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Remise des trop-perçus d’Hydro-Québec : jeter le bébé avec l’eau du bain

13 juin 2019

  • Bertrand Schepper

Le gouvernement Legault exige qu’Hydro-Québec redonne 1,5 G$ à ses clientes et clients dans les 5 prochaines années par l’entremise d’un nouveau projet de loi déposé ce mercredi. Cela peut certainement paraître comme une bonne nouvelle et un bon coup politique du nouveau gouvernement Legault qui tente de remplir une de ses promesses électorales tout en terminant sa première session parlementaire sur une annonce positive. Cependant, le projet de loi numéro 34 comporte de nombreux problèmes qui risquent à terme de ne pas favoriser les consommateurs et les consommatrices. Regardons cela de plus près.

Pourquoi rembourser 1,5 G$

Soyons clairs, vous ne recevrez pas de l’argent par la poste d’Hydro-Québec, les Québécois·es bénéficieront plutôt d’une baisse (ou d’un gel de tarif) équivalente à 1,5 G$ sur 5 ans. Il est estimé qu’en 2020, pour une maison unifamiliale habitée par 4 personnes, cette remise avoisinerait les 60 $. Le gel tarifaire quant a lui aurait un effet d’environ 155 $. En soi, personne ne peut être contre. Mais pourquoi doit-on être « remboursé »? Pour cela, il faut comprendre ce qu’est un trop-perçu.

Jusqu’à présent, Hydro-Québec Distribution (HQD), qui est l’entité de la société d’État qui distribue et facture l’électricité à ses abonné·e·s, doit justifier ses tarifs devant la Régie de l’énergie annuellement. Par exemple, pour l’année 2018, HQD demandait une hausse tarifaire de 1,1 %. La Régie de l’énergie a déterminé que les demandes étaient trop élevées et a statué qu’une hausse de seulement 0,3 % était convenable. Bref, la Régie sert de chien de garde face aux demandes d’HQD.

Cependant, qu’arrive-t-il lorsque HQD dépense moins d’argent que le budget approuvé par la Régie de l’énergie ?

Auparavant, ces montants étaient considérés comme une forme de profits et étaient donc redistribués au gouvernement. Les abonné·e·s avaient payé par ces tarifs un montant plus élevé que les services offerts par HQD selon les modalités approuvées par la Régie de l’énergie. C’est ce que l’on nomme un trop-perçu. La vérificatrice générale estime qu’entre 2005 et 2017, ces trop-perçus ont atteint 1,5 G$. C’est le montant que monsieur Legault veut rembourser aux Québécois·es. Il oublie de souligner que cet argent a déjà été versé comme dividende au gouvernement du Québec. En ce sens, ce n’est pas la société d’État qui doit de l’argent aux Québécois·es, mais bien le gouvernement du Québec. Or, en obligeant la société d’État à rembourser 1,5 G$, il se soustrait à son obligation et demande à Hydro-Québec de payer pour lui, en utilisant l’accumulation d’argent perçu grâce à des tarifs par HQD.

Notons d’ailleurs que depuis 2018, un mécanisme de traitement des écarts de rendement a été mis en place à la demande de la Régie de l’énergie pour éviter que la situation ne se reproduise.

Il aurait été préférable que monsieur Legault décide de rembourser ce trop-perçu par l’entremise d’une baisse des dividendes d’Hydro-Québec au gouvernement du Québec sur 5 ans ou simplement grâce à un remboursement pur et simple.

Un projet de loi qui pourrait nuire

Nous l’avons vu, la Régie de l’énergie régule la demande d’HQD. À ce titre, dans les 15 dernières années, elle a réussi à maintenir des hausses tarifaires plus faibles que l’inflation. Le graphique suivant montre la hausse des tarifs d’HQD par rapport à l’IPC canadien sur une période de 15 ans. On remarque qu’au total, la hausse de tarif est de 24,13 %, alors que celle de l’IPC canadien est de 26,2 %. De plus, on remarque que la hausse tarifaire a été moindre par rapport à l’inflation canadienne au cours des 3 dernières années.

Référence : HQD, p. 45

C’est pourquoi il est absurde de voir le gouvernement Legault exiger qu’HQD n’ait plus à se présenter devant la Régie de l’énergie pour faire approuver ses tarifs sur une période de 5 ans. De surcroît, il est surprenant de voir la CAQ demander que les tarifs d’Hydro-Québec suivent l’inflation (sauf pour le secteur industriel qui sera augmenté de 0,65 % annuellement soit moins que l’inflation prévue). Cela ne ferait qu’augmenter les tarifs de manière plus importante qu’auparavant et ferait en sorte qu’une part plus importante des hausses soit affectée aux clientes et aux clients résidentiels plutôt qu’aux grandes entreprises, tout en privant les contribuables de son chien de garde.

Il faut rappeler qu’avant la mise en place de la Régie de l’énergie, la société d’État présentait ses comptes en commission parlementaire. L’absence de connaissances des député·e·s sur la question de l’élaboration des tarifs donnait un pouvoir considérable et démesuré à Hydro-Québec. Ce rapport a été renversé avec la mise en place de la Régie de l’énergie qui a le mandat de représenter l’ensemble de la société civile. Alors qu’Hydro-Québec est reconnue comme étant l’une des sociétés les moins transparentes au Québec, la retirer d’un des rares lieux où elle doit rendre des comptes est pour le moins discutable.

Finalement, bien que l’on puisse tous se réjouir de recevoir un retour sur nos factures, il serait absurde de perdre en échange le chien de garde qu’est la Régie de l’énergie, qui a su depuis 15 ans préserver les tarifs d’électricité sous l’inflation et empêcher Hydro-Québec d’agir à sa guise.

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