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Le Fonds vert est mort, vive le Fonds d’électrification et des changements climatiques?

28 juin 2019

  • Bertrand Schepper

Nous apprenions récemment que le gouvernement Legault décidait de convertir le Fonds vert en Fonds d’électrification et des changements climatiques (FECC). Du même souffle, il transfère la responsabilité de la société d’État Transition énergétique Québec (TEQ) au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles. Avec cette annonce, le gouvernement veut se donner plus de moyens d’investissement en infrastructure, sans avoir à rendre trop de comptes au public.

L’échec du Fonds vert

Créé en 2006 par le gouvernement Charest, le Fonds vert servait de levier financier permettant de faciliter l’avènement de projets environnementaux. Ses revenus provenaient principalement du marché carbone et des redevances sur l’eau. Or, en novembre dernier, nous apprenions que le fonds entassait plus de 1,3 G$ et que ses actions ne permettaient pas d’atteindre les cibles établies par le gouvernement sans des efforts « colossaux » (p.13). Pire, plutôt que de diminuer, par l’entremise d’actions structurantes, les fonds du Fonds vert allaient vraisemblablement augmenter à plus de 1,6 G$ (p.17). Il faut dire que le Fonds vert avait la mauvaise habitude de saupoudrer des subventions sans toujours pouvoir garantir de retours environnementaux viables. Notons que ce flou artistique autour de la mission du fonds avait aussi permis aux gouvernements Charest et Couillard de payer les intérêts d’emprunt provenant de la construction de route ou même la construction d’oléoduc. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que soit sévèrement remis en question le Fonds vert. En ce sens, on peut comprendre que le gouvernement Legault ne veuille pas devoir défendre les erreurs de ses prédécesseurs. On reste tout de même avec la désagréable impression que plutôt que d’agir réellement en environnement, le gouvernement devra de nouveau s’empêtrer dans la bureaucratie avant d’obtenir des résultats concrets.

Reddition de comptes?

Si nous sommes actuellement en mesure d’évaluer les échecs du Fonds vert, c’est principalement grâce au comité de gestion du Fonds vert (CGFV) né en 2017 et qui sera aboli dans la mise en place de la FECC. Ce comité composé d’experts de différents horizons était reconnu pour être une épine dans le pied du gouvernement et des administrateurs du Fonds vert. Pour plusieurs, la perte de ce chien de garde pourrait mener à une utilisation politique et abusive des montants accumulés. Difficile de leur donner tort alors que déjà le ministre du Transport indiquait qu’il pourrait servir à financer une partie du troisième lien à Québec.

Heureusement, la proposition du gouvernement Legault conserve le mandat de reddition de comptes par la Vérificatrice générale du Québec assistée du commissaire au développement et d’un comité-conseil permanent en changements climatiques composé notamment de scientifiques. Malheureusement, aucune information sur une possible transformation de la forme ou de la fréquence de cette vérification n’a été présentée. Souhaitons que les analyses soient faites de manière annuelle et que les recommandations soient mises en place rapidement.

TEQ, l’histoire se répète

On apprenait aussi le transfert des fonds et des activités de TEQ vers le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN). Rappelons que TEQ devait mettre en place les projets en efficacité énergétique au Québec. Ses programmes devaient être approuvés dans les prochains mois par la Régie de l’énergie, ce qui aurait lancé plus officiellement ses activités. Elle subit ainsi un sort similaire à celui de l’Agence en efficacité énergétique (AEÉ). En ce sens, nous revenons ici à la case départ.

Rappelons que le gouvernement Bouchard avait créé en 1997 l’Agence en efficacité énergétique (AEÉ) dans le but, entre autres de réduire l’impact des activités humaines sur l’environnement, tant sur le plan de la production que de la consommation d’énergie. En 2006, l’AEÉ se voit donner le mandat de présenter le premier plan d’ensemble en efficacité énergétique du Québec qui, selon plusieurs, manquait d’ambition. En 2011, alors qu’elle présentait son second plan d’ensemble devant la Régie de l’énergie, l’Agence a été abolie pour être intégrée au ministère des Ressources naturelles. En 2017, le gouvernement Couillard met en place TEQ qui a pour mandat d’accompagner le Québec dans sa transition vers une gestion de l’énergie efficace et sobre en carbone (p.12). C’est l’organisme qui était responsable, notamment, de différents programmes de rénovation et qui gérait les subventions reliées à l’acquisition de véhicule électrique.

Deux ans plus tard, alors que TEQ présente son plan directeur devant la Régie de l’énergie, le gouvernement transfère ses activités au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles, laissant dans l’incertitude de nombreux acteurs. Ici, contrairement au Fonds vert, rien n’indique qu’il y aura une forme de reddition de comptes. Ce qui laisse craindre le pire alors que le gouvernement Legault veut diminuer le rôle de protection de la Régie de l’énergie.

Faire mieux?

Devant la crise climatique, le Québec doit réussir la transformation de sa relation avec l’énergie et réduire sa consommation énergétique dans une optique de planification intégrée des ressources. Cela a cruellement manqué dans le passé. Telle que formulée, la proposition du gouvernement ne changera pas ce problème, rendra les dépenses du Fonds vert plus opaques et retardera la mise en place de véritables projets écologiquement concrets.  Maintenant, la balle est dans le camps de monsieur Legault, il se donne un “nouvel” outil pour laisser sa marque, espérons qu’il saura agir avec diligence tout en se concentrant sur les véritables enjeux environnementaux.

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