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Jim Flaherty : un grand ministre des Finances ?

12 mai 2014

  • PB
    Pierre Beaulne

Au plan personnel, l’homme était sympathique et attachant. Sa solidité et sa détermination tranquille forçaient le respect et inspiraient la confiance. Son décès subit et prématuré suscite une grande tristesse.

Comme ministre des Finances, son bilan et son héritage demeurent très discutables. Vedette du gouvernement conservateur ontarien de Mike Harris  dans les années 1990, il a contribué de manière zélée à la mise en œuvre de la « révolution du bon sens » qui consistait à démanteler l’État afin de réduire les impôts.  Dix ans plus tard, l’Ontario est devenue une province récipiendaire de péréquation qui peine à rétablir ses équilibres financiers suite à la crise.

Devenu ministre des Finances du gouvernement Harper en 2006, il a poursuivi dans la même voie du désengagement de l’État, réduisant de 7 % à 5 % la taxe sur les produits et services (TPS), abolissant la taxe fédérale sur le capital et subventionnant les provinces pour en faire autant, abaissant graduellement de 21 % à 15 % le taux fédéral de l’impôt sur les profits des entreprises.

À son crédit, il a fait un effort sérieux pour régler la question du déséquilibre fiscal en augmentant les transferts fédéraux aux provinces, en bonifiant la formule de péréquation et en accordant, près de vingt ans après le fait, une compensation au Québec pour l’harmonisation de la taxe de vente (TVQ) avec la TPS. Il a rétabli et bonifié la déduction pour revenus d’emploi, tout en introduisant des primes au travail pour les bas salarié.e.s. Il a créé le régime enregistré d’épargne-invalidité, vivement apprécié par les personnes concernées et leurs proches.

Quand la crise financière a frappé, à l’automne 2008, il a présenté un budget si insipide et déconnecté que les partis d’opposition ont tenté de former une coalition pour congédier les Conservateurs. Pragmatique, il a aussitôt changé de cap en soumettant un plan de stimulation très substantiel centré sur les travaux d’infrastructures, la rénovation domiciliaire, le soutien de l’industrie automobile et l’extension de l’aide aux chômeurs. C’était la chose à faire.

depuis lors à éponger le déficit qui s’est creusé à cette occasion, il a mis l’accent sur les compressions des dépenses ministérielles, protégeant à court terme les transferts fédéraux aux particuliers et aux provinces. À plus long terme, cependant, et sans s’embarrasser de négociations avec les provinces, il a pris les moyens pour contenir la croissance des dépenses fédérales : plafonnement des transferts pour la santé, report de 65 à 67 ans d’ici quelques années de l’âge du début du versement des pensions de vieillesse, nouveaux resserrements à l’assurance-emploi, surtout aux dépens des travailleuses et travailleurs saisonniers.

Son jupon d’homme de Bay Street, si l’on peut dire, dépassait clairement quand il s’est entêté, sans succès, à vouloir remplacer les Commissions des valeurs mobilières provinciales par une institution fédérale unique centrée en Ontario. Il a également sacrifié aux modes de la droite américaine en instaurant le Compte d’épargne libre d’impôt (CELI), une aberration fiscale s’il en est qui permet d’accumuler des revenus de placements à l’abri de l’impôt. Par ailleurs, il a cherché à prévenir la formation d’une bulle immobilière en resserrant les critères  des emprunts hypothécaires. Il n’a pas eu l’audace d’entreprendre la bonification des régimes publics de rentes, se contentant d’introduire des schémas d’épargne volontaire pour les travailleuses et travailleurs sans participation obligatoire des employeurs.  Vers la fin, il a manifesté des réserves quant à la pertinence de permettre le fractionnement des revenus entre conjoints, un des projets phares des Conservateurs, ce qui a finalement entraîné son départ discret après neuf budgets.

Quoi qu’on pense de ses réalisations, Jim Flaherty aura contribué de manière décisive à façonner l’environnement fiscal canadien.

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