Huit mesures vers l’égalité des sexes dont ne veulent pas les élites économiques
8 mars 2022
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En cette Journée internationale des droits des femmes, il convient de s’interroger sur les raisons expliquant la persistance – et même à plusieurs égards le renforcement – des inégalités entre les femmes et les hommes. Parmi les facteurs multiples et complexes expliquant l’insuffisance des progrès réalisés à ce sujet se trouve le fait que les mesures structurantes qui permettraient de faire avancer rapidement la société vers une véritable égalité des sexes rencontrent l’opposition systématique d’acteurs très puissants : les élites économiques.
Que cette élite économique soit composée en grande majorité d’hommes, blancs de surcroît, contribue probablement à expliquer en partie cette obstruction. On sait par exemple que parmi les 100 dirigeant·e·s d’entreprise les mieux payé·e·s au Canada en 2020, seulement quatre étaient des femmes, soit un nombre inférieur à la quantité de Michael ayant le privilège d’appartenir à ce palmarès.
Toutefois, ce sont avant tout les intérêts économiques des patrons et actionnaires qui expliquent leur opposition aux huit mesures suivantes, qui auraient pourtant un effet déterminant sur la situation concrète des femmes :
Mesures de lutte contre la pauvreté et les inégalités de revenu entre les sexes
1. Renforcement des programmes de sécurité du revenu
2. Hausse du salaire minimum au niveau du revenu viable
3. Renforcement de la Loi sur l’équité salariale
4. Renforcement des droits syndicaux
Au Québec, les femmes continuent d’être surreprésentées parmi les personnes à faible revenu. Ainsi, 47,6 % d’entre elles ont obtenu un revenu inférieur à 30 000 $ en 2019, contre 36,4 % des hommes. Elles restent aussi plus nombreuses (51,7%) à être rémunérées au salaire minimum, malgré une diminution notable de cette proportion durant la pandémie (elle était de 57,7 % en 2019). De même, si la Loi sur l’équité salariale a favorisé une diminution des écarts de rémunération entre les sexes, ceux-ci demeurent bien réels, sauf dans le cas des emplois syndiqués (d’où la pertinence de renforcer les droits syndicaux et de faciliter la syndicalisation des milieux de travail).
Mesures visant la socialisation et le partage du travail domestique et de soin
5. Renforcement des politiques sociales
6. Valorisation du travail de soin
7. Réduction du temps de travail
Malgré les améliorations dans le partage des tâches domestiques et de soin entre les sexes au cours des dernières décennies, les femmes, et en particulier les femmes racisées, portent encore aujourd’hui une part disproportionnée du poids de ce travail invisible et souvent effectué gratuitement, incluant la charge mentale. Ceci a été de nouveau confirmé par une étude récente portant sur le partage des tâches domestiques au sein des couples hétérosexuels durant la pandémie. Dans la sphère du travail rémunéré, ce sont aussi les femmes qui occupent en très grande majorité les emplois dans les secteurs liés aux soins et à l’éducation.
Au moins deux voies complémentaires peuvent être empruntées pour mettre fin à ce qu’on appelle parfois la « double journée de travail » assumée par plusieurs femmes. La première est la prise en charge, par l’ensemble de la société, du travail traditionnellement effectué par les femmes au sein de leur foyer. C’est ce que contribuent à faire l’ensemble des politiques sociales des secteurs du soin et de l’éducation (système de santé et services sociaux, écoles, garderies, etc.). L’élargissement de ces services publics et la valorisation des emplois qui y sont associés (notamment par une amélioration des conditions salariales et de travail) contribuent à alléger les tâches qui doivent être réalisées gratuitement dans la sphère privée.
La seconde voie se trouve dans la réduction du temps de travail pour toutes et tous. Actuellement, une proportion non négligeable des femmes est contrainte de sacrifier une partie de ses revenus pour réduire son temps de travail et parvenir à assumer le poids des tâches domestiques et de soin. Ainsi, elles sont presque deux fois plus nombreuses que les hommes à occuper des emplois à temps partiel au Canada et au Québec, ce qui se traduit aussi par un revenu annuel beaucoup moins élevé. En plus de ses nombreux autres avantages, une politique de réduction du temps de travail sans réduction de salaire permettrait de répartir les responsabilités familiales et domestiques plus équitablement.
Pourquoi les élites économiques s’opposent-elles à ces mesures?
Historiquement, les organisations qui représentent les élites économiques – Conseil du patronat, Fédération des chambres de commerce, etc. – se sont systématiquement opposées au genre de mesures présentées plus haut. Ceci n’a rien de surprenant quand on sait que, si elles sont susceptibles d’améliorer substantiellement la situation des femmes (mais aussi celle de la grande majorité de la population), ces mesures se heurtent frontalement aux intérêts économiques des patrons et des entrepreneurs.
C’est le cas des mesures 2, 3 et 7, qui auraient pour conséquence de gruger directement les marges de profit des entreprises par des augmentations de salaire. C’est aussi le cas de la mesure 4, qui renforcerait le pouvoir de négociation des travailleuses et des travailleurs face aux patrons. Enfin, les mesures 1, 5 et 6 supposent de trouver de nouvelles sources de revenus pour l’État, ce qui nous amène à une huitième mesure incontournable, mais peu susceptible de plaire aux élites économiques :
8. Imposer davantage les entreprises et les plus riches…
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3 comments
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Une des meilleure façon serait aussi de pouvoir, au sein d’une même entreprise, savoir et avoir un comparatif salarial pour les mêmes postes. Trop souvent le secret sur le salaire sert justement à cacher les inégalités de salaire que les femmes subissent. Avec une telle information, elles seraient en mesure d’exiger un meilleur salaire.
À la fin des années 1980, le patronat a pris le contrôle des mouvements de libération de la femme et s’en est servi pour plafonner les salaires de tout le monde, voire les faire baisser.
Ils ont réussi!
On continue de perdre des avantages sociaux acquis au prix du sang de no prédécesseurs au début du XX siècle.
Jamais l’oligarchie ploutocratique n’a voulu une quelconque égalité entre hommes et femmes.
Par ailleurs, le concept d’égalité ne peut exister que dans l’univers des mathématiques.
C’est l’équité qu’il faut réellement rechercher.
Depuis le début des années 1980, merci à Reagan et Tatcher, la finance est de plus en plus déréglementée.
Résultat: La finance possède la planète entière, maintenant.
L’oligarchie ploutocratique a démontré sans coup férir qu’elle est une destructrice de mondes.
À nous tous de la traiter comme elle nous traite!
Très bonne analyse mais, j’aimerais rajouter qu’en matière d’équité salariale il existe un réel problème dans les secteurs de la santé et de l’éducation. La loi ne permet pas la comparaison des emplois entre les différents secteurs. Exemple: les emplois majoritairement féminins dans le secteurs public ne peuvent se comparer aux emplois majoritairement masculins des employés municipaux. Il est alors très facile de s’apercevoir que les salaires en éducation et en santé sont très pauvrement payés.