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Élections : les cadres financiers et le « réalisme »

26 mars 2014


Dans un texte récent, Francis Vailles reprochait au cadre financier de la Coalition Avenir Québec (CAQ), du Parti libéral (PLQ) et de Québec solidaire (QS) de manquer de réalisme. En somme, le chroniqueur économique de La Presse nous dit que ces partis promettent la lune sans nous montrer qu’ils peuvent l’atteindre. Si cet argument se défend, la posture politique du chroniqueur qui perce à travers son texte peut, elle, être contestée.

Un des importants reproches qu’on peut faire aux partis politiques, en accord avec la chronique de M. Vailles, c’est de se fier beaucoup à l’argent venu de la croissance économique pour réaliser leurs engagements. Si c’est vrai qu’une économie qui croît amène plus de revenus à l’État, il ne faut pas non plus oublier que les dépenses croissent elles aussi (à cause de l’augmentation des prix, mais aussi de l’augmentation de la population). Or, les partis sont souvent particulièrement optimistes sur la croissance à venir et bien peu socieux de la croissance des dépenses; que ce soit lorsqu’ils sont au pouvoir avec leurs budgets (comme nous le mentionnions ici pour celui de M. Marceau) ou lorsqu’ils vont en élections. Ils prévoient systématiquement des embellies, même quand le temps qui s’annonce semble plutôt maussade.

L’autre tactique des cadres financiers c’est de surévaluer l’efficacité des réductions de dépenses. On promet de « dégraisser », de « réduire la taille de l’État » et ainsi de faire pleuvoir les millions économisés. Personne n’aime le gaspillage (et tout le monde aime bien les Gaspésiens), mais transformer la machine étatique sans affecter les services est souvent beaucoup plus long et complexe qu’on le croit. Parfois, c’est carrément impossible. Ainsi, M. Vailles et d’autres ont bien raison de se demander comment ils seront capables de tenir promesse en se fondant sur la croissance économique ou la diminution de l’État.

Par contre, dans cette chronique, Francis Vailles se fait le porteur d’une certaine vision de l’intervention étatique généralement partagée dans le monde du commentaire économique, vision que je nommerais le « quiétisme gestionnaire ».  C’est particulièrement visible dans le dernier paragraphe de son texte où il retient les « bonnes idées » des cadres financiers. Les voici : « la réduction de la bureaucratie, le plafonnement de la dette, le report des projets hydroélectriques Romaine-3 et Romaine-4 et la réorganisation des subventions aux entreprises. »

Toutes les propositions qu’il retient ont pour effet de réduire l’intervention étatique. Voilà le quiétisme, l’État ne devrait pas faire grand-chose et si on propose de faire plus, c’est tout de suite vu comme suspect par le commentateur économique. Ce qui est encouragé par contre, c’est de faire moins. Le caractère gestionnaire de cette posture vient de son rapport au politique. À lire M. Vailles et d’autres commentateurs, on a l’impression que la politique, c’est en fait de la gestion. Il s’agit simplement de gérer l’État le mieux possible en réduisant les dépenses et en n’imposant pas trop lourdement les contribuables. Le voilà le « réalisme » que l’auteur ne retrouve pas dans les cadres financiers des partis. Ces organisations politiques souhaitent encore faire quelque chose, c’est déjà irréaliste.

Alors que le Québec connait des problèmes en santé et en éducation qui demandent une intervention étatique et que nous sommes collectivement aux prises avec une crise écologique majeure, ce quiétisme gestionnaire est une étrange posture pour juger des propositions politiques qui sont avancées. La chronique économique se trouve alors décalée, postulant une normalité, une tranquillité qui n’existent pas et jugeant les propositions politiques à partir de ce lieu idéel et abstrait. Si elle a déjà été bonne, ce dont je doute, cette posture ne me semble plus du tout opportune pour comprendre la situation politique actuelle. Elle amène plutôt à encourager des attitudes et des propositions qui vont nous enfoncer encore plus loin dans nos problèmes.

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