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Est-ce que le Québec est plus inégalitaire que le Canada?

2 février 2024

Lecture

5min


Alors que le Canada est plus riche que le Québec sur le plan de la richesse et du revenu moyen, qu’en est-il du niveau d’inégalité au sein de la population québécoise et canadienne? Dans ce billet, nous faisons le point sur différents indicateurs d’inégalité. 

La mesure des inégalités doit porter sur plus d’une variable pour tenir compte des différentes dynamiques à travers lesquelles ces inégalités se reproduisent entre les classes sociales. Pour les plus riches, l’accumulation de richesse se fait principalement par l’intermédiaire d’actifs financiers et de rentes, comme celles tirées de revenus de location. Mais, pour la grande majorité de la population, le niveau de richesse dépend avant tout du revenu disponible (le revenu du marché après impôts et transferts gouvernementaux) et donc du salaire, qui peut varier grandement entre les industries et les professions. Ainsi, pour brosser un portrait fiable des inégalités au pays, il faut prendre en compte tant le revenu disponible que la richesse. 

Pour les deux indicateurs, la distribution par quintile montre que le Québec est plus égalitaire que le Canada comme on peut le voir dans le graphique ci-haut. Le quintile de revenu supérieur (le 20% le plus riche) au Québec possède près du tiers de la richesse totale alors que cette proportion atteint 45,3% au Canada. Ce même groupe gagne par ailleurs environ 25% des revenus disponibles totaux au Québec et près de 40% au Canada. On constate ainsi que la différence est importante entre les quintiles de revenu supérieur canadien et québécois. Quant aux ménages qui font partie du quintile de revenu inférieur, ceux du Québec possèdent 8,8% de la richesse totale et 10,3% des revenus disponibles, contre 7,3% et 7,1% au Canada. Selon ces estimations, le Québec, loin d’atteindre l’égalité complète, serait donc plus égalitaire que le Canada. 

La situation a toutefois évolué dans la dernière décennie. On observe tant au Québec qu’au Canada une diminution de l’écart entre 2010 et 2022. Le revenu disponible des ménages formant le 60% le plus pauvre a augmenté tant au Québec (+3,92%) qu’au Canada (+2%). Quant au quintile supérieur, sa part du revenu disponible total a diminué de 1,89% au Canada et de 0,84% au Québec. 

La richesse a connu une évolution différente. Les trois quintiles inférieurs ont vu leur part totale de richesse augmenter de façon plus importante au Canada qu’au Québec (respectivement +5,35% et +6,14% et +5,35%), tandis que le quintile supérieur au Québec a vu sa part diminuée plus rapidement qu’au Canada (-5,77% contre -5,59%). 

Les différences dans l’augmentation de la part des revenus les plus faibles au Canada et au Québec peuvent s’expliquer par des dynamiques salariales. Entre 2010 et 2022, les salaires réels ont augmenté à la fois au Canada et au Québec. Dans cette province, la croissance des salaires réels pour le 50% des ménages les plus pauvres a été près de quatre fois plus importante qu’au Canada pour ce même groupe (32,01% contre 8,67%). Les salaires ont aussi augmenté pour les plus fortunés. Le salaire moyen du 10% le plus riche a augmenté de 18,01% au Québec et de 6,61% au Canada. La croissance plus forte des salaires au bas de l’échelle peut ainsi expliquer pourquoi la part du gâteau des ménages les plus pauvres au Québec a augmenté, ainsi que sa position relative au Canada. Ce phénomène met d’ailleurs en évidence le rôle de l’augmentation du salaire minimum dans la réduction des inégalités économiques.

L’appréciation de la richesse des ménages les plus fortunés s’explique pour sa part par l’évolution de la valeur de leurs actifs financiers et immobiliers. Entre 2010 et 2022, les prix réels des logements ont atteint un niveau record, mais ils ont augmenté davantage au Québec (17,49%) que dans l’ensemble du Canada (9,64%). Cependant, le Québec est la province où le taux d’accession à la propriété est le plus bas parmi toutes les provinces (59,9% au Québec contre 66,5% dans l’ensemble du Canada) et il a diminué au fil du temps. En outre, l’accession à la propriété varie selon la répartition des revenus, les ménages les plus pauvres affichant des taux d’accession à la propriété nettement inférieurs. C’est ce qui explique que bien que la part de richesse des ménages les plus pauvres au Québec ait augmenté au cours de la dernière décennie, elle a moins augmenté par rapport à l’ensemble du Canada. Effectivement, les ménages aux revenus inférieurs au Québec sont moins susceptibles d’être propriétaires et de bénéficier de la hausse des prix de l’immobilier, d’autant plus que cette hausse, combinée à celle des taux d’intérêt, représente un obstacle sérieux à l’achat d’un logement pour les locataires.

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2 comments

  1. Tous vos travaux sont précieux pour le Québec, pour bien connaître notre situation et pour voir venir les solutions valables pour les problèmes à régler. Merci de vos travaux et de les rendre publics pour tous et toutes.

  2. Les résultats de cette étude sont contredites par une autre étude beaucoup plus exhaustive, soit É V O L U T I O N D E S I N É G A L I T É S
    É C O N O M I Q U E S A U C A N A D A E T A U
    Q U É B E C : T E N D A N C E S E T C A U S E S, de l’Observatoire québécois de l’inégalité. 202

    En somme:
    • La comparaison entre provinces met en évidence l’effet des politiques sociales et
    fiscales de redistribution : le Québec est l’UNE DES provinces les moins inégalitaires
    après les transferts et le prélèvement de l’impôt, tout particulièrement au long
    des années 2000.
    • Les inégalités de richesse sont plus prononcées que les inégalités de revenu et
    semblent un peu plus marquées au Québec que dans les autres provinces.
    • Les inégalités de consommation au Canada se sont légèrement accrues de la fin
    des années 1990 au début des années 2000, puis se sont stabilisées. Le Québec
    figure également parmi les provinces les plus inégalitaires à ce chapitre.

    Cette étude de plusieurs mesures sur une longue période trouve que les différences entre provinces sont petites, varient d’une décennie à une autre, et ne trouve aucune tendance linguistique.

    L’étude Est-ce que le Québec est plus inégalitaire que le Canada? commence avec un biais de base, en mettant ensemble toute les provinces anglophones. L’idée qu’une façon de parler détermine ses valeurs est au mieux une hypothèse douteuse et non pas un point solide de départ. Les coefficients Gini pour le Québec ne sont presque jamais les plus bas des provinces canadiennes. Par contre les Gini pour les EU sont toujours plus haut de plusieurs points que ceux du Canada, donc l’hypothèse linguistique est fort suspecte.

    Dans toutes les sociétés il existe des biais cognitifs qui favorisent les perceptions d’uniformité et de négativité envers les autres. (La Presse vient de publier une série d’articles à ce sujet, du 4 au 8 mars. https://www.lapresse.ca/dialogue/2024-03-05/biais-cognitifs/ces-biais-qui-creusent-des-fosses-ideologiques.php) Par exemple, bien des Canadiens prennent le américains pour individualistes, matérialistes, etc. Beaucoup d’ontariens croient que les latins sont corrompus et manque de civisme, y compris les canadiens français. Et beaucoup de québécois se font l’idée que les “anglo-saxons “ sont individualistes et moins généreux, et que le Québec en sort uniquement égalitaire en Amérique du Nord. Les valeurs d’égalité et générosité sont des valeurs humaines qui se manifestent dans toutes les religions, ethnies et pays. Les biais cognitifs ont tendance à approprier les belles valeurs pour les siens et d’attribuer les valeurs négatives aux autres. Aucune résiste à une analyse critique.

    Au Canada, la quasi totalité de mesures “collectives” ont été initiées dans les provinces anglophones ou au niveau fédérale, par exemple:
    Écoles et universités publiques (Ontario,1850)
    Grèves, syndicats et législation syndicale (Ontario, 1880)
    Nationalisation de l’électricité (Ontario, 1906, première mondiale)
    Assurance hospitalisation et santé (Saskatchewan, 1946)
    Assurance automobile sans tort et nationalisée (Saskatchewan, 1946, première mondiale)
    Assurance chômage
    Pensions et sécurité de la vieillesse
    Transferts de péréquation vers les provinces moins riches
    Nationalisations des industries (transport ferroviaire et aérien, pâtes et papier, mines de charbon, uranium, etc.)

    Depuis 1960, le gouvernement du Québec s’est lancé dans ces activités, et a initié de nouveau programmes comme les garderies, le soutien aux médicaments sur ordonnance et les soins dentaires pour enfants. Mais cela n’est pas unique au Canada. Par exemple, l’Ontario a encore beaucoup de politiques collectivistes qui sont plus élaborées qu’au Québec, par exemple:
    Salaire minimum plus élevé, sans exception pour les serviteurs au restaurants
    Éducation publique, sans subvention aux écoles privées
    Incidence minimale de cliniques de medicine privee
    Transport en commun
    Épuration des eaux municipaux
    Systèmes de recyclage de bouteilles et ordures

    Dans ce contexte historique et actuel, l’idée que le Québec est une société “uniquement collectiviste dans un continent d’individualistes Anglo-Saxons” est de la pure fantaisie ethnocentrique.

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