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Les spécialistes de l’éducation ne sont pas ceux et celles que vous croyez

26 septembre 2014


Certain.e.s prétendent avoir les compétences requises pour donner des conseils judicieux en ce qui concerne le système d’éducation québécois et propagent une idée invalide comme si elle était fiable et rigoureuse.

C’est le cas de bien des économistes et politicien.ne.s qui croient pouvoir juger et décider des règles de fonctionnement dans le domaine de l’éducation alors que leur maîtrise des problèmes et des solutions qui lui sont rattachés ne se limite qu’à l’éloge de la financiarisation de l’économie. Motivé.e.s par leur volonté de diriger, voire de contrôler leur public, ces faux spécialistes compensent leur manque de connaissances par une image inflexible, autoritaire et implacable et usent de propos décontextualisés, fragmentés et souvent déconnectés de la réalité.

Par exemple, lorsqu’on demande à ces “expert.e.s” quelles sont les 3 missions éducatives de l’école québécoise ou à quoi sert l’université (voir la prestation de Youri Chassin de l’Institut économique de Montréal, visiblement mal à l’aise avec ce type de questions), la plupart sont incapables de répondre de manière convaincante. C’est aussi le cas de Mme Line Beauchamp, maintenant représentante du Québec à l’UNESCO pour l’éducation, la science et la culture, qui n’avait même pas pris la peine de lire les documents internationaux officiels à ce sujet (dont ceux de l’UNESCO et de l’ONU) lors de la crise étudiante de 2012.

Ces “spécialistes” qui font fi de composantes aussi importantes que la pédagogie et le processus d’apprentissage en éducation considèrent les “performances” des enfants et adolescents comme des produits comparables à ceux des entreprises privées. Ces économistes et politicien.ne.s qui se prétendent compétent.e.s en matière éducative vont jusqu’à ressasser des idées vieilles de soixante ans sans en mentionner la provenance (lire par exemple “Les bienfaits de la concurrence en éducation“, où le chef du parti conservateur du Québec, Adrien Pouliot, suggère un système de bons scolaires, idée déjà proposée par Milton Friedman en 1962[i]).

Ces personnes trop confiantes qui refusent toutes nuances et à qui les médias accordent une grande crédibilité ne sont principalement habiles qu’au jeu des statistiques et des relations publiques.  Les vrai.e.s spécialistes de l’éducation sont plutôt ces hommes et ces femmes qui se rendent chaque matin retrouver leurs 28 élèves de 11 ans dans une école où, comme le dira notre ministre de l’éducation M. Bolduc, les enfants ne mourront pas de ne pas avoir plus de livres.

Or, comme ces économistes et ces politicien.ne.s n’acceptent pas que leurs idées puissent être soumises à la critique, alors qu’eux-mêmes manquent à leurs devoirs et responsabilités (voir les nombreux scandales en matière de collusion et de corruption) et que leurs raisonnements sont troués de failles, ils amènent la population à se croire peu compétente par rapport aux domaines qui la concernent.  Dans le but de la faire consentir à des propositions aberrantes, ces “spécialistes” dénigrent les mouvements de contestation et de révoltes et utilisent l’intimidation pour ceux et celles qui ne partagent pas leurs positions.

Autrement dit, ces faux spécialistes discréditent les points de vue du citoyen ou de la citoyenne “ordinaire” en se plaçant au-dessus de la masse qu’ils sont sensé.e.s représenter. Pourtant, Monsieur et Madame Tout le monde possèdent non seulement la légitimité d’avoir une vision et des idées valables, mais aussi et surtout, les capacités et les connaissances.

Bref, quand ces prétendu.e.s expert.e.s vous diront avec tant de certitudes et d’assurance ce qu’il convient de faire ou non, méfiez-vous, car défendre une perspective économique comme si elle pouvait se transposer aussi facilement à l’éducation est probablement un signe qu’ils et qu’elles n’ont pas tout compris… Parce qu’après tout, considérer les différents éléments en cause dans son analyse et reconnaître que l’on ne détient pas la vérité absolue n’est qu’un signe d’intelligence…

Pour en savoir plus sur le sujet des faux spécialistes, voir le reportage “La dictature des experts” aux Grands reportages disponible ici , ou lire “Petit cours d’autodéfense intellectuelle” de Normand Baillargeon.  

Anne-Marie Duclos est enseignante aux niveaux préscolaire et primaire, doctorante à la faculté des sciences de l’éducation profil psychopédagogie à l’Université de Montréal, animatrice et formatrice en Philosophie pour enfants ainsi que superviseure de stage au Centre de formation initiale des maîtres de l’UdM.


[i] Milton Friedman était aussi un économiste n’ayant aucune formation en sciences de l’éducation et qui a notamment proposé l’utilisation des chèques scolaires dans son livre Capitalism and Freedom en 1962.
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