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Une grande innovation, les GMF ?

21 mai 2017

  • Anne Plourde

Dans un roman intitulé La Citadelle, l’écrivain britannique A.J. Cronin raconte le parcours sinueux d’un jeune médecin qui, après avoir expérimenté plusieurs façons de pratiquer la médecine, finit par se tourner vers une pratique de groupe. Pour l’auteur et son personnage principal, il s’agissait définitivement de « LA » voie d’avenir pour la médecine. Force est d’admettre qu’en comparaison avec la pratique médicale individuelle en cabinet privé, la pratique de groupe – comme aujourd’hui les GMF – est un progrès. Ou plutôt, c’était un véritable progrès l’année où le roman de Cronin a été publié… en 1937.

Pour certains, les CLSC dans le réseau de la santé et des services sociaux au Québec sont une relique du passé. Mais si c’étaient les GMF qui étaient dépassés?

Depuis le début des années 2000, les groupes de médecine de famille (GMF) sont le modèle mis de l’avant au Québec par le ministère de la Santé et des Services sociaux. On cherche en effet à en faire la principale porte d’entrée du réseau sociosanitaire, mission qui avait été confiée par le passé aux centres locaux de services communautaires (CLSC). Or, les GMF sont fortement centrés sur les médecins, sur la pratique privée et sur les soins curatifs. En d’autres termes, les GMF interviennent trop tard puisqu’ils viennent soigner la maladie après son apparition.

Pour l’essentiel, le modèle des GMF correspond donc à la médecine telle qu’elle se pratique depuis toujours dans la plupart des pays occidentaux. Si l’on veut présenter les GMF comme une « innovation », il faut d’abord s’imaginer que nous vivons toujours dans les années 1930…

Au contraire, le modèle des CLSC, bien que créé au début des années 1970, correspond aux recommandations les plus récentes en ce qui concerne l’organisation des services de santé. Ces recommandations sont d’offrir un accès universel aux soins de santé curatifs, mais aussi (et même surtout) d’agir prioritairement en prévention, sur les causes de la maladie, et notamment sur les déterminants sociaux de la santé, qui sont responsables de la plus grande partie des problèmes de santé.

En effet, un faible revenu, un logement insalubre, un environnement malsain qui offre peu d’accès à une alimentation de qualité sont des facteurs qui font s’accroître les risques de développer des problèmes de santé et ils sont beaucoup plus déterminants que la possibilité d’avoir accès à un médecin. Nombre d’études ont montré comment votre espérance de vie peut s’allonger de dix ans si vous habitez Outremont plutôt qu’Hochelaga. La médecine curative ne peut rien changer à cet état de fait.

Au Québec, nous avons bel et bien innové en créant les CLSC. Loin d’être dépassé, ce modèle demeure avant-gardiste et continue d’être considéré comme un exemple à suivre pour améliorer la santé des populations. La réputation des CLSC était telle lorsque le gouvernement les a mis sur pied que des délégations étrangères venaient s’en inspirer. Une réputation qui existe toujours semble-t-il puisque l’année dernière encore, une délégation chinoise venait visiter (ce qui reste) des CLSC…

À quoi est dû le succès de l’approche communautaire en santé ? D’une part, au souci accordé tant au curatif qu’au préventif; et d’autre part, à la combinaison, au sein d’un même établissement, de services de santé, de services sociaux et de services communautaires. Ce modèle n’est donc pas centré sur les médecins; il est plutôt organisé autour d’équipes multidisciplinaires (médecins, infirmières, travailleurs sociaux, organisatrices communautaires, etc.) qui sont en mesure d’offrir une large gamme de services.

C’est ce modèle qui est (de nouveau) remis en question avec le transfert de ressources professionnelles des CLSC vers les GMF. Bien sûr, les CLSC n’ont jamais pu offrir leur plein potentiel parce que le ministère ne leur a jamais vraiment donné les moyens de le faire, mais aussi parce que les médecins ont refusé de s’engager dans ce modèle. Ils ont préféré fonder leurs propres cliniques privées à partir desquelles seront plus tard créés les GMF. En ce sens, le démantèlement des CLSC au profit des GMF peut être considéré comme une victoire des médecins. Or, il est temps de revenir à un modèle véritablement innovant, centré sur les besoins des communautés plutôt que sur les préférences des médecins.

Anne Plourde publiait jeudi une note socioéconomique qui compare le modèle des CLSC à celui des GMF. Elle peut être consultée sur le site internet de l’IRIS.

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