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Le déficit imaginaire

11 mars 2015

  • Philippe Hurteau

Depuis les dernières élections, la créativité et l’imagination se sont définitivement installées dans la vie politique québécoise. Insatisfait d’exagérer seulement le déficit budgétaire en manipulant les chiffres, le gouvernement Couillard invente un soi-disant déficit structurel entre les dépenses et les revenus de l’État.

La logique est simple : les dépenses augmentent plus vite que les revenus. Le problème, c’est que c’est faux. Par exemple, de 2008 à 2012, les recettes du gouvernement québécois ont cru de 15,6 %, tandis que ses charges courantes (santé, éducation, services sociaux, intérêts, etc.) ont progressé de 15,1 %.

Qu’est-ce qui se passe à Québec alors? Face à un gouvernement qui vit dans un monde de déficit imaginaire (3,2 G$ l’hiver dernier, à 5,8 G$ en juin jusqu’à 7,3 G$ en décembre), il est bon de rappeler certains faits essentiels.

L’histoire récente, les 15 dernières années disons, voit se répéter les mêmes tendances. Après l’atteinte du déficit zéro à la fin des années 1990, qu’est que le gouvernement péquiste de M. Bouchard a fait? Est-ce qu’il a réinvesti dans les services? Eh bien non!

L’effort budgétaire qui a fait en sorte que Québec a renoué avec les surplus budgétaires au tournant de l’an 2000 a été directement dépensé, mais pas là où on pense. Ce n’est pas un appareil d’État hors contrôle qui s’est accaparé ces surplus, mais bien les politiques populistes de baisses d’impôt.

Dès 2000, Bernard Landry, alors ministre des Finances, annonce un plan de 4,5 G$ de baisses d’impôt. Peu après, c’est autour de Jean Charest de se faire élire avec la promesse de diminuer le « fardeau fiscal » des Québécois.e.s de 1 G$ par année durant son mandat. En 2007, le premier ministre de l’époque en rajoute en utilisant un transfert fédéral pour financer une baisse de 950 M$ juste à temps pour les élections.

Chaque fois, ce n’est ni la classe moyenne, ni les plus démuni.e.s qui en profitent, mais bien les plus fortuné.e.s. Pour la majorité de la population, une baisse d’impôt signifie seulement quelques dizaines de dollars en plus dans ses poches. Le prix à payer est lui bien plus élevé : diminution de la qualité des services, progression des listes d’attente, hausse tarifaire, etc.

Le ministre Leitão gagnerait en pertinence à arrêter d’inventer des déficits là où il n’y en a pas. Si on veut trouver un responsable pour expliquer l’état actuel de nos finances publiques, il est temps de regarder du côté des gouvernements qui se sont succédés à Québec depuis l’an 2000. Le principal responsable du déficit actuel, avec la débâcle du capitalisme financier de 2008, n’est nulle autre que l’obsession de nos élu.e.s à confondre baisse d’impôt et projet de société.

En 1852, Marx décrivait ainsi le spectacle pathétique de la vie politique française : « tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois […] la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce ». Aurons-nous la chance d’innover par une troisième répétition, l’effet comique de la farce en moins?    

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