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La fin des gros barrages québécois?

27 septembre 2017

  • Bertrand Schepper

Depuis quelques jours, la CAQ tente de faire scandale autour d’une déclaration du premier ministre sur les barrages hydro-électriques. En effet, à New York, lundi dernier, Philippe Couillard aurait déclaré à une table ronde que l’ère de la construction des grands barrages hydroélectriques était terminée et que la gestion énergétique passait par : « des réseaux électriques intelligents, davantage d’énergies renouvelables et davantage de stockage ». La CAQ voit dans cette déclaration un manque d’ambition de la part du premier ministre qui renierait l’expertise québécoise en hydroélectricité. Qu’en est-il vraiment?

Le coût des barrages

Il faut comprendre que pour le moment, Hydro-Québec semble avoir épuisé ses capacités à faire d’importants barrages hydro-électriques avec une production à faible coût. Les rivières avec les meilleurs débits et qui sont facilement raccordables sont déjà utilisées, ce qui veut dire que le coût de production de tout nouveau barrage sera plus élevé que les précédents. Par exemple, selon Jean-Thomas Bernard, professeur d’économie à l’Université d’Ottawa, le coût de production de la Romaine sur la Côte-Nord était de 8,6 ¢ du kWh. À titre de comparaison, l’énergie produite par la centrale du Complexe La Grande à la Baie James coûte moins de 3 ¢ le kWh à produire.

La production devient donc de moins en moins rentable sur le marché intérieur et en termes d’exportation, tant que le prix du gaz naturel reste bas, il devient difficile d’exporter de l’énergie. Surtout qu’Hydro-Québec fait face à de nombreux concurrents sur les marchés américains. Bref, ce n’est pas tant une question de manque d’ambition, mais plutôt l’atteinte de certaines limites à la profitabilité. Cela ne veut pas dire qu’il serait impossible de rentabiliser de gros barrages, mais que c’est de plus en plus risqué, alors que d’autres voies sont plus profitables.

Le « négawatt »

Un des adages les plus employés en énergie est que : « la meilleure énergie est celle que l’on n’utilise pas ». En ce sens, un des principes énergétiques de plus en plus utilisés est le « négawatt ». Il s’agit d’une unité non officielle qui mesure l’économie d’énergie utilisée grâce à une réduction de la demande énergétique provenant de nouvelles technologies ou d’un changement de comportement. Bref, c’est l’idée que chaque kWh économisé nous coûte moins cher que de produire de nouveaux kWh. Considérant la production, le transport et la distribution de l’électricité, plusieurs experts en énergie estiment qu’il est nécessaire de repenser la consommation avant de produire plus.

Ainsi, la possibilité d’optimiser les réseaux d’électricité grâce à l’efficacité énergétique et au stockage devrait permettre de diminuer la demande en énergie dans les prochaines années. D’ailleurs, plusieurs États américains plaident pour l’augmentation massive de l’efficacité énergétique comme source d’énergie. Évidemment, cela demande un changement de culture partout en Amérique du Nord, mais il devient de plus en plus clair qu’il est absurde de gaspiller l’énergie comme nous le faisons puisque notre production est de plus en plus coûteuse.

Expertise québécoise

Il est vrai que le Québec a acquis une expertise en construction de gros barrages en béton sur le territoire. D’ailleurs, bon nombre de firmes d’ingénierie québécoises qui opèrent à travers le monde aujourd’hui se sont construites grâce à la société d’État. Cependant, ce n’est pas parce que nous avons harnaché les rivières du Grand Nord que nous devons soutenir des emplois d’ingénieurs si ce n’est pas nécessaire.

Au contraire, l’économie québécoise gagnerait à développer de nouvelles formes d’expertises basées sur la gestion de l’énergie plutôt qu’uniquement travailler à l’augmentation de la production. C’est d’ailleurs un domaine qui a un bon taux de création d’emplois par million de dollars investis (p.10).

Bref, à bien des égards, le premier ministre n’a pas tort. Cependant, il manque cruellement de cohérence.

Alors qu’il semble vouloir dire que nous devrions optimiser nos pratiques en efficacité énergétique, les objectifs du gouvernement pour 2030 en la matière sont risibles. En effet, ils représentent une hausse des cibles d’efficacité énergétique d’environ 1 % par année. De plus, le premier ministre a soutenu la création de minicentrales hydro-électriques privées, ce qui a peu de sens en terme d’optimisation énergétique.

Il faudra beaucoup plus de vision que cela pour sortir du vieux modèle de notre consommation énergétique. Rénover le parc d’habitation pour diminuer la consommation énergétique, améliorer le code du bâtiment et le faire respecter tout en facilitant l’accès à des énergies nouvelles et surtout travailler à changer les habitudes de vie de l’ensemble des Québécois·es et des entreprises. Cela va nécessiter beaucoup plus que de bonnes intentions et ce n’est pas uniquement la technologie qui va par magie régler le problème.

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