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Les compressions économiques dans l’administration publique : utiles pour le développement?

18 juin 2015

  • Bertrand Schepper

Le gouvernement du Québec prétend avoir une stratégie économique: sabrer dans le secteur public et se tourner vers l’extractivisme. Le scénario qu’il a écrit pour les régions ressources est particulièrement clair : paver la voie (littéralement!) aux compagnies minières étrangères pour qu’elles viennent investir et créer de l’emploi, ou encore accorder des millions de dollars en crédits d’impôt pour l’industrie forestière (p. B.211). Cette stratégie devrait, selon lui, relancer l’économie dans les régions ressources. Du même souffle, le ministre Coiteux se félicite d’avoir coupé près de 500 postes dans la fonction publique depuis le 1er janvier, selon lui cela favorise l’investissement. Or, en cette période de stagnation économique, rien n’est moins sûr.

En fait, selon les données de Statistique Canada, chaque dollar investi dans le secteur public a un effet plus important sur le PIB qu’un dollar investi dans les matières premières. Ainsi, un dollar dans le secteur public rapporte en moyenne 1,11 $ au PIB québécois alors qu‘un dollar d’investissement dans le secteur primaire produit en moyenne 0,80 $.

Graphique 1 : Impacts directs, indirects et induits à l’intérieur de la province d’un choc exogène de 1 $ sur PIB de base

Source : Statistique Canada, Division des comptes et des industries, Multiplicateurs d’entrée-sortie provinciaux Québec : 2010 niveaux L961, Calculs des auteurs.

Cela s’explique principalement par le fait que les dépenses dans le secteur public sont avant tout des salaires qui sont dépensés sur le territoire. Ainsi, le salaire octroyé à un∙e fonctionnaire ou un enseignant∙e a plus de chance de rester sur le territoire que les salaires et les dépenses en capital pour le secteur du pétrole ou des mines.

Comme le montre le graphique suivant, le constat est similaire en termes de création d’emplois :

Graphique 2 : Effet multiplicateur sur les emplois directs, indirects et induits de la production de 1M$ par industrie

Source : Statistique Canada, Division des comptes et des industries, Multiplicateurs d’entrée-sortie provinciaux Québec : 2010 niveaux L961, Calculs des auteurs.

En moyenne, chaque million de dollars investi dans la production crée 14,22 emplois dans le secteur public alors que dans le secteur primaire la moyenne se situe à 8,57 emplois.

Bref, il faut arrêter de voir les actions de l’État dans l’économie comme des dépenses, mais plutôt comme des investissements qui ont un effet structurant sur l’économie, tant au niveau des emplois que de la création de richesses.

Est-ce que cela veut dire que tous les investissements et l’économie devraient être publics?

Bien sûr que non! Cependant, il semble de plus en plus évident qu’en période de crise et de stagnation économique, le secteur privé tend à choisir une stratégie de surépargne. C’est-à-dire qu’il cesse d’investir dans l’économie (par le biais de l’investissement, des dividendes ou de l’impôt) pour augmenter son épargne à des niveaux sans précédent. Ainsi, lorsque l’État diminue les impôts à l’entreprise privée, il participe à l’investissement privé tout en se privant de revenus (plus de détails ici).

Par ailleurs, plusieurs des régions ressources sont aux prises avec une économie souvent trop concentrée autour d’un seul secteur (minier par exemple) et où le nombre d’emplois régionaux est déterminé par la demande mondiale, comme le montre le graphique suivant :

Graphique 3: Variation du prix de la tonne de fer (USD) VS variation de l’emploi du secteur privé dans les régions ressources (%), 2004-2014

Sources: IndexMundi.com; Statistiques Canada, Enquête sur la population active (EPA), adapté par l’Institut de la Statistique du Québec.

Dans la situation présente, l’État devrait devenir un acteur du développement économique à travers la création directe d’emplois plutôt que de procéder à des compressions dans la fonction publique et dans le développement régional (CLD, CRÉ), et plutôt que d’offrir des subventions à des compagnies qui reproduisent le cercle vicieux de la mono-industrialisation. Rappelons que déjà par le passé les régions manufacturières ont bénéficié d’un traitement tel et cela a permis de soutenir l’économie régionale alors que le secteur manufacturier connaissait une chute liée à la hausse du dollar canadien.

Graphique 4: Part de l’emploi du secteur manufacturier et du secteur public sur l’emploi total, régions manufacturières, 1987-2014 (%)

Sources: Statistique Canada, tableaux 282-0061 et 282-0125; Enquête sur la population active (EPA) 2014, adaptée par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).

Dans cette optique, lorsque le gouvernement priorise les investissements au détriment des emplois dans le secteur public, il tend à défavoriser les régions ressources. Il gagnerait plutôt à établir une stratégie de diversification de l’économie régionale dans laquelle il aurait un rôle à jouer.

Pour plus de détails, je vous invite à consulter notre plus récente étude sur le sujet.

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