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L’hydroélectricité : grande porteuse de développement au Québec?

11 avril 2017

  • Bertrand Schepper

Dans les derniers jours, je me suis intéressé au plus récent livre de Normand Mousseau intitulé Gagner la guerre du climat : douze mythes à déboulonner publié chez Boréal. Pour ceux et celles qui ne le connaissent pas, monsieur Mousseau est professeur de physique à l’Université de Montréal et directeur académique de l’Institut de l’énergie Trottier sur les enjeux énergétiques. À ce titre, il a co-présidé en 2014 la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, mais son rapport a été « tabletté » par le Parti libéral lors de son arrivée au pouvoir.

On comprend à la lecture du livre Gagner la guerre du climat pourquoi l’élite politique a tout fait pour éviter de publier son rapport : les propos de monsieur Mousseau dérangent. Il remet en question, exemples chiffrés à l’appui, de nombreux dogmes fortement ancrés dans l’imaginaire collectif québécois. Ce faisant, j’imagine que monsieur Mousseau ne se fait pas que des amis parmi les classes politiques, économiques et écologiques.

Naturellement, les nombreuses expériences de monsieur Mousseau de recherche sur l’énergie l’emmènent à dresser un portrait bien moins optimiste que nos élites politiques sur la stratégie énergétique du Québec. Ainsi, je recommande chaudement la lecture de son ouvrage. Pour vous donner un avant-goût, j’aimerais revenir sur l’un des mythes énergétiques récurrents qu’il est essentiel de déboulonner : l’idée que l’hydro-électricité soit le pétrole de demain.

En effet, pour monsieur Mousseau, les stratégies énergétiques du Québec n’ont empiriquement pas permis que ce secteur demeure le moteur de l’économie québécoise comme ce fût jadis le cas, quoiqu’en disent les politicien·ne·s. Premièrement, contrairement aux décennies passées, notre capacité à vendre de l’énergie à faible coût aux industries énergivores n’a plus l’importance qu’elle avait. En effet, de nombreux États sont maintenant capables d’égaler les avantages énergétiques du Québec. Ainsi, comme le mentionne le professeur de physique, les prix à l’international de l’énergie sont comparables à ce que l’État québécois peut offrir aux alumineries.

Deuxièmement, économiquement, il devient de plus en plus clair que les subventions et rabais en énergie pour l’industrie énergivore rapportent un très faible rendement en emplois directs et indirects pour chaque dollar consenti. D’ailleurs, le fait que les entreprises énergivores ne se bousculent pas aux portes du Québec est un indicateur extrêmement concret du fait que l’énergie québécoise à faible coût n’est plus un avantage concurrentiel. Cela s’explique en grande partie par l’incapacité du Québec (et du Canada) à se doter d’une véritable politique industrielle digne de ce nom au-delà de l’exploitation des matières premières.

Troisièmement, notre capacité d’exporter de l’électricité reste limitée. En effet, en plein milieu de l’hiver, à la pointe de consommation, alors que nos voisins et partenaires commerciaux ont besoin d’énergie, nous fournissons uniquement la population québécoise.  On pourrait bien sûr produire davantage, mais les coûts de production des nouveaux projets (La Romaine, éoliennes, mini-centrales, etc.) sont trop élevés pour être concurrentiels. Bref, le Québec n’est pas, contrairement à ce qu’il aimerait croire, un leader en énergie verte.

La solution du gouvernement pour pallier cette situation est de tenter de développer la voiture électrique. Si, bien sûr, ce type de transport peut contribuer à un cocktail de transport plus vert, la proposition gouvernementale d’avoir un parc de voitures électriques de 100 000 voitures d’ici 2020 est une mauvaise solution.

Bien qu’impressionnant, ce nombre représentera moins de 2 % du parc automobile et n’abaissera que de 0,1 % l’émission de gaz à effet de serre. Rappelons de plus que le Québec ne produit pas de voitures électriques sur son territoire. La subvention québécoise pouvant aller jusqu’à 000 $ par voiture ne fait donc qu’enrichir des corporations internationales. Ceci étant dit, tout semble indiquer que cet ambitieux objectif sera raté puisque des 100 000 voitures espérées, on en comptait un peu moins de 13 500 sur les routes au 31 décembre 2016.

L’un des constats que l’on fait à la lecture de l’ouvrage de monsieur Mousseau, parmi de nombreux autres, est que non seulement le Québec n’est pas un leader en transition écologique, ses propositions sont largement insuffisantes pour avoir un réel effet sur l’environnement et l’économie. En ce sens, ce livre mérite d’être lu, ne serait-ce que pour se donner un petit électrochoc.

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