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À quand le changement vraiment vrai ?

13 décembre 2015

  • Julia Posca

Les contribuables canadiens ont de quoi se réjouir ces jours-ci : le Parti libéral du Canada va de l’avant avec sa promesse de réduire l’impôt de la classe moyenne et de hausser celui des plus nantis. En campagne électorale, Justin Trudeau avait effectivement annoncé de faire passer de 22% à 20,5% le taux qui s’applique sur le palier de revenu allant de 45 000$ à 90 000$, et d’instaurer un nouveau taux de 33% applicable sur les revenus supérieurs à 200 000$. Ce nouveau palier devait permettre de réaliser la baisse d’impôt à coût nul pour le Trésor public. Tout compte fait, cette mesure occasionnera une dépense de 1,2 milliard de dollars pour le gouvernement fédéral. C’est ce qu’a admis hier le ministre des Finances, et c’est aussi ce qu’avait prévu l’Institut C.D. Howe la semaine dernière, qui calculait pour sa part que ce choix priverait les États fédéral et provinciaux de 4 milliards de dollars par année.

Alors que le C.D. Howe rejette l’idée d’améliorer la progressivité de l’impôt en imposant davantage les contribuables plus fortunés, la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke (CRFFP) défend pour sa part le fait que cette mesure bénéficiera surtout aux ménages gagnant entre 100 000$ et 216 000$. Au Québec, le revenu médian des ménages en 2013 s’élevait à 72 240$, ce qui fait dire à la CRFFP que la mesure du gouvernement Trudeau constitue en fait un coup de pouce pour la tranche supérieure de la classe moyenne. Toujours selon la CRFFP, les ménages aux revenus plus modestes seront cependant avantagés par le remplacement prévu de la Prestation universelle pour la garde d’enfants (PUGE) par l’Allocation canadienne aux enfants (ACE).

Au moment où l’économie canadienne peine à renouer avec son niveau de croissance d’avant la crise de 2008, augmenter le revenu disponible des ménages semble être une mesure judicieuse pour stimuler la consommation dont dépend grandement notre économie pour croître. Évidemment, il est difficile de prévoir ce que chacun fera avec le montant qui s’ajoutera à son budget à partir de l’année prochaine. Deux options semblent cependant plus probables : les Canadiens et les Canadiennes affichant un ratio de dette au revenu disponible de 166,95% au 2e trimestre de 2015, certains d’entre eux décideront peut-être de rembourser une partie de leurs dettes afin d’alléger leur fardeau financier. D’autres utiliseront au contraire cette somme supplémentaire pour accroître leur pouvoir d’achat et acquérir de nouveaux biens ou se prévaloir de nouveaux services.

De ces cas de figure se dégagent deux défauts majeurs de notre système économique : s’ils remboursent leurs dettes plutôt que de consommer davantage, les individus privent les banques d’une source importante de revenus, mais surtout, ils minent la croissance de l’économie et augmentent ainsi le risque de récession. S’ils augmentent plutôt leur niveau de consommation, comme c’est le cas par exemple lorsque le prix de l’essence diminue, ils favorisent la croissance de la production et donc contribuent à accroître notre empreinte écologique, à l’heure où il faudrait au contraire la réduire drastiquement pour éviter un dérèglement climatique planétaire catastrophique.

De cette situation on peut tirer la conclusion suivante : le nouveau premier ministre a promis de « réaliser le vrai changement », mais à part réparer certains pots cassés par son prédécesseur, les mesures qu’il met de l’avant annonce plutôt une reconduction du statu quo en matière économique. Il serait sans doute opportun, plutôt que de miser uniquement sur des politiques à court terme mais avantageuses politiquement, de privilégier une vision à long terme du développement économique et social. De cette façon, une alternative au système actuel qui ne cesse de montrer ses limites pourrait être élaborée de manière conviviale et démocratique plutôt que dans l’urgence.

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