Rapport D’Amours : pourquoi s’arrêter à mi-chemin ?
18 avril 2013
Au début des années 1980, la récession avait forcé le gouvernement fédéral à prendre acte du dysfonctionnement des pensions de retraite. Après avoir consulté les différents secteurs de la population, le gouvernement tranche entre les plusieurs propositions qui s’offrent à lui. Il choisit de consolider le versant privé des systèmes de retraite au Canada en mettant désormais l’accent sur l’encadrement des régimes complémentaires et le relèvement des plafonds de cotisations aux REER (l’épargne individuelle).
Quelques décennies plus tard, le système n’a pas tenu. C’est un contexte économique morose similaire à celui des années 80 qui amène à nouveau les gouvernements à considérer des modifications à l’architecture des régimes de retraite. Trop peu de gens bénéficient des économies qui leur permettraient d’éviter la pauvreté une fois parvenus à la retraite et trop nombreux sont les gens bénéficiant d’un régime adéquat qui sont aujourd’hui menacés par une dégradation des fonds capitalisés dont ils dépendent.
Le mandat élargi confié au Comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois présidé par Alban D’Amours devait répondre à ces problèmes. Le comité a remis hier un rapport contenant 21 recommandations qui, selon les auteurs, pourront solutionner les problèmes auxquels sont aujourd’hui confrontés les régimes de retraite au Québec.
Soulignons d’abord que plusieurs recommandations du rapport D’Amours sont excessivement techniques et qu’elles ne peuvent être toutes analysées dans le détail à ce stade-ci. Certaines de ces modifications serviront à mieux réglementer les régimes complémentaires (ex : limiter les congés de cotisations des employeurs, recommandation no 5), ce qui constitue une avancée.
La mesure centrale du Rapport D’Amours est la nouvelle « rente longévité » qui bénéficiera aux personnes de 75 ans et plus qui auront cotisé à ce programme au cours de leurs années d’emploi (recommandation no 1). Cette rente longévité permettra à des personnes de recevoir un revenu supplémentaire, notamment les plus pauvres qui recevront une nouvelle forme de rente à un moment où ils ne dépendent plus que des maigres prestations provenant des régimes publics et des plans d’épargne individuelle. Parmi ces personnes plus pauvres, seules celles qui défieront les statistiques pourront réellement se prévaloir de la mesure puisque, à titre d’exemple, l’espérance de vie des hommes appartenant au 20% des plus pauvres de la population atteint à peine 75,9 ans.
La rente longévité servira aux détenteurs de régimes complémentaires puisqu’elle réduira la pression sur ceux-ci.
En effet, comme cette nouvelle rente s’ajoutera à leurs revenus à partir de 75 ans, elle opère un transfert une partie des cotisations des RPD vers le nouveau programme et fera assumer une part des prestations par cette rente, ce qui donne de « l’oxygène » aux RPD.
Du côté des employeurs, si les recommandations du rapport D’Amours sont appliquées, ils devront contribuer à parité à la capitalisation de la rente longévité. Cette approche tranche avec celle des régimes volontaires d’épargne-retraite (RVER) où les employeurs ne sont pas tenus de cotiser au régime. En revanche, les employeurs ont sans doute été ravis de se voir accorder par le Rapport le dernier mot lors des négociations de restructuration de régimes qui auront cours dans les prochaines années. En effet, si après trois ans de négociations aucune entente n’a été conclue, les employeurs pourront décider unilatéralement des mesures à apporter parmi certains mécanismes identifiés dans le Rapport (recommandation no 16).
Le fonctionnement de cette nouvelle rente est cohérent avec les constats que réalise le comité d’experts et rejoignent à bien des égards ceux mis de l’avant dans une étude de l’IRIS publiée récemment. Parmi ces constats figure le fait désormais bien établi selon lequel les régimes collectifs de grande taille et à prestations déterminées sont plus efficaces que les régimes individuels à cotisations déterminées et ce, tant sur le plan de la capacité de financement que de la qualité de la protection sociale.
Mais alors, pourquoi le comité d’experts n’applique pas le même raisonnement lorsque vient le temps de préparer la retraite qui va de 65 à 75 ans? En effet, durant cette période, les gens sans régime complémentaire d’employeur devront avoir suffisamment d’épargne individuelle ce qui n’est bien souvent pas le cas. On invite donc les gens à se replier sur les RVER, le nouvel outil d’épargne possédant plusieurs traits des REER collectifs, qui s’avèrent à ce point inefficace que le comité aurait dû suggérer de les envoyer dans les bacs à recyclage de l’histoire.
Il semble malheureusement que la réponse à cette obstination à conserver les RVER et à condamner de nombreux Québécoises et Québécois à la précarité entre 65 et 75 ans découle d’un ralliement des experts à l’idée que la retraite à 65 ans est une idée révolue. Ne pouvant s’aventurer à formaliser une telle chose, ils proposent un système élaboré de façon telle que l’incitatif à demeurer au travail plusieurs années supplémentaires s’apparentera davantage à un impératif de survie qu’à une plaisance retrouvée sur le tard pour le marché de l’emploi.
Le rapport D’Amours n’est pas seulement technique, il est aussi surprenant à plusieurs égards. D’autres analyses seront nécessaires pour mieux en extraire la substance.