Icône

Aidez-nous à poursuivre notre travail de recherche indépendant

Devenez membre

L’empreinte carbone de la Caisse de dépôt et placement s’aggrave

25 mai 2022

Lecture

5min

  • Colin Pratte

Depuis 2017, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) est dotée d’une « Stratégie d’investissement face au défi climatique » qui vise à réduire l’empreinte carbone des placements financiers de la Caisse. Pour ce faire, CDPQ tient un compte annuel des tonnes de gaz à effet de serre (GES) découlant de ses différents placements. En 2021, l’institution a annoncé s’être fixé un objectif de réduction de 60% entre 2017 et 2030, visant ainsi à passer de 79 tonnes GES par millions de dollars investis en 2017 à 32 tonnes GES/M$ en 2030. Étant donné que le portefeuille de la Caisse croît à raison d’environ 9% par année, cet horizon de réduction des GES par dollar investi peut-il suffire à abaisser la totalité des émissions associées au portefeuille de la Caisse?

Le graphique suivant présente une projection des émissions absolues de GES du portefeuille de la Caisse entre 2017 et 2030. Nous avons pour ce faire multiplié le taux annuel d’émission de GES/$ par les actifs totaux que la Caisse inclut dans son calcul d’émission (les obligations gouvernementales détenues y sont notamment exclues). 

Malgré les objectifs qu’elle s’est donnée en matière de réduction des GES, les émissions absolues liées au portefeuille de la Caisse augmenteront tout de même de 34% durant la période 2017-2030, l’éloignant ainsi de son objectif net zéro 2050. Notons qu’en 2021, le portefeuille de la Caisse aura émis 16 millions de tonnes de GES, ce qui représente 20% des GES qu’émet le Québec annuellement (le bilan carbone du Québec n’inclut pas celui de la Caisse). 

Lors du plus récent congrès de l'ACFAS, le chef des enjeux et risques climatiques de la Caisse était invité dans le cadre d’un panel sur les fonds de pension et les changements climatiques. Durant la période de discussion, M. Millot a indiqué qu’il n’avait pas cherché à estimer les émissions absolues futures de la Caisse, jugeant suffisantes les réductions d’émissions par dollar investi.  

Le mythe de la croissance verte

De deux choses l’une: ou bien les gestionnaires de la Caisse n’ont effectivement pas fait le calcul, ce qui traduit soit un manque de rigueur, soit une authentique insouciance face à la lutte aux changements climatiques. Ou bien ils ont bel et bien fait le calcul et tout de même persisté à suivre un plan voué à l’échec, ce qui traduit cette fois un exercice trompeur de marketing vert malheureusement banal tant il est répandu chez les élites financières. Or, si cet écoblanchiment est banal de par son omniprésence, ses conséquences demeurent  graves : la Caisse persuade le public qu’elle est dans la bonne voie, alors qu’elle participe plutôt à l’approfondissement d’une crise écologique multiple. 

À la défense des gestionnaires de la Caisse, le portefeuille de plus de 400 milliards $ que gère l’institution est dépendant du rythme de décarbonation de cette économie. Dans ce cas, la franchise serait de mise de la part des responsables de la stratégie climatique de la Caisse. Plutôt que d’avoir recours à des épithètes pompeuses — « leader dans la lutte aux changements climatiques »; « stratégie climatique ambitieuse » —, ces derniers devraient communiquer plutôt la vérité, celle d’une économie qui ne parvient pas à se décarboner et ainsi permettre aux fonds de retraite de ce monde de réellement se verdir. 

Les gestionnaires de la Caisse choisissent plutôt d’entretenir une périlleuse illusion verte, un discours qui, à mesure que la planète se réchauffe, que les catastrophes s’accumulent et que la biodiversité périclite, parviendra de moins en moins à persuader le plus grand nombre. Des comptes doivent et devront être rendus et la publication officielle d’une comptabilité GES du portefeuille de la Caisse serait un premier pas en ce sens, tout comme l’établissement d’objectifs absolus de réduction de GES. Ce sont sur ces réductions absolues de GES qu’une stratégie crédible doit être basée, et non sur des objectifs relatifs (GES/$) qui s’accommodent de hausses de GES maquillées en prouesse.

Et si on découvre alors que le mandat de la Caisse consistant à faire fructifier toujours plus les avoirs de retraite des Québécois·es l’empêche d’atteindre des réductions absolues de GES, cet échec résonnera avec les conclusions du Rapport Meadows intitulé « Limites à la croissance » dont on souligne ces jours-ci les 50 ans. Ce rapport pionnier tablait sur la nécessité de réduire la taille de nos économies afin d’éviter le désastre écologique. Il serait certes difficile pour les gestionnaires de la Caisse, qui sont lié·e·s par leur mandat, d’intégrer le Rapport Meadows à leur pratique. Or, rien ne les oblige à poursuivre leurs efforts d’écoblanchiment, qui ne font que renforcer les mythes entourant le développement durable et de la croissance verte, et qui nous font ainsi perdre du temps dont nous ne disposons plus.

VOUS AIMEZ LES ANALYSES DE L’IRIS? SONGEZ À DEVENIR MEMBRE!

Icône

Vous aimez les analyses de l’IRIS?

Devenez membre

Icône

Restez au fait
des analyses de l’IRIS

Inscrivez-vous à notre infolettre

Abonnez-vous

1 comment

  1. Pourquoi le carbone est tant mentionné quand on parle de réchauffement planétaire?
    Parce qu’on peut l’associer à l,activité humaine!

    En fait, la vapeur d’eau est le principal gaz à effet de serre, étant au moins 75 fois plus abondant que le gaz carbonique.

    Le Soleil, principale source d’énergie de la Terre, nous arrose d’une quantité d’énergie plus de 1,000 fois supérieur à la somme de la production humaine d’énergie. Il est le principal agent affectant le climat à la surface de la Terre.

    Conclusion: D’utiliser le carbone comme unité de mesure des changements climatique est farfelu!

Les commentaires sont désactivés