La colonie en fête
1 juillet 2014
Aujourd’hui est célébrée d’un océan à l’autre la Fête du Canada. Jusqu’en 1982, on désignait plutôt cette date par le nom de Fête du Dominion. Un rappel sans doute devenu insupportable que bien qu’il soit politiquement indépendant, notre pays demeure une monarchie constitutionnelle. De nos jours, les visites répétées de la famille royale en sol canadien, où les sujets de sa Majesté sont invités à lui témoigner leur indéfectible amour, nous ramènent périodiquement à cette absurde et anachronique réalité.
Dernièrement, l’enthousiasme du gouvernement conservateur de Stephen Harper envers la monarchie et ses symboles a fait grincer les dents de nombreuses personnes au pays. Il a notamment été souligné que cette allégeance envers la Couronne britannique témoignait d’un rejet par les troupes conservatrices du libéralisme d’un point de vue social, culturel et politique. Cette « refondation symbolique » autour de la monarchie et du pouvoir du souverain est sans contredit déplorable, mais elle fait peut-être de l’ombre à un virage tout aussi, sinon plus inquiétant, entrepris par les Conservateurs depuis leur arrivée au pouvoir en 2006. Comme le soulignait la revue Liberté dans un numéro consacré à cette question en 2012, la loyauté qu’ils vouent aux puissances de l’argent est en train de transformer le Canada de manière peut-être encore plus significative.
La volonté du gouvernement Harper d’affaiblir les législations en matière environnementale afin d’accélérer l’exploitation des ressources naturelles et énergétiques témoigne avec force de cette orientation politique et économique qui est en tout point opposé à l’intérêt public. Récemment, l’approbation par Ottawa du projet d’oléoduc Northern Gateway dans l’ouest du pays, ainsi que la décision d’aller de l’avant avec l’exploration énergétique dans l’Arctique, se sont rajoutés à une longue liste de projets motivés en priorité par la recherche de débouchés pour l’industrie pétrolière, qui fait peu de cas de la fragilité des écosystèmes affectés par son expansion.
En revanche, le mépris des Conservateurs pour les institutions démocratiques s’affiche entre autres à travers le régime d’austérité qui est imposé depuis cinq ans à CBC/Radio-Canada. Le diffuseur public, qui subissait au printemps une troisième vague de coupures, est à nouveau forcé de réduire son personnel ainsi que le nombre de ses productions, et maintenant la taille de son parc immobilier. Au nom de la rigueur budgétaire, mais surtout pour mieux mettre des bâtons dans les roues de médias qu’ils jugent trop critiques à leur égard, c’est un pilier de la démocratie canadienne que le gouvernement conservateur contribue à démanteler.
La fidélité affichée de Stephen Harper envers la couronne britannique est certes pathétique, mais le saccage de l’environnement et de la démocratie que son gouvernement orchestre au nom de la croissance économique font preuve de sa soumission à des intérêts privés qui sont contraires à ceux de la majorité de la population canadienne, et constitue de fait une bonne raison de ne pas avoir le cœur à la fête en ce 1er juillet.
Suggestion de lecture pour ceux et celles qui souhaiteraient poursuivre cette réflexion pendant les vacances estivales: le dernier numéro de la revue Relations, qui porte sur la droite canadienne.