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COMMUNIQUÉ | Rareté de main-d’œuvre : une opportunité de mieux réinsérer les personnes judiciarisées

17 novembre 2021


Montréal, le 17 novembre 2021 – La réinsertion des personnes judiciarisées pourrait-elle atténuer la rareté de main-d’œuvre ? Oui, moyennant certaines modifications au système, révèle l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) dans la note Le profil des personnes judiciarisées au Québec rendue publique ce matin. À ce chapitre, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale Jean Boulet identifiait l’an dernier les casiers judiciaires publiquement accessibles comme facteur possible de discrimination par les employeurs.

Double discrimination

Parmi les personnes qui ont un casier judiciaire, on retrouve en plus forte proportion que leur poids dans la population les personnes jeunes, peu scolarisées, prestataires de l’assistance sociale, racisées et autochtones (voir données plus bas). « Étant déjà marginalisées et vulnérables, la judiciarisation ajoute une barrière supplémentaire à la réinsertion en emploi de ces personnes », indique Pierre Tircher, co-auteur de l’étude. Le chercheur associé à l’Institut rappelle par ailleurs que « l’intégration au marché du travail est un moyen de réduire le taux de récidive de ces personnes ».

Les données disponibles indiquent qu’il semble exister un lien étroit entre la judiciarisation et la criminalisation de la pauvreté. Parmi les personnes judiciarisées ayant spécifié une source principale de revenu en 2019-2020, 49,9 % ont mentionné l’assistance sociale. Pour les femmes, cette proportion passe à 68,5 %. Pourtant, la proportion dans la population générale était d’environ 5 % en moyenne au Québec de mars à décembre 2020. Co-auteur de l’étude, le chercheur Guillaume Hébert remarque que « l’ensemble du système pénal a tendance à cibler des personnes déjà précaires. Les personnes ayant un casier judiciaire portent un stigmate particulier qui alimente les comportements discriminatoires à leur endroit. »

Forte surreprésentation des personnes racisées

« La forte surreprésentation des personnes racisées ayant été détenues est troublante », constate M. Tircher. Des demandes d’accès à l’information ont permis de conclure qu’en 2019-2020, elle équivaut à près de 2,6 fois leur poids dans la population (13 %). On compte 33,42 % de personnes dont le teint de peau est qualifié de « moyen » ou « foncé » par les Services correctionnels du Québec (SCQ).

« Le fait que les SCQ, chapeautés par le ministère de la Sécurité publique, répertorient les détenus selon que le teint de leur peau soit “pâle”, “clair”, “moyen” ou “foncé” est pour le moins perturbant, en particulier dans une époque où l’on s’interroge sur le racisme systémique émanant des institutions gouvernementales. C’est très problématique tant sur le plan de la dignité humaine que méthodologique puisque cela rend impossibles les comparaisons avec les données de Statistique Canada, analyse le chercheur. Cela doit faire l’objet d’une réflexion au sein du ministère de la Sécurité publique ainsi que des Services correctionnels du Québec. »

Quelques données

La majorité des données recueillies concernent les personnes admises par les Services correctionnels du Québec en 2019-2020 :

  • Les personnes autochtones représentent 6,6 % des admissions alors qu’elles ne sont qu’environ 2,3 % de la population québécoise.
  • Parmi les personnes autochtones admises, 40,5 % étaient des Inuits (ce qui représente 8,1 % de leur population totale dans les communautés). Ils ne comptent pourtant que pour 18,9 % de la population autochtone totale dans les communautés.
  • Plus de la moitié des personnes nouvellement judiciarisées (53,07 %) appartiennent aux deux groupes d’âge les plus jeunes, 18 à 24 ans (22,69 %) et 25 à 34 ans (30,38 %), respectivement 4 fois et 2,3 fois leur poids dans la population ;
  • Les hommes forment l’écrasante majorité (83,7 %) des personnes reconnues coupables d’infractions alors que la population du Québec est divisée de manière quasi égale entre les hommes et les femmes ;
  • La proportion de femmes judiciarisées a augmenté entre 1994 et 2019, passant de 9,6 % à 16,3 % ;
  • La majorité écrasante (+ de 84,5 %) des nouveaux admis sont peu scolarisés, c’est-à-dire qu’ils et elles mentionnent avoir une scolarité de niveau secondaire ou primaire.

Recommandations

Pour les auteurs de l’étude, la société québécoise doit cesser de judiciariser les populations vulnérables et marginalisées, majoritairement sans emploi et présentant des difficultés d’insertion sociale en mettant davantage l’accent sur la prévention. Il faut également réduire la discrimination à l’embauche des personnes judiciarisées. Mettre en place des politiques plus ambitieuses de lutte contre la pauvreté aiderait certainement. « Les problèmes sociaux ne se règlent pas par la répression », rappelle M. Hébert. Le chercheur conclut que « le financement des organismes communautaires devrait être en tête de liste pour améliorer la situation ».

Manque de données

En menant cette étude, les chercheurs de l’Institut ont rencontré des obstacles particuliers à obtenir des informations. « On trouve trop peu de données publiques, et encore moins de données disponibles, claires, détaillées et à jour sur les personnes judiciarisées au Québec », explique Pierre Tircher. Même le nombre total de personnes possédant un casier judiciaire au Canada et au Québec, ce qui pourrait être considéré comme une donnée de base, n’est pas accessible sans passer par une demande d’accès à l’information. En ce qui concerne les personnes condamnées par les tribunaux, on ne connaît que leur âge et leur sexe. Il faut regarder du côté des personnes incarcérées pour que les demandes d’accès à l’information permettent d’obtenir de plus amples renseignements.

Pour lire la note : https://bit.ly/personnes-judiciarisees

Faits saillants

85%

sont peu scolarisés

7%

sont autochtones

53%

ont moins de 34 ans


  • Les données disponibles nous indiquent qu’il semble exister un lien étroit entre la judiciarisation et la criminalisation de la pauvreté.
  • Les groupes d’âge plus jeunes et les hommes sont surreprésentés parmi les personnes judiciarisées
  • Les jeunes, les hommes, les personnes peu scolarisées, les Autochtones, les personnes racisées et les bénéficiaires de l’assistance sociale sont surreprésentée·s parmi les personnes incarcérées dans les établissements de détention du Québec
  • On trouve trop peu de données, et encore moins de données publiques, claires et détaillées sur les personnes judiciarisées au Québec.