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Mise à jour économique: Prestidigitation de haut calibre

2 novembre 2016

  • Eve-Lyne Couturier

Ça y est. On a maintenant tous les détails de la mise à jour budgétaire du gouvernement Couillard. On dit, sur toutes les tribunes, en lettres majuscules et avec des couleurs flamboyantes, que le gouvernement réinvestit enfin dans les services publics. En tout, 2,2 G$ de plus répartis en santé, en éducation, en infrastructures et en soutien régional. Par contre, à être trop enthousiaste, on manquera les notes de bas de page, écrites toutes petites, à l’encre presque invisible à en croire la couverture médiatique. D’une part, c’est beaucoup moins qui sera investi dans nos services, mais surtout, c’est énormément plus qu’on cache par un jeu de main astucieux.

D’abord regardons ce qui s’est passé pour qu’on en arrive à avoir tant d’argent tout d’un coup. À première vue, cela semble étrange considérant que la croissance économique prévue a été revue à la baisse entre la publication du budget et celle de la mise à jour. Alors qu’on nous promettait une croissance de 1,5%, on annonce maintenant que l’année 2016 devra se contenter de 1,4% (ce qui n’empêchera pas le gouvernement de titrer « La croissance économique s’accélère »)…

Comment se fait-il qu’on ait plus d’argent si l’économie n’est pas aussi robuste que prévu? Facile! On a simplement coupé plus et dépensé moins que ce qui était planifié. Les ministères ont répondu à l’appel de la restriction budgétaire et l’austérité s’est occupé du reste. Résultat : 3,6 G$ de plus dans les coffres de l’État! Rappelons que, pendant ce temps, on chiffre les mesures d’austérité à plus de 4 G$. Bref, dans une réalité alternative, le gouvernement aurait pu, grâce à son surplus, effacer presque complètement ces coupures des dernières années. Pas assez pour effacer les conséquences vécues par la population, mais déjà mieux que ce qui est proposé actuellement.

Le montant du surplus vous étonne peut-être puisque c’est plutôt 2,2 G$ qui est claironné sur toutes les tribunes. C’est ici qu’entre le premier tour de prestidigitation. Hop! 1,4 G$ au Fonds des générations. On arrive ainsi à ce surplus annoncé. Mais attention! Celui-ci n’est pas le même que celui promis en réinvestissement. Le 2,2 G$ est l’argent qui a été dégagé pour l’exercice 2015-2016 (mais constaté cette année) et il sera plutôt affecté au Fonds de stabilisation qui, à son tour, pourra être versé au Fonds des générations. Bref, on n’en verra jamais la couleur : il ne stimulera aucune région, ne soutiendra aucun revenu, n’ajoutera aucune ressource en santé ou en éducation. Mais on pourra s’enorgueillir de voir le Québec bouger dans des tableaux comparatifs. Quelle chance! Et l’année prochaine, la dette pourra recommencer à remonter. Cynique? Non, c’est ce qui est déjà prévu.

L’autre 2,2 G$, celui du réinvestissement est en fait de nouvelles dépenses qui seront réalisées au terme des trois prochaines années. Le même montant, mais l’un est calculé sur un seul exercice budgétaire, l’autre sur trois. Pourtant, le 2,2 G$ de surplus devrait être récurrent, alors pourquoi arrive-t-on à des dépenses supplémentaires équivalentes seulement au bout de 3 ans? Parce que l’excédent s’en va… oui, dans le Fonds des générations. Ni vu ni connu, tout passe à la dette.

Cette mise à jour économique est un gros « tout ça pour ça ? ». Après des années à se serrer la ceinture au point de se casser le bassin, il semble que le gouvernement sente approcher les élections et choisissent de réinvestir un peu ici, de baisser légèrement les impôts là. Cependant, la déstructuration causée par l’austérité qu’il a imposée ne disparaîtra pas : peu importe l’argent qu’il donnera aux ministères, si sa vision des services publics reste la même, on a de quoi avoir peur pour l’avenir.

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