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Le Fonds vert : un vide sidéral

23 octobre 2017

  • Bertrand Schepper

En début de semaine, nous apprenions que les résultats du Fonds vert étaient cette année une fois de plus décevants. En effet, les 1,23 G$ investis jusqu’à présent n’ont généré qu’une réduction de 613 000 tonnes de gaz à effet de serre (GES), soit environ 0,7 % (p.13) des émissions totales du Québec. Malheureusement, la réponse à cette autre mauvaise année du Fonds vert reste peu convaincante et semble répéter les erreurs des dernières années.

Rappelons que le Fonds vert a été créé en juin 2006 et qu’il a depuis pour mission de financer des programmes du ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC). Il s’agit d’un levier financier qui doit faciliter l‘avènement de projets environnementaux. Le financement du Fonds vert provient principalement du système québécois de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE) que l’on nomme aussi le marché du carbone. Ce système demande aux plus grands pollueurs d’acheter des crédits d’émission de GES au gouvernement québécois ou au marché privé pour pouvoir polluer. Pour monsieur et madame Tout-le-monde, l’effet de l’achat de ces crédits par l’entreprise privée se fait sentir sur la facture d’essence, puisque les plus grands pollueurs comme les raffineries et les distributeurs d’essence leur refilent la facture.

Le problème, c’est que le Fonds s’éparpille dans une pléiade de projets qui ont peu de choses à voir les uns avec les autres. On finance pour des raisons environnementales à la fois le transport en commun et l’extension du réseau de Gaz Métro qui utilise, du moins en partie, du gaz de schiste. Tout est susceptible d’être accepté. Le Fonds finance 19 programmes (p.19) un peu éparpillés tout en octroyant de l’aide financière à des grands pollueurs pour que ceux-ci réduisent minimalement leurs émissions. Le problème avec cette vision est que l’on saupoudre de l’argent un peu partout sans avoir de résultat probant. Par exemple, le financement d’une cimenterie entrainera des résultats marginaux et l’entreprise continuera de polluer énormément, alors que de nouveaux projets pourraient être mis en place et présenteraient des résultats bien plus intéressants. À l’heure où le Québec et le Canada risquent d’échouer à atteindre leurs objectifs environnementaux, la proposition du Fonds vert équivaut à mettre un pansement sur une plaie ouverte. Les derniers résultats laissent présager que le Fonds vert mérite un gros ménage qui tarde à venir.

Pourquoi ne pas utiliser le Fonds vert comme un outil de projet de société? On pourrait, par exemple, faciliter l’accroissement du transport en commun partout au Québec, faciliter le transport actif dans l’ensemble des villes, sortir les communautés éloignées de l’utilisation du mazout comme principale source de production d’électricité grâce à des énergies vertes, etc.   Évidemment, ce type de proposition demande une vision d’ensemble qui nuira à certains acteurs économiques québécois et profitera à d’autres, ce qui aura un effet sur le statu quo dont se satisfait actuellement le gouvernement. En fait, la réaction de la nouvelle ministre du MDDELCC, Isabelle Melançon, relativement à la piètre performance du Fonds vert, est d’un vide désarmant. Selon elle, nous devrions « mieux expliquer le Fonds vert » pour justifier le bien-fondé du programme. Cette réponse est surprenante. Bien que certains chantres de la droite veuillent abolir le Fonds, les Québécois·es considèrent généralement la lutte aux changements climatiques comme une priorité. Nous ne demandons pas de justifications, mais bien des actions à l’impact réel.

Ce qui est encore plus attristant, c’est que depuis plus d’un an, le gouvernement promet une réforme du Fonds vert qui tarde à venir. Cette réforme se voulait une manière d’esquiver les mauvais résultats du Fonds vert de l’année précédente par le ministre Heurtel. Bref, la situation perdure, rien n’est fait et le gouvernement se préoccupe davantage de ses plans de communication que d’actions concrètes pour l’environnement. Le problème n’est pas le Fonds, mais bien ceux qui l’opèrent.

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