Mise à jour économique à Ottawa : le suspense se poursuit
24 novembre 2015
Le tout nouveau gouvernement fédéral a promis beaucoup pour gagner les dernières élections. Au-delà des engagements concrets, il a surtout promis de rompre avec les manières de faire qui prévalaient sous la gouverne de Stephen Harper. Allons-nous poursuivre sur la trajectoire de la dernière décennie? Allons-nous encore avoir droit à des baisses d’impôts pour les entreprises et les plus riches, et de l’austérité pour les autres?
La mise à jour économique dévoilée vendredi dernier s’est bien gardée de nous éclairer à ce sujet.
Bien entendu, quelques nouvelles informations contenues dans le document ont fait grand bruit. Contrairement à ce qui était avancé dans le budget conservateur d’avril dernier, Ottawa ne se dirige pas vers des surplus de 2,4 G$, mais bien vers un déficit de 3 G$. En fait, la mise à jour vise essentiellement à nous préparer à quatre années de déficit budgétaire, le retour aux surplus étant relégué à 2019-2010.
La fragilité budgétaire
S’il faut reconnaître une qualité au document présenté par le nouveau ministre des Finances, c’est qu’il tranche avec l’optimiste irrationnel dans la solidité de l’économie canadienne auquel nous avaient habitués les Conservateurs. À chaque budget, et ce malgré la crise mondiale et l’instabilité systémique qui règne depuis, on faisait à Ottawa comme si tout allait bien. Comme s’il était encore possible d’offrir des cadeaux fiscaux aux Canadiens et Canadiennes sur la base d’un retour durable à une situation de forte croissance économique.
Le texte dévoilé par le nouveau ministre Morneau a le mérite d’être beaucoup plus réaliste. Ce n’est peut-être que le luxe temporaire que peut se payer un nouveau gouvernement (comme il n’a pas de bilan à défendre, il peut bien dresser un bilan honnête de la situation). Quoiqu’il en soit, il demeure rafraichissant de lire un document émanant du ministère des Finances qui intègre partiellement à ses prévisions l’idée devenue maintenant incontournable qu’une croissance économique stable est peut-être chose du passé.
Surtout, il est bon de lire un document qui insiste, avec une lucidité étonnante, sur les éléments qui, structurellement, fragilisent l’économie canadienne.
D’abord, il est clair que la dépendance grandissante du PIB envers ce qui se passe du côté du pétrole et des marchés des ressources naturelles met à risque l’ensemble de l’économie. En fait, si le PIB canadien a reculé durant les six premiers mois de l’année, c’est essentiellement en raison des difficultés liées au secteur de l’énergie.
Résultat : une crise du secteur pétrolier s’est traduite en contraction du PIB, qui a occasionné une diminution des revenus du gouvernement. Et tout ceci nous mène à la situation actuelle, soit d’enregistrer un déficit et un non un surplus cette année.
Deuxième élément qui fragilise l’économie canadienne : le recul des investissements privés. À l’IRIS, nous avons déjà démontré que les baisses d’impôts consenties aux entreprises depuis 2006 ne se sont pas transformées en investissement, mais bien en ce que nous avons nommé de la « surépargne ». Les entreprises canadiennes dorment sur 604 G$ (soit l’équivalent de 32 % du PIB!).
La tendance est inquiétante. Pendant que le gouvernement donne des avantages fiscaux aux entreprises, celles-ci ne font pas ce qui pourtant avait justifié ces cadeaux au départ. Le tout, au détriment de la productivité, de l’emploi, des salaires et, bien entendu, des revenus du gouvernement.
À ces deux facteurs s’ajoute la vieille dépendance canadienne envers les résultats économiques des États-Unis et une autre, plus récente, envers la Chine et les variations de son appétit en ressources naturelles.
Stagnation et pessimisme
La situation décrite dans la mise à jour de jeudi dernier peut, en définitive, se décrire ainsi : « Dans l’ensemble, le facteur de risque global demeure celui d’une croissance continuellement inférieure aux attentes. »
Le constat est certes juste. Cependant, il n’est pas du tout assuré que le nouveau gouvernement Trudeau aura le courage de mettre en place les solutions qui s’imposent. Pourra-t-il diminuer substantiellement l’importance du secteur pétrolifère? Mettra-t-il en place une politique fiscale agressive pour lutte contre la surépargne des entreprises? A-t-il un plan pour réduire notre dépendance envers les exportations et donc envers la situation économique de nos partenaires commerciaux?
Le ministre des Finances n’a pas encore apporté de réponse à toutes ces questions.