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Hydro-Québec et la vente à perte aux États-Unis

10 mars 2017

  • Bertrand Schepper

Les derniers jours ont été tumultueux pour Hydro-Québec et son projet Northern Pass Transmission (NPT). Rappelons qu’Hydro-Québec se proposait d’investir 1,6 G$  afin de vendre une part de ses importants surplus à la Nouvelle-Angleterre. Cela semblait une bonne nouvelle. Pourtant, le projet avait déjà du plomb dans l’aile. Hydro-Québec semble prendre tous les risques et laisse les bénéfices aux Américains. Le tout en refusant les privilèges accordés à la population américaine à la population québécoise.

Le projet NPT est constitué d’une ligne d’électricité sous haute tension qui ferait le lien entre Sherbrooke et la Nouvelle-Angleterre. Pour ce faire, Hydro-Québec devait construire une ligne aérienne jusqu’à la frontière (p. 71) pour qu’ensuite son partenaire, l’entreprise étasunienne Eversource, enterre une ligne sur environ 100 km du côté américain, principalement au New Hampshire. La raison de cet enfouissement est que le tracé du projet, tant du côté québécois qu’américain, traverse la forêt communautaire Hereford, un territoire protégé qui enjambe la frontière. Ainsi, dans le plan d’Hydro-Québec, la ligne serait enfouie aux États-Unis, mais pas au Québec, et ce, même si la ligne traverse la même forêt protégée. Cela s’explique par le fait que contrairement au Québec, les États américains entendent préserver cette forêt.

Cette situation, non prévue dans les plans initiaux d’Hydro-Québec, exige donc des investissements supplémentaires de l’ordre de 400 M$ à 500 M$ canadiens. Dépense qui, dans un premier temps, devait être assumée par Eversource. Par la suite elle doit être refilée à Hydro-Québec qui assure que les consommateurs de la Nouvelle-Angleterre ne paieront pas un sou pour la construction du projet.

Notons que les études économiques prévoient que l’enfouissement réalisé du côté américain permettrait  la création de 2 600 emplois pendant la phase de construction au New Hampshire. Bien sûr, il faut rester prudent devant ces chiffres commandés par Eversource.

Hydro-Québec s’est défendue de supporter les coûts d’Eversource, malgré que tout indiquait le contraire, considérant que les prix de vente au New Hampshire tournent autour de 3 à 4 sous du kWh, alors que, à cause de l’enfouissement, Hydro ne pourra qu’offrir un prix de 5,5 sous du  kw/h en incluant le transport. Bref, pour vendre son électricité, Hydro devra le faire à un prix inférieur à ses couts de production et d’exportation.

Pour justifier cette situation déficitaire, Hydro-Québec espérait que sur le long terme, les prix de l’énergie allaient monter. Or, pour le moment rien n’indique que cette hypothèse soit crédible. Bien qu’Hydro-Québec ait nié cette situation de vente déficitaire elle s’est ravisée le lendemain et a admis qu’elle pourrait payer indirectement les coûts de construction.

Est-ce qu’Hydro était prête à enfouir au Québec ?

Au Québec, Hydro-Québec considère qu’enfouir le NPT sur le territoire québécois serait trop complexe et trop couteux. Cette explication ne semble pas avoir convaincu le BAPE qui a renvoyé Hydro-Québec refaire ses devoirs en janvier dernier (p. 107). Cela n’est pas particulièrement étonnant puisqu’alors que l’enfouissement québécois des lignes du NPT est qualifié de trop complexe, Hydro-Québec se prépare à enfouir 58 km de ligne à haute tension entre La Prairie et la ville de New York. Comme on le sait, le BAPE n’a qu’un pouvoir de recommandation; c’est pourquoi, jusqu’à présent, Hydro-Québec a décidé de ne pas en tenir compte et de poursuivre le projet en essayant de minimiser les impacts des lignes sur pylônes. Bref tout le contraire de l’approche préconisée par le consortium Hydro-Québec/Eversource aux États-Unis.

Ainsi, parce que la gestion des territoires protégés est moins rigoureuse au Québec qu’au New Hampshire, Hydro-Québec allait refuser aux Québécois·e·s les avantages qu’elle consent aux États-Unien·ne·s, avantages qui permettent une certaine stimulation économique régionale et une protection du territoire.

Coup de théâtre

Le Journal de Montréal, sous la plume de Jean-Nicolas Blanchet,  publiait le 8 mars les résultats d’une enquête qui démontre clairement la non-rentabilité du projet. Suite à cette sortie, non seulement Hydro-Québec a révisé ses plans, mais elle admet maintenant qu’elle pourrait se retirer de ce projet qui serait, somme toute, déficitaire.

Alors que les plans d’expansion d’Hydro-Québec passent par l’exportation massive d’hydro-électricité, la société d’État semble prête à négliger les intérêts des Québécois.es dans l’espoir d’augmenter ses revenus. Non seulement Hydro-Québec acceptait d’enfouir à grands coûts une ligne aux États-Unis, privilège refusé au Québec, mais la société d’État était prête à vendre de l’énergie à perte. Je pense que l’on peut dire qu’ « Hydro-Québec, ils l’ont-tu l’affaire les Américains!».

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