studying-abroad/where-can-you-study-abroad-free.

40 Samuel-Élie LESAGE, « Étudiants internationaux, une “clientèle” lucrative », Billet, IRIS, 6 juillet 2022, iris-recherche.qc.ca/blogue/education/etudiants-universitaires-internationaux-une-clientele-lucrative/  ; Guillaume HÉBERT et Samuel-Élie LESAGE, La déréglementation des frais de scolarité : à la conquête du marché des étudiant·e·s internationaux, Note, IRIS, 11 octobre 2018, iris-recherche.qc.ca/publications/la-dereglementation-des-frais-de-scolarite-a-la-conquete-du-marche-des-etudiant%c2%b7e%c2%b7s-internationaux/.

41 Francis VAILLES, « Les étudiants internationaux transforment les universités », La Presse, 19 avril 2022, www.lapresse.ca/affaires/chroniques/2022-04-19/financement-universitaire/les-etudiants-internationaux-transforment-les-universites.php.

42 Eric MARTIN, « L’internationalisation de l’éducation, ou l’envers d’un buzzword à la mode », Billet, IRIS, 21 octobre 2014, iris-recherche.qc.ca/blogue/education/linternationalisation-de-leducation-ou-lenvers-dun-buzzword-a-la-mode/.

43 Ibid., p. 268.

44 La valeur réelle s’oppose à la valeur nominale, s’exprimant en prix constants en évacuant les effets de l’inflation.

45 Ibid., p. 270-271 et 297.

46 Didem TURKOGLU, The Political Price Of A Public Education: Neoliberalism And Struggle Over Tuition, Dissertation (Philosophie), University of North Carolina, 2019, doi.org/10.17615/rh95-5d63.

47 Cette section reprend plusieurs éléments issus de Eric MARTIN et Maxime OUELLET, « Quel rôle doit jouer l’université dans la société québécoise ? Du naufrage de l’Université à la Barbarie », dans Martin MEUNIER, dir., Le Québec et ses mutations culturelles, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa, 2016, p. 255-286.

48 En 1961, Jean Lesage (Parti libéral) lance la Commission royale d’enquête sur l’enseignement, visant la démocratisation de l’éducation. La commission conduit à la mise en place de plusieurs réformes importantes : « école obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans, abolition des collèges classiques et création des polyvalentes, gratuité pour les études pré-universitaires, mise sur pied des cégeps et du réseau de l’Université du Québec dans l’ensemble des régions, établissement d’un régime de prêts et bourses pour les étudiants des ordres collégial et universitaire ». Claude GAUVREAU, « Le rapport Parent : un document fondateur », Actualités UQAM, 13 novembre 2013, actualites.uqam.ca/2013/le-rapport-parent-un-document-fondateur/.

49 UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE, « C’est arrivé en 1943 : Adoption de la Loi sur la fréquentation scolaire obligatoire », Bilan du siècle, bilan.usherbrooke.ca/bilan/pages/evenements/717.html.

50 À ce sujet, voir les travaux de l’historien de l’OCDE George Papadopoulos : Education 1960-1990, The OECD perspective, Paris, Éditions OCDE, 1994.

51 Nous voyons ici qu’il ne s’agit pas d’opposer la social-démocratie au néolibéralisme, puisque la social-démocratie était aussi animée par une volonté d’arrimer l’éducation à la croissance économique. Il ne s’agit donc pas simplement de revenir à la social-démocratie et d’instaurer la gratuité scolaire ; il faut s’interroger plus largement sur la logique de maximisation à tout prix de la croissance de la production, et sur l’inféodation de l’éducation à cette seule finalité étroite.

52 Eric MARTIN, « Le détournement de l’éducation », Droits et libertés, vol. 32, no 2, automne 2013, liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/2014/03/revueldl_automne2013.pdf.

53 Christophe CHARLE et Jacques VERGER, Histoire des universités : XIIe-XXIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 2012.

54 Au Québec, la volonté d’opérer une modernisation de rattrapage économique et technologique s’incarne, dans les années 1960, dans les propos de Paul Gérin-Lajoie. Le défi du rapport Parent sera alors de chercher, suivant les mots de Guy Rocher, un équilibre entre la culture et la technique, entre l’adaptation technico-économique et l’héritage humaniste. Le rapport Parent tentera d’opérer une synthèse entre ces deux dimensions, mais celle-ci demeurera précaire et est aujourd’hui mise en péril, notamment par les attaques contre la formation générale au collégial. Voir Guy ROCHER, « Pourquoi le cégep », dans Sébastien MUSSI, dir., La liquidation programmée de la culture. Quel cégep pour nos enfants ?, Montréal, Liber, 2016 ; Eric MARTIN, « Le ver était dans la pomme », Liberté, no 305, automne 2014, p. 21-23.

55 Eric MARTIN et Maxime OUELLET, « Le devenir total de capital : l’université comme lieu d’accumulation du capital humain », Nouveaux Cahiers du socialisme, no 8, 2012, p. 46.

56 CHARLE et VERGER, op. cit.

57 Suivant les distinctions établies par Michel Freitag dans Le naufrage de l’université (voir note 6), nous distinguons entre l’idéal de l’université moderne (axé sur le développement de la faculté de juger, la transmission de la culture et du patrimoine scientifique de l’humanité, la recherche libre) et la fonction que l’université en viendra à occuper, dans les faits, dans les sociétés capitalistes avancées ou postmodernes, soit essentiellement celle de catalyseur de l’innovation technoscientifique, elle-même mise au service de la croissance de la valeur.

58 Voir Christian LAVAL, Isabelle BRUNO et Pierre CLÉMENT, La grande mutation : néolibéralisme et éducation en Europe, Paris, Syllepse, 2010.

59 Philippe HURTEAU et Eric MARTIN, Tarification de l’éducation postsecondaire ou gratuité scolaire ?, Étude, IRIS, 13 janvier 2007 ; Phillipe HURTEAU et Marc DAOUD, Gratuité scolaire : trois scénarios d’application, Étude, IRIS, 15 octobre 2007 ; Philippe HURTEAU et Eric MARTIN, Financement des universités : vers une américanisation du modèle québécois, Étude, IRIS, 23 octobre 2008 ; Maxime OUELLET et Eric MARTIN, La gouvernance des universités dans l’économie du savoir, Étude, IRIS, 24 novembre 2010 ; Eric MARTIN et Simon TREMBLAY-PEPIN, L’endettement étudiant : une bulle spéculative ?, Note, IRIS, 27 mars 2012 ; Gilles GAGNÉ, Les revenus des universités selon la Conférence des recteurs, Document de réflexion, IRIS, 15 mai 2012 ; Eric MARTIN et Maxime OUELLET, Les mécanismes d’assurance qualité dans l’enseignement supérieur, Étude, IRIS, 29 novembre 2012 ; Eric MARTIN, L’université globalisée…, op. cit. Cette liste n’est pas exhaustive. L’ensemble des publications de l’IRIS sur l’éducation sont disponibles en ligne à l’adresse suivante : iris-recherche.qc.ca/publications/?_sft_category=education.

60 Cette approche escamote la valeur d’usage de l’éducation pour la réduire à sa valeur d’échange, la transformant en marchandise dont le coût devrait être, à terme, assumé entièrement par le « consommateur », notamment au moyen de prêts. Aurélien CASTA, « La lente affirmation des prêts étudiants et des frais d’inscription en Angleterre (1979-2012) », Recherches internationales, no 111, octobre-décembre 2017, p. 93-110, www.recherches-internationales.fr/RI111/RI111Casta.pdf.

61 Friedrich HAYEK, «The use of knowledge in societies», The American Economic Review, vol. XXXV, no 4, septembre 1945, p. 519-530. Voir Eric MARTIN et Maxime OUELLET, « University Transformations and the New Knowledge Production Regime in Informational Capitalism », Triple C, vol. 16, no 1, 2018, p. 78-96, www.triple-c.at/index.php/tripleC/article/view/875.

62 L’Université d’Ottawa avait fait une campagne publicitaire bien claire à cet égard, avec le slogan « I invest in myself ».

63 CHARLE et VERGER, op. cit.

64 Suivant Freitag, nous distinguons la science, qui vise à connaître le réel, de la technoscience, qui vise d’abord à transformer celui-ci suivant des objectifs d’efficacité opérationnelle, le tout au service de l’accumulation économique.

65 Marcel RIOUX, « L’éducation a-t-elle un avenir au Québec ? », La culture comme refus de l’économisme. Écrits de Marcel Rioux, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2010.

66 Pierre DARDOT et Christian LAVAL, La nouvelle raison du monde, Paris, La Découverte, 2009, 504 p. Edward RADZIVILOSKIY, « Noam Chomsky on Student Debt and Education », 27 février 2013, chomsky.info/20130227/.

67 Jessica DICKLER et Annie NOVA, « This is how student loan debt became a $1.7 trillion crisis », CNBC, 6 mai 2022, www.cnbc.com/2022/05/06/this-is-how-student-loan-debt-became-a-1point7-trillion-crisis.html.

68 Le G.I. Bill de 1944 a permis à 8 millions de vétérans de la Deuxième Guerre mondiale de s’instruire gratuitement ; 2,3 millions d’entre eux ont fréquenté les collèges et les universités. Le nombre de diplômes d’études supérieures a doublé entre 1940 et 1950. Voir www.archives.gov/milestone-documents/servicemens-readjustment-act.

69 Ibid.

70 Ibid.

71 Drew DESILVER, « For most U.S. workers, real wages have barely budged in decades », Pew Research Center, 7 août 2018, www.pewresearch.org/fact-tank/2018/08/07/for-most-us-workers-real-wages-have-barely-budged-for-decades/.

72 Todd PETTIGREW, « Why the tuition problem is worse than you think », Maclean’s, 16 septembre 2011, www.macleans.ca/education/uniandcollege/why-the-tuition-problem-is-worse-than-you-think/.

73 COURRIER INTERNATIONAL, « Universités. Dans les facs américaines, les humanités sont passées de mode », 2 octobre 2018, www.courrierinternational.com/article/universites-dans-les-facs-americaines-les-humanites-sont-passees-de-mode.

74 Simon BAKER, « Arts and humanities cuts “becoming endemic”, warns UK union », Times Higher Education, 22 mai 2022, www.timeshighereducation.com/news/arts-and-humanities-cuts-becoming-endemic-warns-uk-union.

75 Ibid.

76 Kevin CLARK, « Jobs at risk as University of Sunderland axes history, politics and foreign language courses », Sunderland Echo, 22 janvier 2020, www.sunderlandecho.com/education/jobs-at-risk-as-university-of-sunderland-axes-history-politics-and-foreign-language-courses-1372636.

77 Ce sont 658 demandes qui ont été soumises au « Main Panel C » regroupant les « sciences sociales » (archéologie, économie et économétrie, management, droit, études politiques et internationales, sociologie, notamment), soit 44 de plus qu’en 2014. À l’opposé, les demandes soumises au « Panel D » ont chuté de 28, tombant à 554. Sur le plan de la recherche, ce seraient donc les « sciences sociales » qui ont la cote (notons que cette catégorie assez large inclut aussi bien la sociologie que le droit ou la gestion) pendant que les arts et les sciences humaines perdent en importance, à la suite de nombreuses fermetures de départements. Voir Chris HAVERGAL et Paul JUMP, « REF 2021 : Social sciences on the up as arts and humanities shrink », Times Higher Education, 12 mai 2022, www.timeshighereducation.com/news/ref-2021-subject-rankings.

78 BAKER, op. cit.

79 Alexandra TOPPING, «German universities face funding fears as states scrap fees », The Guardian, 15 mars 2011, www.theguardian.com/world/2011/mar/15/german-university-tuition-fees-abolished.

80 INTERNATIONALE DE L’ÉDUCATION, « L’Allemagne déterminée à supprimer les frais de scolarité », 4 avril 2013, www.ei-ie.org/fr/item/18787:lallemagne-determinee-a-supprimer-les-frais-de-scolarite.

81 Léonard MOULIN, «Les allocations étudiantes au Danemark, un modèle à suivre ? », The Conversation, 28 juin 2022, theconversation.com/les-allocations-etudiantes-au-danemark-un-modele-a-suivre-184497.

82 Anne-Françoise HIVERT, « “Les études sont considérées comme une forme d’emploi” : en Scandinavie, les étudiants connaissent peu la crise », Le Monde, 13 mai 2021, www.lemonde.fr/economie/article/2021/05/13/dans-les-pays-nordiques-les-etudiants-sont-moins-sujets-a-la-crise_6080062_3234.html.

83 Amélie B., « Un salaire universel pour les étudiants au Danemark », Le Petit Journal, 16 août 2021, lepetitjournal.com/copenhague/education/salaire-universel-etudiants-danemark-301182.

85 Alcyone WEMAËRE, « Le salaire étudiant existe en Europe et aurait déjà pu exister en France », Slate, 20 novembre 2019, www.slate.fr/story/184350/salaire-etudiant-utopie-precarite-remuneration-etudes-danemark.

86 NOACK, « Why Danish students are paid to go to college », op. cit.

87 Ibid. ; Maryse BURGOT et Stéphane GUILLEMOT, « Danemark : les étudiants touchent un salaire universel », France Info, 17 août 2021, www.francetvinfo.fr/economie/budget/danemark-les-etudiants-touchent-un-salaire-universel_4740527.html.

88 MOULIN, op. cit.

89 OCDE, op. cit., graphique A1.3.

90 Soeren BILLING, « Free Universities And No Student Loan Debt Is Hurting Denmark’s Economy », Business Insider, 18 juin 2014, www.businessinsider.com/free-universities-and-no-student-loan-debt-is-hurting-denmarks-economy-2014-6.

91 Léa ALEXANDRE, « Vers l’autonomie des étudiant∙es ? Le salaire étudiant comme outil de lutte contre la précarité : comparaisons européennes », Academia, 29 avril 2020, academia.hypotheses.org/22973; Aurélien CASTA, « La “rémunération étudiante” (1950) : une proposition de loi à la croisée des solidarités salariales et de la réforme universitaire », Revue française de pédagogie, no 181, 2012, journals.openedition.org/rfp/3891.

92 WEMAËRE, op. cit.

93 Ibid.

94 RÉSEAU EUROPÉEN DES SYNDICATS ALTERNATIFS ET DE BASE, Un appel européen pour un salaire étudiant, Communiqué de presse, 19 novembre 2018, solidaires.org/IMG/pdf/2018-11-19-appel-salaire-etudiant-1.pdf?16415/c6bb9cff785ba17f0264404282550876d528859f; COMITÉS UNITAIRES SUR LE TRAVAIL ÉTUDIANT, Questions et réponses sur le travail étudiant, automne 2018, www.grevedesstages.info/wp-content/uploads/2018/10/brochure-a18.pdf.

95 L’EXPRESS, « Jean-Luc Mélenchon propose une “allocation d’autonomie” pour les étudiants », 14 novembre 2019, www.lexpress.fr/actualite/politique/lfi/jean-luc-melenchon-propose-une-allocation-d-autonomie-pour-les-etudiants_2107270.html.

96 « Comptes rendus de thèses soutenues », Revue Française de Socio-Économie, vol. 2, no 10, 2012, p. 321-325, www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2012-2-page-321.htm.

97 Ibid.

98 Ibid.

99 MARTIN, L’université globalisée…, op. cit.

100 GAGNÉ, op. cit. ; Eric MARTIN, « Le spectre du sous-financement », Billet, IRIS, 17 octobre 2012, iris-recherche.qc.ca/blogue/education/le-spectre-du-sous-financement/.

101 GAGNÉ, op. cit.

102 FREITAG, op. cit. ; MARTIN et OUELLET, La gouvernance des universités dans l’économie du savoir, op. cit.

103 Philippe HURTEAU et autres, « Sous-financement universitaire : à quand un débat sur les fins ? », Billet, IRIS, 29 octobre 2012, iris-recherche.qc.ca/blogue/education/sous-financement-a-quand-un-debat-sur-les-fins/.

104 Michel FREITAG, « Combien de temps le développement peut-il durer ? », Les ateliers de l’éthique, la revue du CRÉUM, vol. 1, no 2, automne-hiver 2006, p. 114-133, classiques.uqac.ca/contemporains/freitag_michel/combien_de_temps_devel/combien_de_temps.html.

105 Serge LATOUCHE, L’Âge des limites, Paris, Mille et une nuits, 2013.

106 Nous remettons en question la pertinence de financer à même les deniers publics une formation universitaire qui ne mènerait à aucune forme de qualification ou de reconnaissance institutionnelle.

107 MINISTÈRE DES FINANCES, Dépenses fiscales, édition 2021, Gouvernement du Québec, p. C.75-77, www.finances.gouv.qc.ca/documents/Autres/fr/AUTFR_Depenses_fiscales_2021.pdf. Notre calcul.

108 Très exactement 174 669 914 $. UNIVERSITÉ McGILL, État de la situation financière au 30 avril 2021, cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/education/publications-adm/Universites/SIFU/SIFU-20-21-McGill.pdf?1645198584.

109 Plus précisément, seuls les étudiant·e·s belges francophones sont réglementés, mais comme il est impossible, avec les données actuelles, de déterminer leur nombre, nous tenons pour acquis qu’ils sont tous francophones.

110 Les frais que paient les étudiant·e·s étrangers ont été déréglementés à l’automne 2019. Voir Guillaume HÉBERT et Samuel-Élie LESAGE, « La déréglementation des frais de scolarité : à la conquête du marché des étudiant·e·s internationaux », Note, IRIS, 11 octobre 2018, iris-recherche.qc.ca/publications/la-dereglementation-des-frais-de-scolarite-a-la-conquete-du-marche-des-etudiant%c2%b7e%c2%b7s-internationaux.

111 Aux fins de nos calculs, nous tiendrons pour acquis que l’étudiant·e est inscrit à temps plein pour l’année 2020-2021, donc à 30 crédits universitaires.

112 Autrement dit, le montant de 1,077 G$ tient pour acquis que tous les étudiant·e·s internationaux ni français ni belges sont inscrits à un programme de recherche et qu’ils paient des frais réglementés, tandis que le montant de 1,159 G$ tient pour acquis que ces mêmes étudiant·e·s sont tous inscrits à un programme professionnel, et donc qu’ils paient des frais déréglementés. Les données dont nous disposons ne permettent pas en effet de ventiler les étudiant·e·s internationaux de 2e cycle.

113 Nous ne prenons pas en compte les étudiant·e·s internationaux déjà inscrits avant la déréglementation de l’automne 2019 et bénéficiant d’une clause grand-père, ni ceux bénéficiant d’arrangements spéciaux.

114 OCDE, « 4. The OECD Scenarios for the Future of Schooling », Back to the Future of Education : Four OECD Scenarios for Schooling, Paris, Éditions OCDE, 2020, www.oecd-ilibrary.org/sites/7c2c1be9-en/index.html?itemId=/content/component/7c2c1be9-en.

115 Hervé PHILIPPE, « Une décroissance scientifique pour rendre la science durable », dans Yves-Marie ABRAHAM, Louis MARION et Hervé PHILIPPE, Décroissance versus développement durable. Débats pour la suite du monde, Montréal, Écosociété, 2011, p. 166-186 et 171-173.

116 Il ne s’agit pas de dire qu’il faille renoncer à l’exploration de la connaissance et revenir à quelque forme d’obscurantisme moyenâgeux, mais plutôt de reconnaître les impacts écologiques de la logique du « toujours plus » qui caractérise aussi bien le mode de développement économique actuel auquel l’université est de plus en plus assujettie, afin de faire des choix et de poser des limites, aussi bien à l’activité de recherche qu’à l’activité de production économique. Pour le moment, la recherche (et son financement) aussi bien que la production sont gouvernées par une logique d’illimitation croissanciste, alors qu’elles devraient être encadrées par des finalités réfléchies.

117 Ibid, p. 167.

118 PAN, op. cit.

119 Christian LAVAL et Francis VERGNE, Éducation démocratique : la révolution scolaire à venir, Paris, La Découverte, 2021, 250 p. Voir aussi « Il est urgent de dessiner les traits fondamentaux d’une éducation démocratique inscrite dans une société solidaire, écologique et égalitaire », dossier « Les dix ans de La nouvelle école capitaliste », Regards croisés, Institut de recherche de la FSU, no 42, avril-mai-juin 2022, p. 34-36.

Faits saillants

1,2G$

Coût de la gratuité scolaire au Québec


  • Dans l’histoire de l’enseignement supérieur depuis un siècle, c’est la gratuité scolaire ou la quasi-gratuité (frais modiques) qui constitue la norme dans les États qui ont adopté le modèle social-démocrate.
  • L’introduction de frais de scolarité et d’un endettement étudiant élevés, selon le modèle « libéral », constitue une rupture avec le passé social-démocrate.
  • Des frais élevés et la perspective de s’endetter exercent un effet d’aversion qui décourage les futurs étudiant·e·s, surtout les moins nantis, ce qui nuit à l’accessibilité.
  • Les frais de scolarité élevés participent plus largement d’une logique de marchandisation et de privatisation de l’éducation.
  • La mise en place de la gratuité scolaire au Québec doit faire partie d’un mouvement plus général de remise en question critique de la logique croissanciste ou maximaliste, qui oriente aussi bien la recherche universitaire que le système technico-économique auquel on arrime cette dernière.

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