SAQ : La VG vise juste sur les problèmes, mais manque le coupable
31 mai 2016
La vérificatrice générale a remis hier un rapport dont un chapitre porte sur la SAQ. Dans ce chapitre elle mentionne que la SAQ ne fait pas tous les efforts nécessaires pour obtenir les meilleurs prix pour les consommateurs. Certains problèmes pourraient être réglés assez simplement par des améliorations des façons de faire de la SAQ. D’autres par contre, sont liés à un élément fondamental de la SAQ que la VG mentionne, mais dont elle n’explique pas les conséquences : l’appétit du gouvernement pour les dividendes élevés de la SAQ.
Prenons quelques exemples de problèmes simples à régler. La VG souligne que les contrats de la SAQ exigent les meilleurs prix « départ chai » au Canada et non les meilleurs prix « finaux » à ses fournisseurs. Qu’est-ce que ça veut dire ? Tout simplement que la SAQ exige que le prix de base (le prix à la sortie du chai – ce lieu où on fait vinifier le vin) que lui offre un fournisseur ne soit jamais plus élevé que le prix de base qu’il offre à un autre revendeur d’alcool au Canada. Un fournisseur peut respecter cette clause tout en offrant un meilleur prix final à un autre détaillant en lui faisant, par exemple, un rabais sur le transport du vin du chai jusqu’à son entrepôt. La VG dit à la SAQ, avec raison, vous pourriez faire comme la LCBO et changer vos contrats pour tenir compte des autres conditions d’achat. Problème relativement simple à résoudre.
C’est lorsqu’il est question de la structure de prix des produits courants[1] que cela se corse. Selon la VG, la SAQ a une structure qui désavantage ses client·e·s. Comment? De trois façons : parce qu’elle a une majoration des prix qui est régressive (le poids du dividende est plus lourd sur les produits moins chers), parce qu’elle préfère les rabais momentanés aux réductions permanentes de prix et, enfin, parce qu’elle a diminué le nombre de ses produits à petits prix (12$ et moins).
Ces problèmes sont bien réels. Cela veut-il dire que les prix sont plus élevés au Québec ? Non. La comparaison que fait chaque année l’association des sociétés des alcools du Canada montre que, depuis plusieurs années, la SAQ se situe parmi les moins chères au Canada pour le vin et la moins chère pour les spiritueux. Cette année, nous avons vérifié les prix en Colombie-Britannique et en Alberta et ils sont très proches de ceux pratiqués au Québec. Il est vrai que les pratiques de la SAQ sont problématiques et que nous pouvons faire mieux, mais nous ne sommes pas en pleine catastrophe. D’ailleurs – contrairement à ce qu’on risque d’entendre sur certaines tribunes – la VG ne prétend pas non plus que c’est la catastrophe.
Un aspect semble par contre manquer de l’analyse. Ce que la VG n’explique pas, ou n’évoque que par allusions, c’est la cause de ces pratiques problématiques. La SAQ est, fondamentalement, prise dans une tension dont elle ne peut se sortir elle-même. Le mandat qu’on lui a confié, de « faire le commerce des boissons alcooliques en offrant une grande variété de produits de qualité » (sous-entendu, au meilleur prix possible…) n’est pas complètement compatible avec les exigences concrètes du gouvernement de lui verser un dividende chaque année plus important. Si son unique actionnaire lui demande sans cesse d’augmenter ses profits, que peut-il faire d’autre que d’inciter la population à consommer plus d’alcool, ou vendre ses produits avec une marge de profit toujours plus grande ? En forçant des rendements toujours plus élevés, c’est le gouvernement qui est responsable des pratiques de prix de la SAQ. Si on veut mettre fin à ces pratiques, il faut s’attaquer à cette tension. Et, contrairement à ce que les sirènes du privé essaieront de nous faire croire, faire mieux, c’est possible tout en restant une société d’État.
[1] La VG s’est consacrée à l’étude des vins du répertoire des produits courants et non des produits de spécialités. Ils composent 10% du nombre de produits disponibles en magasin, mais représentent 80% des ventes.