L’austérité permanente
27 février 2016
Le premier ministre se plait à le répéter, les temps difficiles sont derrière nous et le Québec serait maintenant prêt à renouer avec la prospérité. En début d’année, lors du remaniement ministériel, M. Couillard a eu beau répéter que le ciel se dégageait pour laisser place au soleil, il fut assez difficile de le croire sur parole. L’annonce de cette semaine au sujet de la révision du financement des services de garde est venue confirmer nos doutes.
Il n’y a rien d’apaisant dans le fait de venir confirmer des coupes de 120 M$. Qu’une somme de 60 M$ soit prévue en 2016 pour venir atténuer les effets négatifs de celles-ci ne change rien à l’affaire : les CPE et les autres services de garde subventionnés devront faire plus avec moins.
Concrètement, cela veut dire grosso modo des coupes de 4,5 % dans les subventions versées aux CPE d’une soixantaine de place. En partant de cet exemple, les services devront être maintenus bien que le niveau des subventions passera de 724 270 $ cette année à 691 476 $.
Il est faux de prétendre que cela n’aura pas d’impact sur la qualité du travail fait par les éducatrices : les gestionnaires de CPE devront couper dans la qualité des aliments servis aux tout-petits, réduire les sorties éducatives, augmenter le nombre d’enfants par groupe, etc.
C’est une condition permanente de restriction qui s’instaure. Nous le disons souvent, l’austérité n’est pas qu’un mauvais moment à passer, c’est une nouvelle manière de penser et de structurer l’État. Les annonces de compressions auront beau se faire plus rares, leurs effets, eux, seront permanents. C’est un tout nouveau modèle social que nous propose le gouvernement.
Encore ici, l’exemple des CPE est parlant en ce que l’état de compressions est permanent dans ce réseau. Le gouvernement a beau présenter ses coupes de 120 M$ comme étant un effort ciblé, la réalité indique plutôt qu’elles s’installent de manière permanente. Depuis 2012-2013, les subventions de fonctionnement versées aux CPE ont, une fois converties en dollar constant, connu une baisse de 51,4 M$. Cette coupe représente déjà un manque à gagner de 4,5 % dans les coffres des différents établissements. C’est donc à ce niveau de financement déjà amputé que viennent s’ajouter les nouvelles compressions.
Au final, les CPE seront structurellement sous-financés. Il est à prévoir que leur avantage au niveau de la qualité des services dispensés par rapport aux garderies privées sera alors remis en question. Avec la modulation des tarifs des services de garde qui vient annuler concrètement l’existence d’un réseau à contribution parentale réduite, la direction choisie apparaît clairement : utiliser les compressions pour désavantager le réseau des garderies publiques vis-à-vis du réseau privé.
Ma collègue Eve-Lyne Couturier et moi publierons dans les prochaines semaines une étude sur les bienfaits de maintenir un réseau de service de garde subventionné à contribution réduite. Malheureusement, le gouvernement semble sourd à ce genre d’analyse tellement il est convaincu de la pertinence de réduire les dépenses sociales de l’État.