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Le gaz naturel liquéfié, la dernière mode «verte»

31 mai 2016

  • Bertrand Schepper

En termes de transport, le gouvernement libéral s’enthousiasme pour le gaz naturel liquéfié (GNL). Comme son nom l’indique, ce « nouveau » carburant pour véhicule lourd facile à transporter est du gaz naturel qui a été liquéfié, permettant d’importantes réductions d’émission de gaz à effet de serre dans le domaine du transport de marchandises. C’est pourquoi le gouvernement Couillard mise sur cette énergie dans la nouvelle Politique énergétique 2016-2030. Regardons si véritablement le GNL est une solution magique.

Le gaz naturel, une énergie verte ?

Le nouveau « buzzword » du gouvernement, « faible empreinte en carbone », permet de comparer les émissions du GNL à celle du mazout ou du pétrole plutôt que de se questionner si cette proposition est objectivement polluante. Ainsi, on peut prétendre que le GNL est 25 % moins polluant que l’essence conventionnelle (p.9), tenter d’inonder le marché et de se donner un vernis écologiste. Cela n’a évidemment aucun sens. Si l’on peut effectivement supposéer que le gaz naturel conventionnel est 25 % moins polluant que le pétrole conventionnel, il n’y a cependant aucun moyen présentement de savoir d’où provient le gaz importé sur le territoire. Puisque Gaz Métro achète du temps d’accès aux pipelines nord-américains pour acheminer le gaz et pour le distribuer au Québec, l’entreprise ne peut fournir la provenance de son produit. Considérant que la production américaine de gaz naturel provient principalement des bassins de shale de Bakken, Marcellus et Utica (48 % ), on peut supposer qu’une grande part des importations québécoises sont du gaz de schiste. Considérant que l’extraction du gaz de schiste est entre 10 % (p.2) et 43 % (figure 1) plus polluante que l’extraction du gaz naturel conventionnel selon les études, l’on peut facilement supposer qu’il est très peu probable que le GNL soit réellement 25 % moins polluant. En fait pour le moment, rien n’assure que les objectifs en GNL permettront d’atteindre la cible environnementale du Québec.

Pourquoi l’entreprise aime ça ?

Pour le moment, la grande entreprise aime bien le projet. Car bien que l’investissement de départ pour l’implantation d’une nouvelle flotte de camions soit important (il est généralement autour de 35 % de plus qu’un camion normal), le retour sur investissement est relativement rapide (autour de 5 ans). Cela s’explique par le prix du gaz naturel qui est significativement plus bas et plus stable (p.14) que le prix du baril de pétrole en Amérique. De plus, pour le moment le GNL n’est pas assujetti aux taxes sur le carburant et l’investissement privé est facilement subventionné par l’État (p.17). D’ailleurs même lorsque l’industrie est taxée, comme en Colombie-Britannique, les taxes restent particulièrement faibles. De quoi plaire aux entreprises qui pourront se «verdir» sans trop payer de taxes. Cependant, le jour ce carburant sera davantage réglementé, il est peu probable que le retour sur investissement reste aussi intéressant.

Qu’est-ce que l’État y gagne ?

En ne percevant que de faibles taxes et en subventionnant à la fois les camions et les projets de liquéfaction, on peut bien se demander ce qu’il y a d’intéressant dans cette énergie pour l’État. La réponse est plutôt simple : le GNL pourra être stocké et déplacé en régions éloignées pour exploiter certaines industries comme le secteur minier. Ce dernier ne peut pas toujours s’approvisionner en électricité et ne veut pas payer pour du mazout, plus cher. Sans compter qu’avec un tel projet, le premier ministre peut se promener main dans la main avec les gazières et les groupes environnementalistes à la conférence de Paris.

Bref, économiquement, le gouvernement fait le pari que les subventions accordées et les taxes non perçues permettront de développer suffisamment l’industrie minière (et peut-être la filière gazière) au Québec pour compenser ses pertes économiques. Du point de vue environnemental, les résultats sont incertains et bien que l’industrie du transport diminue un peu ses émissions, il est fort probable que l’industrie polluante minière augmente quant à elle ses émissions de GES. On revient à de vieilles habitudes de développement des ressources naturelles alors que bien d’autres possibilités écologiquement et économiquement plus viables s’offrent à nous. Entendons-nous, le GNL peut être un outil intéressant, mais au final, la stratégie gouvernementale autour du GNL ressemble plus au mirage qu’au miracle.

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