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Une industrie dépendante des fonds publics

26 février 2020


En étudiant les cadres financiers des compétiteurs de l’éventuelle usine de l’entreprise Énergie Saguenay (GNL Québec), on réalise que ce projet s’inscrit au sein d’une industrie fortement dépendante de fonds publics. Ainsi, pour voir le jour, Énergie Saguenay devra obtenir au même titre que ses concurrents un important soutien du Trésor public.

À titre d’exemple, nous pouvons citer le terminal Sabine Pass, installé dans le golfe du Mexique, qui a bénéficié de 1,69 milliard de dollars américains sous forme de congé de taxe et de subventions. Pour chacun des 225 emplois créés, l’État aurait ainsi payé 7,5 millions de dollars américains, ou se serait passé de l’équivalent en revenus. Ouvert en 2016, ce premier projet d’exportation de gaz naturel liquéfié (GNL) de l’histoire des États-Unis a exporté 40 % de son produit vers le marché asiatique, soit au Japon, en Corée du Sud et en Chine.

Dans l’Ouest canadien, le portrait est le même. Le projet LNG Canada, dans lequel l’entreprise d’État PetroChina a investi, a bénéficié en 2018 d’un cadeau fiscal évalué à au moins 5,35 milliards de dollars de la part du gouvernement de la Colombie-Britannique. LNG Canada ne sera pas imposée sur ses revenus. En plus de cela, la taxe provinciale de vente sera annulée lors de la phase de la construction, sans compter la diminution de sa taxe carbone.

C’est donc dire qu’Énergie Saguenay, afin d’exporter son gaz, serait en compétition directe avec ces terminaux fortement subventionnés et géographiquement mieux situés.

Les 56 projets de terminaux actuellement prévus en Amérique du Nord seront en concurrence pour alimenter le marché asiatique. L’agence Bloomberg prévoit que cette région sera responsable de 86 % de la croissance de la demande de gaz naturel liquéfié pour la période 2017-2030.

Bref, tout indique qu’en plus des 550 mégawatts d’hydroélectricité qu’elle recevra au tarif diminué, Énergie Saguenay devra obtenir des fonds publics équivalents à ceux dont bénéficient ses compétiteurs directs. Des centaines de millions de dollars de deniers de l’État devront lui être accordés pour que ce projet dont les capitaux transitent par des sociétés établies dans des paradis fiscaux voie le jour.

UN FREIN À LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

D’un point de vue écologique, la question est la suivante : à l’heure où une transition énergétique est requise pour freiner l’emballement climatique, est-ce pour ce projet d’exportation de gaz naturel non traditionnel, issu à 85 % de la fracturation, que l’argent des contribuables doit servir et que tant d’hydroélectricité doit être vendue au rabais  ?

Le premier ministre reprend le discours de l’industrie lorsqu’il soutient que le GNL doit être considéré comme une énergie de transition.

Financer ce projet dont la durée de vie prévue est de plusieurs décennies ne fera que prolonger notre dépendance aux énergies fossiles et ralentir leur remplacement par des énergies renouvelables.

Dans tous les cas, une subvention à Énergie Saguenay ne garantit pas la réussite économique de ce projet qui a déjà de nombreux compétiteurs largement subventionnés. Un tel soutien nous assure toutefois que la transition écologique juste dans laquelle le Québec doit s’engager sera freinée.

Ce billet est d’abord paru sous forme de lettre dans l’édition du 26 février 2020 de La Presse + et du 27 février 2020 du Quotidien.

 

 

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