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Encore quelques brassées avant l’égalité homme-femme

12 octobre 2014

  • Julia Posca

Mesdames, tenez-vous le pour dit, si votre mari fait trop le ménage à la maison, votre couple risque fort bien de se terminer en divorce. Cette affirmation, qui semble tout droit sortie d’un magazine féminin des années 1950, a pourtant fait les manchettes après qu’une institut de recherche norvégien ait publié une étude montrant que « la proportion de divorces parmi les ménages qui partagent les tâches domestiques de manière équitable est environ 50% plus élevée que chez ceux où l’essentiel du travail est accompli par la femme. » Au-delà de cette étude et de la nouvelle qu’elle a suscitée, il y a la réalité de la répartition des tâches domestiques entre les hommes et les femmes, qui est, comme le montre la note que nous publions aujourd’hui, loin d’être équitable.

D’aucuns se consoleront en disant que la situation des femmes canadiennes est fort enviable comparativement à d’autres endroits du monde où les rôles traditionnellement masculin et féminin dictent encore largement la conduite des individus. En moyenne dans les pays de l’OCDE, les hommes consacrent la moitié moins de temps aux tâches ménagères que les femmes, alors que le temps consacré à ces tâches par les hommes canadiens correspond au deux tiers du temps qu’y dédient les femmes. C’est mieux, mais il reste qu’en 2010 au Canada, les femmes effectuent à tous les jours une heure et demie de plus de travail ménager que les hommes. Bref, il n’y a pas de quoi se réjouir.

On a d’ailleurs pu constater combien le fossé était profond en s’intéressant à des types particuliers de ménages. Dans un ménage où l’homme travaille à temps plein et la femme est sans emploi, madame fera 15 heures de plus de travaux ménagers que son conjoint. Normal, diront certains, elle a plus de temps que son conjoint. Et pourtant, si les deux travaillent à temps plein, madame fera encore cinq heures de plus de tâches ménagères que monsieur ! La parité n’est atteinte dans la répartition des tâches domestiques que dans les couples où la femme travaille à temps plein et l’homme est sans emploi.

L’inégalité entre les hommes et les femmes apparaît aussi dans la manière qu’ils ont d’adapter leur horaire à la vie de famille. Les femmes sont plus nombreuses à s’absenter du travail que les hommes (en excluant les congés de maladie et de maternité) et à choisir de travailler à temps partiel pour prendre soin de leurs enfants ou pour d’autres obligations familiales. Autrement dit, malgré une plus forte présence sur le marché du travail qu’il y a trente ans, les femmes sont plus nombreuses à sacrifier leur revenu professionnel pour concilier travail et famille.

Les familles les plus fortunées sont nombreuses à avoir recours à une aide domestique afin de se débarrasser de la responsabilité des travaux domestiques. Or, il faut bien dire que ce travail, assez pénible, est souvent sous-traité à des femmes racisées qui, non seulement sont la plupart du temps mal payées et ne bénéficient d’aucun avantages sociaux, mais se retrouvent en plus dans une situation de grande précarité. Celles qui sont employées en vertu du Programme des aides familiales résidantes (PAFR) pour prendre soin des enfants, des personnes âgées ou handicapées ne peuvent par exemple ni changer d’employeur, ni suivre une formation ou se faire reconnaître des diplômes acquis à l’étranger, en plus d’être obligées d’habiter chez leur employeur. En somme, les stratégies de sous-traitance des tâches domestiques utilisées par certains ménages n’ont au final que pour conséquence de transférer l’inégalité sur une catégorie de femmes plus vulnérables.

En entendant cet été le ministre fédéral de la Justice Peter Mackay affirmer que s’il y a peu de femmes juges au Canada, c’est parce qu’elles craignent qu’un tel emploi ne nuise à la relation privilégiée qu’elles ont avec leurs enfants, plusieurs d’entre nous ont soupiré en se disant que les stéréotypes avaient la vie beaucoup trop dure. Les résultats de notre courte étude nous permettent malheureusement de constater l’ampleur des effets que cette représentation caricaturale des femmes a sur leurs conditions de vie.

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