« Aujourd’hui au Rio Grande do Sul, ça va mal en termes de campements. Que s’est-il passé? Le gouvernement a donné le Bolsa Familia aux gens qui étaient en ville et plus personne n’a voulu venir aux campements. On ne réussit plus à mobiliser. Les gens se contentent de cela. »
Ce constat est celui d’une sans-terre brésilienne que j’ai interviewée au début de l’année 2013 dans le sud du Brésil. Après des dizaines d’entrevues et de nombreuses visites dans des communautés sans-terre, force est de réaliser que ce constat est généralisable dans le mouvement. Fort de ses 29 ans d’existence, le Mouvement des travailleurs ruraux sans-terre (MST) au Brésil constitue l’emblème d’un mouvement social des plus influents et des mieux organisés sur les scènes nationale et internationale. Entre 1984 et 2010, à travers des luttes politiques acharnées, le MST et d’autres mouvements sans-terre ont réussi à exiger la redistribution de plusieurs milliers d’hectares de terre à environ 1 million de familles paysannes, et ce, dans un pays où 1% de la population détient 46% des terres.
Avec des centaines de coopératives de production agraire – qui constituent dans certains cas de véritables éco-villages prospères économiquement –, 1,9 millier d’associations de production sur tout le territoire brésilien et 1,5 millions de personnes sous leur bannière, dont environ 15 000 militants.es très actifs, le MST est devenu un modèle d’organisation et de mobilisation sociale. En effet, en terme d’efficacité de production agricole, de subsistance de ses membres et, surtout, de la capacité à édifier des formes d’organisations sociales basées sur la coopération et la solidarité comme principes moteurs de ses communautés, le MST constitue un mouvement politique unique en son genre.